Un franchisé, qui avait conclu un contrat de franchise pour l’exploitation d’une boulangerie, dénonce ce dernier avant son terme reprochant au franchiseur de multiples inexécutions contractuelles ; contrat dont la durée était de neuf ans, renouvelable par tacite reconduction pour des périodes de cinq ans. Ce contrat prévoyait par ailleurs l’obligation pour le franchisé de s’approvisionner exclusivement auprès d’un fournisseur spécifiquement référencé, lequel avait développé un concept de fabrication innovant de pains traditionnels. Suite à la rupture, le franchisé est assigné aussi bien par le franchiseur que par le fournisseur pour rupture abusive. Il est intéressant de relever que le fournisseur invoquait, pour obtenir la condamnation du franchisé, l’existence d’une stipulation pour autrui résultant du contrat de franchise. Ce fondement lui permettait ainsi de prétendre à la réparation du préjudice résultant de la perte de marge sur le nombre de mois restant à courir jusqu’au terme du contrat et non au seul préavis raisonnable sur le fondement de la rupture brutale des relations. En réponse, le franchisé fait valoir classiquement, aussi bien devant la Cour d’Appel que devant la Cour de Cassation, que le seul fait qu’une clause d’un contrat puisse procurer un avantage à un tiers ne suffit pas à caractériser l’intention de stipuler pour autrui. Cette clause doit en effet « conférer au tiers bénéficiaire un droit direct à l’encontre dupromettant ». Or, la clause d’espèce constituait selon lui une modalité d’exécution du contrat et non un droit propre direct au profit du fournisseur à l’égard du franchisé. En outre, la rédaction de la clause s’opposerait à cette qualification dès lors que le franchisé avait la possibilité de demander le référencement d’autres fournisseurs qui pratiquaient des prix inférieurs dès lors que le produit présentait les qualités requises pour être commercialisé dans le réseau ; possibilité incompatible avec l’intention de procurer au fournisseur un droit propre et direct. La Cour d’Appel puis la Cour de Cassation rejettent de tels arguments dès lors que le contrat de franchise précisait très clairement que le franchiseur demandait au franchisé de s’engager à se fournir exclusivement, pour les produits de la gamme fabriqué par le fournisseur référencé, auprès de ce dernier, ce qui caractérise « une volonté manifeste des parties de faire naître au profit (du fournisseur référencé) un droit contre (le franchisé)…peu important la faculté du franchisé de proposer un autre fournisseur ». La naissance de ce droit direct au profit du fournisseur référencé dépend donc de la clarté de la rédaction de la clause. Si, pour cette raison, la responsabilité du franchisé ne peut être engagée sur le fondement de la stipulation pour autrui, une action en responsabilité délictuelle est envisageable (Cour de Cassation, Ch. Com. 10/07/2012 n°11–22301). Le franchisé contestait par ailleurs la licéité de la clause d’approvisionnement exclusif, considérant qu’elle caractérisait une restriction de concurrence pour laquelle l’exemption par catégorie (Règlement 330/2010) ne pouvait pas s’appliquer. La logique du franchisé était la suivante : cette obligation doit être qualifiée « d’obligation directe ou indirecte de non-concurrence dont la durée est indéterminé ou dépasse cinq ans » au sens de l’article 5 du règlement. Ce faisant, sauf pour le franchiseur à démontrer qu’il pouvait bénéficier d’une exemption individuelle (article 5.3 du règlement), cette clause doit être annulée. La Cour d’Appel écarte cette argumentation au terme d’une analyse qui peut prêter à confusion. Cette dernière qualifie tout d’abord cette clause d’obligation de non-concurrence avant de préciser que l’exemption par catégorie n’est pas envisageable lorsque la durée de cette obligation dépasse cinq ans, ce qui est le cas en l’espèce. Et la Cour de préciser toutefois qu’ « en matière de franchise des exemptions individuelles sont possibles ». A ce stade du raisonnement, c’est sur le terrain du paragraphe 3 de l’article 101 du traité et de l’article L420-4 du Code de Commerce, et donc de l’exemption individuelle, que la solution de la Cour était attendue. Pour autant, l’argument du franchisé est rejeté au motif que les clauses qui organisent le contrôle indispensable à la préservation de l’identité et de la réputation du réseau, symbolisée par l’enseigne, « ne constituent pas des restrictions de concurrence au sens du paragraphe 1 du traité de l’article L420-1 du Code de Commerce ». Autrement dit, ces clauses ne sont pas soumises à l’analyse préalablement indiquée… Et la Cour d’Appel de reprocher au franchisé de ne pas démontrer que cette clause ne serait pas indispensable à la protection du savoir-faire et à la préservation de la réputation du réseau. Profitant de cette articulation pour le moins maladroite le franchisé va affirmer au soutien de son pourvoi, qu’en concluant ainsi après avoir validé la grille d’analyse qu’il proposait sur la base du Règlement 330/2010, la Cour d’Appel a renversé la charge de la preuve. La Cour de Cassation rejette ce pourvoi et fait œuvre de clarification en considérant tout d’abord qu’ « en matière de franchise, les clauses qui organisent le contrôle indispensable à la préservation de l’identité de la réputation du réseau, symbolisé par l’enseigne, ne constituent pas des restrictions de concurrence au sens des articles 101 paragraphe 1 du traité et 420-1 du Code de Commerce ». Cette solution est conforme, voire même de portée plus large, que les Lignes Directrices du Règlement (point 190-b). Cette dernière fait surtout écho, trente-deux ans après (à quelques jours près), à la décision Pronuptia (CJCE 28/01/1986 Aff. 161/84), à la décision de l’ADLC dans le secteur du lavage automobile (Décision n°10-D-12) voire plus généralement à l’application de la règle de raison (D. Ferrier Accords de distribution Rep. Droit européen), Il s’agit en effet de traiter de façon préférentielle au regard du droit de la concurrence ces clauses qui, insérées au sein d’accords de franchise, sont nécessaires à la préservation de l’image, du savoir-faire et de l’identité du réseau. Au cas particulier, l’approvisionnement exclusif était en effet nécessaire pour qu’il existe « une uniformité de qualité et de goût des produits fabriqués selon un cahier des charges et un procédé propre au fournisseur exclusif ». Ce faisant, la clause échappe en principe à l’application du droit de la concurrence qui sanctionne les ententes anticoncurrentielles, et n’a pas à être rachetée à titre individuel par la preuve d’un bilan économique positif. Il appartenait donc au franchisé d’apporter la preuve du caractère non nécessaire de cette obligation (cf par exemple : produits accessoires au concept transmis).AL