Des sociétés commercialisant du vin tranquille et du champagne, après trois ans de relations contractuelles avec un agent, dénoncent le contrat considérant que les objectifs contractuels fixés ne sont pas atteints. Pour s’opposer au paiement de l’indemnité revendiquée par l’agent, ces mandants faisaient tout d’abord valoir que l’agent ne disposait pas du pouvoir de négociation ; condition nécessaire pour justifier de l’application du statut, peu important la volonté des parties (intitulé et stipulations contractuelles). Ce premier point est intéressant dès lors qu’il était présenté de façon originale : il ne s’agirait pas en effet d’un mandataire mais d’un prestataire chargé d’animer et de superviser les agents commerciaux exclusifs en charge de développer le secteur existant, prestataire rémunéré forfaitairement. Autrement dit, ce mode de rémunération ainsi que la présence d’agents commerciaux sur le secteur que l’agent devait encadrer, serait incompatible avec l’application du statut. Il est vrai que les dispositions légales relatives à la rémunération de l’agent ne s’intéressent qu’aux commissions, à savoir l’élément de la rémunération qui varie avec le montant et la valeur des affaires réalisées (L134–5 à L134–9 du Code de Commerce). De même, économiquement, la rémunération fixe semble peu compatible avec les résultats attendus grâce à la prospection de l’agent. Enfin, certains auteurs considèrent que la rémunération fixe est à exclure en matière d’agence commerciale dès lors qu’elle pourrait être un indice de lien de subordination voire de requalification en VRP. Après avoir rappelé classiquement que « les tribunaux ne sont pas liés par la qualification juridique donnée par les parties dans le contrat et doivent vérifier la réalité du mandat », le Tribunal et la Cour d’Appel rejettent les arguments des mandants. La Cour précise en effet que la rémunération forfaitaire n’est pas « contraire aux dispositions légales et n’a pas pour effet d’écarter la qualification d’agent commercial ». Pour la Cour, ce mode de rémunération est donc licite. Il est vrai que si les dispositions légales relatives à la rémunération de l’agent commercial apportent des précisions concernant les commissions, ces dernières n’excluent pas précisément de prévoir une rémunération forfaitaire. Il sera relevé en outre qu’au cas d’espèce l’agent était par ailleurs rémunéré par un complément de rémunération variable en fonction des ventes annuelles, le fixe n’était donc pas le seul élément de rémunération. Enfin, ce mode de rémunération pouvait difficilement écarter l’application du statut dès lors que la requalification en contrat de travail n’était pas discutée. Se fondant sur les pièces produites par l’agent, qui démontrait intervenir sur des ventes directes et qu’il disposait d’un vrai pouvoir de négociation, la qualification d’agent commercial est donc retenue par la Cour. Passée la qualification du contrat, les mandants reprochaient des fautes graves à l’agent. Le courrier de rupture renvoyait de façon lapidaire à la non-atteinte des objectifs contractuels. Faute que les mandants étayaient à l’occasion du contentieux par l’absence d’informations : concernant l’état des commandes, les plans d’actions envisagés, des tournées et rendez-vous fixés. La Cour écarte là-aussi cet argument au motif que le contrat a été résilié sans motif précis avec pour seule référence la non-atteinte des objectifs, qui ne saurait constituer en soi une telle faute sans autre grief tenant à l’inaction de l’agent. Sans aucune relance préalable à la rupture afin d’obtenir ces informations, il était difficile aux mandants d’obtenir gain de cause. Enfin, la Cour confirme le courant jurisprudentiel actuel, se démarquant de l’application automatique de l’usage des deux ans de commissions à titre d’indemnité, en fixant l’indemnité de fin de contrat en fonction du préjudice réellement subi, donc en tenant compte de la durée effective du contrat. En l’espèce trois ans de relation et une indemnité en conséquence limitée à une année de commissions ou plutôt de rémunération... AL