En raison de la dégradation constante des performances de son agent commercial, et malgré plusieurs avertissements, un négociant en articles de peaux et de cuirs met un terme au contrat à durée indéterminée. Le courrier de rupture précise qu’un préavis de trois mois ainsi qu’une indemnité sont accordés à l’agent. Ce faisant, le mandant ne semblait pas vouloir justifier la rupture par une faute grave exclusive de toute indemnité. Ce dernier souhaitait au contraire faire application d’une clause du contrat qui limitait le montant de l’indemnité de rupture à six mois de commissions. L’agent, considérant que son préjudice n’était pas intégralement réparé, saisit les tribunaux pour faire échec à cette stipulation contractuelle et obtenir une indemnité fixée selon les usages à deux années de commissions. Le Tribunal de Commerce de Paris écarte cette demande et fait application de la clause. Les motivations de cette décision n’étant pas connues, seul l’arrêt d’appel intéresse le commentaire. Arrêt d’appel qui précise tout d’abord « qu’il est de principe que les parties peuvent licitement convenir à l’avance d’une indemnité de rupture dès lors que celle-ci assure la réparation intégrale du préjudice subi par l’agent commercial ». Solution intéressante dès lors que certaines décisions, voire analyses doctrinales, semblaient considérer que ce type de clause était en soi illicite dès lors qu’elle a pour objet de convenir à l’avance du préjudice subi par l’agent ; évaluation qui ne peut être réalisée qu’à posteriori (Rép. Dalloz. P. Leloup). Ce faisant, à lire la solution, c’est l’analyse in concreto du préjudice subi par l’agent qui dira si la clause peut produire effet. Afin d’analyser ce préjudice, la Cour rappelle qu’elle ne saurait être liée par l’usage auquel faisait référence l’agent et préfère procéder à la détermination du préjudice effectivement subi qui correspond « à la perte pour l’avenir des revenus tirés de la clientèle commune ». Pour ce faire, les magistrats vont s’intéresser à la durée des relations mais aussi aux fautes éventuelles de l’agent. Durée des relations qui, si elle est courte (deux à trois ans) peut en effet justifier une indemnité réduite (un an de commissions) et, si elle est longue (douze à vingt ans), une indemnité supérieure à deux ans (trois ans de commissions). En l’espèce, la durée était de douze ans, ce qui pour la Cour était incompatible avec les six mois de commissions contractualisés. Les fautes éventuelles de l’agent sont pour autant examinées. Ces fautes, si elles n’ont pas le caractère de gravité suffisant pour priver l’agent du droit à indemnité, peuvent en effet minorer le montant de cette dernière (en ce sens Cour d’Appel Paris, 30 mars 2017 - LD juin 2017). En l’espèce, les fautes reprochées par le mandant se sont étalées dans le temps et ont été commises par l’ensemble des agents commerciaux du réseau, de sorte que ces dernières ne sont pas prises en compte pour chiffrer le préjudice. Ce faisant, ce dernier est fixé à deux années de commissions. L’usage mis un temps de côté fait donc son retour au final. La clause litigieuse ne peut donc recevoir application dès lors que son montant est insuffisant alors que le mandat d’agent commercial a duré 12 ans et qu’aucune faute de l’agent commercial n’est démontrée. En pratique, le conseil du mandant pourra avoir intérêt à stipuler une clause encadrant cette indemnité en prenant en considération ces décisions et en prenant bien soin d’éviter toute ambiguïté : identifier les faits générateurs de l’indemnité, les cas d’exclusions, les conditions d’application et le montant de l’indemnité (en liant ce montant à la durée des relations par exemple) ; éviter tout risque de cumul entre l’indemnité contractuelle et l’indemnité légale ; prévoir l’incidence des fautes non-graves de l’agent sur ces montants. Enfin, même si un préavis et une indemnité sont octroyés, la référence au sein du courrier de rupture à des faits fautifs, qu’il conviendra de pouvoir justifier par la suite, pourrait s’avérer utile… A.L.