Affaire « Foncia », pas de manquements contractuels justifiant une indemnisation pour absence de synergie réseau pour la vente et des redevances indument versées
Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Chambre 4, Arrêt du 17 mars 2021, Répertoire général n° 19/00594
Faits.
Cette affaire s’inscrit parmi les huit procédures diligentées par d’anciens franchisés du réseau « Foncia », qui reprochaient à leur franchiseur d’avoir refusé le renouvellement de leur contrat de franchise, ou manqué à ses obligations contractuelles d’assistance et de transfert de savoir-faire, et d’avoir profité du maillage territorial assuré par ses franchisés pour assurer la profitabilité de ses succursales à leur détriment.
Dans la présente espèce, le franchisé avait engagé la responsabilité contractuelle du franchiseur au titre de plusieurs griefs : des pratiques discriminatoires favorisant ses agences intégrées au détriment des agences franchisés, l’absence de mise à jour du savoir-faire, la limitation de l’activité du franchisé, la dissimulation au public des agences franchisées, un manquement de synergie inter-agence, le dysfonctionnement du logiciel Totalimmo et un défaut d’assistance. Les juges de première instance avaient partiellement fait droit aux demandes du franchisé (Tribunal de commerce de Nanterre, 29 janv. 2015), mais la Cour d’appel de Versailles (Cour d’appel de Versailles, 24 janvier 2017, n° 15/00957, LD avril 2017, comm. N. Ereseo) l’avait débouté de l’ensemble de ses demandes considérant la situation précaire dans laquelle sont placés les franchisés dans un contrat de franchise, ainsi que la liberté reconnue au franchiseur de réorganiser son réseau comme il l’entend. Elle avait estimé que les manquements allégués par le franchisé et l’intention de nuire du franchiseur n’étaient pas étayés par des « preuves suffisantes, concrètes, sérieuses et convaincantes » ; et que les dysfonctionnements du logiciel n’avait jamais été signalés à la société éditrice. Le franchisé a formé un pourvoi en cassation et la Cour, dans un arrêt du 4 septembre 2018 (n°17-16536, LD oct. 2018, comm. N. Ereseo), a cassé et annulé l’arrêt mais seulement en ce « qu’il rejette les demandes indemnitaires formées par le [franchisé] au titre du manque à gagner lié à l’absence de synergie réseau pour la vente et des redevances indûment versées ». La Cour de cassation reprochait à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché, comme elle y était invitée, « si le franchiseur s’était acquitté de son obligation d’assistance et de mise à disposition du savoir-faire » alors que dans plusieurs courriels le franchisé dénonçait au franchiseur « le caractère inadapté du logiciel ainsi que ces lacunes. »
Solution
C’est sur renvoi après cassation que la Cour d’appel de Paris a décidé que : « la société [franchisée], représentée par son liquidateur judiciaire ne démontre aucun des manquements contractuels de la part de la société [franchiseur] invoqués à l’appui des demandes de dommages-intérêts au titre du manque à gagner lié à une absence de synergie réseau pour la vente et des redevances indument versées ».
Analyse
Bien que le franchisé ait été débouté de ses demandes faute de preuves, les affaires « Foncia » ont mis en exergue la question du traitement juridique de pratiques consistant, pour le franchiseur, à favoriser son réseau intégré au détriment de ses franchisés. La présence d’une clause dans le contrat de franchise interdisant au franchiseur de discriminer au sein du réseau pourrait résoudre le problème. Mais en l’absence d’une telle clause, le droit de la concurrence ne permet d’appréhender ce type de pratique que si elle résulte d’un accord de volonté entre les co-contractants et qu’elle produit un effet anticoncurrentiel, notamment si les parts de marché du promoteur du réseau d’une part, et du distributeur favorisé d’autre part, sont supérieures à 30 % et ne sont donc pas exemptées au regard du règlement (UE) n° 330/2010 sur les restrictions verticales de concurrence. Sur le terrain du droit des contrat, le traitement différencié peut être sanctionné s’il porte atteinte à l’utilité convenue du contrat, conformément au principe de la force obligatoire et de l’assujettissement qui en résulte pour chacun des contractants (cf. N. Ferrier, La Cour de cassation confirme la liberté pour le franchiseur de ne pas renouveler les contrats conclus avec les franchisés et de réorganiser son réseau, Rev. Concurrences, n° 4- 2018). Ainsi, si la discrimination opérée remet en cause l’utilité du contrat telle que relevant de la volonté des parties, à savoir, en l’espèce, sa rentabilité, la responsabilité du franchiseur pourra être engagée sur le fondement de l’obligation de bonne foi dans l’exécution des conventions (cf. Cass. Com., 3 nov. 1992, Huard, n° 90-18547.) En conséquence, le franchiseur qui souhaite favoriser un canal de distribution par rapport à un autre, ou un franchisé, devra s’interroger outre sur son positionnement sur le marché, sur la remise en cause de l’utilité du contrat pour les franchisés défavorisés. Il demeure, que la jurisprudence ici commentée demeure favorable à la liberté du franchiseur d’organiser son réseau de distribution et que, comme l’a rappelé la Cour d’appel de Versailles dans la présente procédure, « la situation de tout franchisé est par nature précaire ».