Le droit de la consommation a de multiple facettes, outre sa fonction première de protéger le consommateur, réputé « partie faible » au contrat, il se révèle aussi un formidable outil de régulation du marché eu égard à l’action en concurrence déloyale. Tel est le cas en l’espèce du litige qui oppose la société française du radiotéléphone (SFR) à la société FREE mobile (FREE). SFR a en effet proposé aux consommateurs des forfaits dits « Carré » offrant aux consommateurs le choix entre un abonnement à un service de téléphonie sans achat de téléphone mobile et un forfait associé à l'acquisition d'un téléphone mobile. Dans ce dernier cas, le consommateur avait encore le choix entre soit l'acquisition du mobile à un prix de référence assorti d'un forfait « à prix Eco », soit l'acquisition à un prix « attractif », associée à un engagement d'abonnement un peu plus cher chaque mois jusqu'à son terme de douze ou vingt-quatre mois, le forfait revenant ensuite au prix « Eco». Pour son concurrent FREE, cette dernière formule doit être qualifiée de crédit à la consommation méconnaissant à ce titre les dispositions spécifiques régissant l’information des consommateurs (L312-12 à L312-13, C., Conso) et caractérisant à leur égard une pratique commerciale trompeuse (L121-2 à L121-5, C., Conso.) puisque la véritable nature de l’offre (crédit) est dissimulée au consommateur. FREE a donc assigné SFR en réparation de son préjudice et cessation des pratiques dès lors que le non-respect d’une obligation légale par SFR caractérise une faute susceptible de relever d’un acte de concurrence déloyale vis-à-vis de FREE, qui respectant la législation en vigueur subi de ce fait un préjudice concurrentiel (voir en ce sens, Cass. Com., 20 septembre 2016, n°14-28083). Rappelons que la qualification de crédit à la consommation, dont il été ici question, suppose « une opération ou un contrat par lequel un prêteur consent ou s'engage à consentir à l'emprunteur un crédit sous la forme d'un délai de paiement, d'un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire » (L311-1, 6°, C., Conso.). Un crédit à la consommation peut donc prendre la forme d’un délai de paiement, d’un prêt ou de toute autre facilité de paiement similaire. En l’espèce, la formule litigieuse ne peut être qualifiée de prêt puisque ce dernier suppose la remise d’une somme d’argent et un remboursement. Le cœur du débat résidait ainsi dans la question de savoir si la formule proposée par SFR pouvait caractériser un délai de paiement ou une facilité de paiement similaire. D’emblée la Cour d’Appel de Paris distingue le contrat de vente et le contrat d’abonnement inclus dans l’offre ; le contrat de prestations de service à exécution successive étant expressément exclu par le texte (L311-1, 6°, C., Conso.), seul le contrat de vente est donc susceptible d’être qualifié de contrat de crédit. Sur ce point la Cour d’Appel a relevé que « qualification d'opération de crédit suppose que le vendeur consente à l'acquéreur, par l'octroi d'un délai pour payer le prix de la vente après la livraison du bien, une avance que celui-ci doit lui restituer en totalité ». Or tel n’est pas le cas principalement puisqu’il n’est pas démontré, comme le soutenait FREE que « la majoration du coût de l'abonnement corresponde au différentiel entre le prix attractif du téléphone et son véritable prix » et qu’il n’existe aucun engagement effectif de payer à terme la totalité ou partie du prix (nombreuses hypothèses de résiliations anticipées légales ou conventionnelles notamment). En conséquence, le contrat litigieux serait un contrat de vente simple juridiquement inscrit dans un système de subvention de téléphone mobile (voir en ce sens, G., Decocq, la Semaine Juridique Entreprises et affaires, n°18-19, 2 mai 1993). Ce raisonnement est pourtant fermement cassé par la Cour de Cassation. Par ce système, SFR s’assure, en principe, « du remboursement des sommes qu'elle avait avancées au moment de la vente du terminal mobile en obtenant de ses clients la souscription d'un forfait majoré pour une durée de douze ou vingt-quatre mois, peu important l'aléa, théorique ou en tous cas limité, pouvant affecter le remboursement des sommes avancées ». En conséquence, la Cour invite la Cour d’Appel de renvoi à vérifier « si le report du prix d'achat du mobile sur le prix de l'abonnement en cas d'acquisition d'un terminal mobile à un prix symbolique n'était pas établi par le fait que la majoration mensuelle du forfait imposée au consommateur était concomitante à la réduction substantielle du prix du mobile ». Si la Cour d’Appel suivait ce raisonnement, les conséquences pour SFR seraient extrêmement lourdes. Outre une condamnation en concurrence déloyale, SFR devra pour l’avenir modifier les modalités de son offre d’abonnement ou les maintenir en respectant le formalisme et les dispositions contraignantes du crédit à la consommation et notamment : les règles de publicité (L312-12, C.Conso.), informations précontractuelles (L312-12 à L312-15, C. Conso.), évaluation de la solvabilité du préteur (L312-16 à L312-17, C. Conso.), interdiction de recevoir pendant sept jours à compter de l’acceptation du contrat un paiement (L312-25, C. Conso.), formalisme du contrat de crédit (L312-28 et suivants) et surtout droit de rétractation (L312-19 C. Conso.). Au surplus, SFR s’expose à l’annulation des contrats en cours pour défaut de consentement dès lors que les règles précitées n’ont pas été respectées et à une amende de 300 000 euros (L341-12 C., Conso.). Enfin une violation du monopole bancaire pourrait être caractérisée (L. 511-5, C. Mon. et Fin.). Nous notons, que dans l’attente de l’arrêt de la Cour d’Appel de renvoi à venir, SFR aura obtenu toutefois satisfaction sur ses demandes reconventionnelles : la Cour de Cassation confirmant la condamnation de FREE en concurrence déloyale pour avoir communiqué auprès de ses clients sur son action en justice alors que cette dernière n’avait pas donné lieu à une décision définitive ; pratique régulièrement sanctionnée (Voir, en ce sens, Cass. com., 12 mai 2004, 02-16623).