La campagne publicitaire du CIVB de 2005, présentant des acteurs de la filière viticole jeunes, souriant un verre à la main, vivement contestée par l’ANPAA, trouve son épilogue judiciaire. La Cour de cassation, pour valider cette campagne, cède devant la résistance de la Cour d’appel de Versailles dont elle reprend la solution (LD Juillet/Août 2014). Il est donc licite, au regard de l’article 3323-4 du CSP, de faire apparaître sur une affiche des personnages, même d’apparence conviviale, dès lors qu’ils sont « expressément désignés comme des membres de la filière de production ou de commercialisation » – l’objectif est clair : éviter qu’il y ait une confusion et une assimilation du consommateur – ; personnages qui trouvent par ailleurs leur légitimité textuelle au regard du facteur humain inhérent à toute appellation d’origine (article L.115-1 C. conso. par renvoi de l’article du CSP précité). Quant à leur représentation, elle respectera les limites du texte dès lors que l’impression de plaisir qui s’en dégage est inhérente à toute démarche publicitaire et qu’elle ne dépasse pas ce qui est nécessaire à la promotion des produits. Ainsi, le fait d’apparaître un verre à demi plein à la main correspond à « une représentation objective du produit, telle que sa couleur ou son mode de consommation ». L’évolution de la position de la 1ère Chambre civile est notable. Il suffit pour s’en convaincre de se remémorer sa décision rendue le 23 février 2012, pour les mêmes visuels publicitaires. La Cour pour juger la publicité illicite précisait en effet que ces « références visuelles étrangères aux seules indications énumérées par l’article L.3323-4 du code de la santé publique et visaient à promouvoir une image de convivialité associée aux vins de Bordeaux de nature à inciter le consommateur à absorber les produits vantés ». Même évolution semble-t-il pour la Chambre criminelle (Crim. 19 déc. 2006 et 15 mai 2012 : aff. du Whisky Jameson). Toutefois, eu égard à la rédaction du texte, aux notions subjectives utilisées, aux supports autorisés parfois dépassés (quid des réseaux sociaux, des applications hors ligne, etc…), à l’interprétation plus souple de de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, une grande insécurité juridique demeure pour les acteurs désireux de promouvoir leurs vins.
C’est au nom de cette insécurité juridique (condamnation de revues et journaux dont les articles avaient été qualifiés de publicités illicites ; volonté de promouvoir l’œnotourisme), qu’a été présenté lors de la discussion de la Loi Macron, un amendement visant à assouplir la loi Evin. Amendement devenu l’article 225 de la loi publiée le 15 juillet 2015 qui créait un nouvel article L.3323-3-1 CSP ainsi rédigé : « Ne sont pas considérés comme une publicité ou une propagande, au sens du présent chapitre, les contenus, images, représentations, descriptions, commentaires ou références relatifs à une région de production, à une toponymie, à une référence ou à une indication géographique, à un terroir, à un itinéraire, à une zone de production, au savoir-faire, à l’histoire ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d’une identification de la qualité ou de l’origine ou protégée au titre de l’article L.665-6 du code rural et de la pêche maritime ». Cette disposition devait donc être intégrée à la suite de l’article L.3323-3 CSP relatif à la propagande ou à la publicité indirecte. Si l’on comprenait l’objectif poursuivi par ce texte, l’on pouvait s’interroger sur sa rédaction et les interprétations qu’il ne manquerait pas de susciter. Le Conseil constitutionnel, saisi pendant l’été, n’a pas eu à traiter cette question mais a annulé cette disposition considérant que l’amendement était un cavalier législatif qui ne présentait pas « de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi » et qui était donc contraire à l’article 45 de la Constitution. Expurgé en conséquence de la loi Macron promulguée le 6 août dernier, ce texte fait sa réapparition à l’occasion de la discussion sur la Loi Santé. Le Sénat vient en effet d’adopter le 15 septembre 2015, contre l’avis de la Ministre de la Santé, une disposition en tous points identique… La saga de l’évolution, à minima, de la loi Evin est loin d’être terminée. En attendant les vendanges se poursuivent et l’aléa judiciaire demeure…