Agence commerciale : questions d’indemnisation de l’agent et du mandant en fin de contrat
Cass. com. 9 décembre 2014, pourvois 13-28170, 13-28781 ; Cass. com. 9 décembre 2014, pourvoi 13-23309
La question de l’indemnisation en fin de contrat d’agence commerciale est généralement envisagée sous l’angle de l’indemnité légale en réparation du préjudice subi du fait de la cessation du contrat (L 134-12 C. com.). Peu nombreuses sont les décisions qui s’intéressent par exemple à la réparation du préjudice d’image et de notoriété du mandant du fait de fautes graves de l’agent. Tel est le cas de la première décision sous commentaire (n°13-28.170 ; 13-28.781). Le mandant avait mis un terme au contrat pour faute grave de son agent. Cette faute est confirmée par la Cour d’appel et la Cour de cassation en des termes très sévères compte tenu « du désintérêt manifeste et généralisé dans l’exécution de son mandat s’étant traduit par une inertie totale dans le démarchage et la prospection, dans l’absence de réponse aux demandes de la société… ayant empêché celle-ci d’être informée de l’évolution du marché, comme de participation à des réunions et salons professionnels, et qui n’a fait preuve d’aucune coopération loyale avec sa mandante ». Ces fautes étaient d’autant plus graves que le territoire confié à l’agent en exclusivité était très large (Russie et anciennes républiques russes). Outre la qualification de la faute, la décision est intéressante en ce qu’elle reçoit la demande reconventionnelle du mandant au titre de son préjudice de notoriété et d’image. Pour la Cour, la marque du mandant, faute de diffusion par l’agent, n’avait pu être connue sur ce secteur. Il en résultait donc un préjudice en termes de notoriété et d’image pour le mandant qu’il convenait de réparer, ce d’autant que les ventes étaient en constante augmentation en Europe, aux Etats Unis et dans les autres pays du monde. Pour déterminer le préjudice, la Cour d’appel de Paris a comparé le chiffre d’affaires et les marges réalisés avec l’agent avant cette période d’inexécutions et au terme de cette dernière. Résultat : 98.358 euros de dommages et intérêts correspondant à la perte de marge du mandant ! Rares sont en outre les décisions qui traitent des demandes d’indemnisation de l’agent, pour refus de successeurs par le mandant, fondées sur l’indemnité légale rappelée ci-dessus et sur une indemnité « pour refus d’agrément » du successeur. C’est cette question du cumul qui était soumise à la Cour de cassation dans la deuxième affaire (13-23.309). L’agent qui s’était vu refuser par son mandant deux successeurs prétendait en effet, à la lecture du contrat qu’il avait conclu et du préjudice qu’il avait subi, devoir être indemnisé non seulement au titre de l’indemnité légale mais aussi au titre de l’indemnité de refus d’agrément. La Cour de cassation, confirmant l’arrêt d’appel, écarte cette demande considérant que : « le préjudice subi par l’agent commercial qui cesse ses fonctions, sans agrément par le mandant du successeur présenté par lui, est déjà réparé par l’indemnité de fin de contrat, laquelle, étant destinée à réparer le préjudice résultant pour lui de la cessation de ses fonctions, prend nécessairement en compte la perte du droit de présentation d’un successeur du fait de la non-transmission du contrat… ». Pour autant, l’indemnité légale, dont on sait qu’elle est habituellement fixée forfaitairement à deux années de commissions calculées sur les deux ou trois dernières années (méthode pour le moins critiquable dès lors que seul le préjudice subi doit être réparé – cf. LD décembre 2014 ; méthode retenue en l’espèce par la Cour d’appel de Colmar), répare-t-elle dans tous les cas l’entier préjudice subi par l’agent. Quid en effet si celui-ci peut démontrer que le successeur, présenté et refusé par le mandant, avait proposé un prix de rachat supérieur à ladite indemnité ? Dans cette hypothèse l’argument de la perte de chance ne pourrait-il pas être avancé pour justifier d’un préjudice distinct et d’une indemnisation supérieure à l’indemnité légale? De même, si la proposition du successeur est d’un montant inférieur à celui découlant de la méthode des deux années, le mandant n’aurait-il pas intérêt à faire usage de cette information pour influer sur le contentieux de l’indemnisation ?
Aymeric LOUVET