Publié le 24 Novembre 2018
Examen du projet d’ordonnance relative au relèvement du SRP et à l'encadrement des promotions (art. 15 loi 30/10/2018 équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire)
Conclusions de l'avis n° 18-A-14 de l'Adlc : Ce projet d’ordonnance s’inscrit dans le contexte plus général des réflexions des Etats Généraux de l’Alimentation et du cadre législatif de la Loi Egalim du 2 octobre 2018, dont les objectifs sont, au travers de la combinaison d’un ensemble de mesures, d’améliorer la répartition de la valeur dans la chaîne alimentaire, ainsi que de rééquilibrer les négociations et les relations commerciales entre acteurs. L’Autorité n’a cependant été saisie que d’une partie de ces mesures dans le cadre du projet d’ordonnance du gouvernement relatif au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions. Elle n’est donc pas en mesure de porter une appréciation globale sur les effets potentiels de l’ensemble des mesures qui sont envisagées et dont le détail n’est pas encore précisément connu. Plusieurs acteurs soulignent d’ailleurs que le projet d’ordonnance doit être analysé à l’aune des autres dispositions de la loi Egalim prise dans son ensemble. Sous cette réserve et si on se limite aux seules dispositions figurant dans le projet d’ordonnance, les développements présentés ci-dessus, sans décrire de façon exhaustive l’ampleur des effets des mesures examinées, peuvent donner une indication de la façon dont elles pourront affecter la concurrence. S’agissant plus particulièrement des relations commerciales aujourd’hui défavorables aux agriculteurs, la quasi-totalité des opérateurs interrogés reconnaissent que le projet d’ordonnance examiné en l’espèce n’a pas vocation à lui seul à rééquilibrer les pouvoirs de négociation entre les acteurs de la filière. Pour autant, l’Autorité a formulé un certain nombre de réserves quant aux deux dispositifs, liées à la nature et à l’ampleur limitée des effets qu’ils pourraient avoir vis-à-vis de leur objectif de rééquilibrage des pouvoirs de négociation des différents acteurs de la filière et à leurs éventuels effets distorsifs de concurrence. En effet, alors qu’ils sont censés remédier à des préoccupations ciblées, spécifiquement issues du faible pouvoir de négociation de certains producteurs face à la grande distribution ou à certains transformateurs, les deux dispositifs portés à l’attention de l’Autorité, d’une part, introduisent des mécanismes de portée bien plus étendue, et d’autre part, reposent sur une élévation des marges de la grande distribution au détriment des consommateurs finaux plutôt que sur une modification de la relation entre producteurs et distributeurs. Ainsi, même s’ils n’impactent directement que les produits revendus en l’état avec une marge triple net inférieure à 10 % et les produits faisant l’objet de fortes promotions, les hausses des prix aux consommateurs engendrées par les deux dispositifs peuvent être d’ampleur importante et avoir potentiellement des effets antiredistributifs, alors que l’effet positif attendu vis-à-vis des producteurs les moins armés face à la grande distribution ne sera qu’indirect et donc très incertain. Par ailleurs, les risques de contournement, les effets distorsifs de concurrence que ces dispositifs peuvent entraîner, les spécificités de certains produits, peu adaptés à un encadrement des promotions, notamment en volume, et la transparence accrue du marché qui pourrait résulter de la mise en oeuvre du relèvement du SRP en limitent encore l’efficacité attendue. Le dispositif n’est cependant destiné à être en vigueur que pendant deux années. C’est la raison pour laquelle l’Autorité de la concurrence émet un avis très réservé à la fois sur le relèvement du seuil de revente à perte et sur l’encadrement des promotions en valeur. Concernant en revanche l’encadrement en volumes, l’Autorité de la concurrence considère que la mesure comporte trop de risques compte tenu de l’objectif affiché, et émet donc un avis défavorable sur cette mesure. Enfin, dans la mesure où l’objectif du Gouvernement vise à rééquilibrer les relations commerciales, l’Autorité suggère que soit recherchée une meilleure mise en oeuvre du dispositif sanctionnant les pratiques commerciales restrictives, et notamment celui prévu à l’article L. 442-6 du code de commerce.