Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne - signe CHAMPANILLO pour des restaurants et non des vins pétillants - Protection AOP : utilisation par des produits ou des services litigieux identiques ou similaires - Evocation CJUE 9/09/2021, aff. C-78
AOP CHAMPAGNE/ CHAMPANILLO Bars à tapas ou la protection élargie des appellations d’origine
Une société de droit espagnol exploite des bars à tapas sous l’enseigne CHAMPANILLO et utilise ce support
graphique notamment sur les réseaux sociaux :
Le Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne (CIVC), après des oppositions à succès sur le terrain
des marques, saisit le Tribunal de Commerce de Barcelone pour faire cesser l’utilisation de ce signe.
En défense, l’exploitant fait valoir que l’utilisation du signe CHAMPANILLO concerne des services autres
(restaurants et non des vins pétillants) que les produits couverts par l’AOP (Champagne). Ce faisant, il
n’entraîne aucune confusion avec l’AOP « Champagne ». Cet argument est retenu par le Tribunal de
Commerce et la demande du CIVC rejetée.
En appel, la Cour décide d’interroger la Cour de Justice quant à l’interprétation à donner au périmètre de
protection des appellations.
D’abord, l’AOP permet-elle de s’opposer à des agissements se rapportant tant à des produits qu’à des
services ? Autrement dit, l’AOP Champagne peut-elle être opposée à des agissements visant des services de
restauration ?
Pour répondre par l’affirmative, la CJUE rappelle que, si seul les produits peuvent bénéficier de
l’appellation, « le champ d’application de la protection conférée par cette dénomination couvre toute
utilisation de celle-ci par des produits ou des services »
L’AOP est donc protégée contre toute usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable du
produit « ou du service » est indiquée.
Notion d’«évocation» qui n’est pas limitée à des produits ou services litigieux identiques ou similaires. Il
s’agit du deuxième apport de la décision.
Le critère déterminant est donc, pour la Cour, de savoir si le consommateur, en présence d’une
dénomination litigieuse, est amené à avoir directement à l’esprit, comme image de référence, le produit
couvert par l’AOP.
Tel sera le cas, si « dans l’esprit d’un consommateur européen moyen, normalement informé et
raisonnablement attentif et avisé, un lien suffisamment direct et univoque entre cette dénomination et
l’AOP ».
Cette appréciation de l’évocation (et ce faisant sa sanction éventuelle) devra être effectuée par le juge
national sur la base d’indices fixés par la Cour : incorporation partielle de l’AOP, parenté phonétique et
visuelle entre les deux dénominations et similitude en résultant ; en l’absence de ces éléments : proximité
conceptuelle entre l’AOP et la dénomination en cause ou similitude entre les produits couverts par cette
même AOP et les produits ou services couverts par cette même dénomination.
Enfin, la Cour rappelle que cette protection des AOP est spécifique et autonome et « n’est donc pas
subordonnée à la constatation de l’existence d’un acte de concurrence déloyale ».
Les réponses apportées par la Cour, sur le fondement du règlement no 1308/2013, participent d’un
élargissement de la protection des AOP.
Elargissement dont l’ampleur dépendra notamment de l’appréciation et de la mise en œuvre par les juges
nationaux de ces réponses.
Il n’est en effet pas à exclure que la notoriété de l’appellation – qui ne saurait être justifiée par toutes les
appellations viticoles – participe (ou soit un passage obligé ?) pour le consommateur à cette association
d’idées entre le vin protégé et le produit ou service litigieux.
D’ores et déjà, voyons si le juge espagnol sanctionne ce réseau de bars à tapas dénommé « Petit
Champagne » qui ne vend pas du Champagne. A suivre…