L’Autorité procède à un « nettoyage » des pratiques dans le secteur des produits d’entretien et d’hygiène corporelle en prononçant presque un milliards d’Euros d’amende
ADLC, Décision 14-D-19 du 18 décembre 2014
L’Autorité de la concurrence sanctionne 13 entreprises à un montant global de 951 millions d’Euros pour leur participation à une ou à deux ententes dans les secteurs respectifs des produits d’entretien et d’hygiène corporelle.
Sous l’empire de la « loi Galland », une application combinée des règles de transparence tarifaire, de non-discrimination tarifaire et de fixation du seuil de revente à perte au prix porté sur la facture d’achat, doublée d’un système de police des prix avait permis aux fournisseurs de maintenir les prix publics à un niveau artificiellement élevé, et de se partager la rente avec les distributeurs. Le Conseil de la concurrence était intervenu pour sanctionner ces pratiques verticales d’imposition des prix de revente dans le secteur des calculatrices à usage scolaires (décision n° 03-D-45) ou des jouets (décision 07-D-50).
A partir de 2003, les pouvoirs publics sont intervenus pour modifier ce cadre juridique à travers la circulaire Dutreil du 16 mai 2003, l’engagement pour une baisse durable des prix à la consommation du 17 juin 2004 et la loi dite « Dutreil » du 2 août 2005. Ces modifications ont eu pour effet d’instiguer plus de différenciation tarifaire, en encourageant le recours aux conditions particulières de vente situées dans le champ de l’opacité des négociations. C’est à ce moment-là que pour pallier l’asymétrie d’information suscitée par les modifications du cadre juridique, les fournisseurs des secteurs concernés ont été incités « à se rencontrer secrètement et à se coordonner, à de multiples reprises, sur leur hausses tarifaires et sur leurs niveaux de dérives » (pt. 1369). Ils échangeaient ensuite des informations extrêmement récentes sur leurs conditions générales de vente, leurs grilles tarifaires, leurs opérations promotionnelles, les NIP envisagés, l’état d’avancement des négociations avec les distributeurs, ce qui leur permettaient de vérifier a posteriori le respect de l’équilibre collusif décidé.
Les pratiques ont été portées à la connaissance de l’Autorité de la concurrence en 2006, suite à une demande de clémence de par SC Johnson, Colgate-Palmolive et Henkel qui ont, à ce titre, bénéficié d’immunité totale ou partielle en fonction de leur rang, à savoir leur ordre d’arrivée devant l’Autorité pour la contribution apportée à la dénonciation de la pratique. Les enquêteurs ont alors procédé à des perquisitions au sein de la brasserie « Le Royal-Villiers » prenant sur le fait les protagonistes en train d’échanger des informations sur les prix, puis des sièges sociaux des entreprises en cause.
On notera que, logiquement, le bénéfice de la clémence ne s’étend pas aux entités acquises par l’entreprise à l’initiative de la demande. Ainsi le groupe Colgate-Palmolive ayant acquis Sarah Lee and Body Care France en 2011, ces dernières ayant participé à l’entente, se voient refuser le bénéfice de la clémence à leur profit.
En outre la procédure de clémence n’exclut pas la possibilité pour les entreprises de bénéficier de la procédure de transaction. En effet, les entreprises qui ont pu bénéficier de la clémence pour l’entente dans un secteur, se sont vues notifier les griefs dans l’autre et ont été en mesure de renoncer à leur contestation et bénéficier d’une réfaction de 10 % de la sanction.
Plus encore, certaines entreprises ont pu bénéficier d’une réduction supplémentaire en contrepartie d’engagements liés à l’amélioration de programmes de conformité préexistants lors des pratiques anticoncurrentielles.
En définitive, l’entreprise la plus condamnée, L’Oréal (189 millions d’Euros), n’est pas l’instigateur et a participé à une seule entente. Mais elle n’a demandé ni le bénéfice de la clémence, ni celui de la procédure de transaction.
Karine BIANCONE