Boissons consommées en terrasse : considérations quantitatives et qualitatives
Cass. com. 11 mars 2014, pourvoi n° 12-29820
L’exploitant d’un bar conclut un contrat de fourniture de boissons (autres que des bières) pour une durée de 7 ans. Il s’oblige à cet effet à un minimum d’achat annuel (38.000 euros HT) et peut utiliser du mobilier de terrasse mis à disposition par son fournisseur. Constatant rapidement que les commandes n’atteignent pas ce plancher et que l’établissement commande ses boissons auprès d’un concurrent, le fournisseur assigne son partenaire pour obtenir réparation du fait du non-respect de ces engagements. Pour contester ces demandes, et de façon assez classique, l’établissement oppose la nullité du contrat pour défaut de cause considérant que cet engagement caractérisait une exclusivité d’approvisionnement et que la contrepartie était dérisoire. Concernant tout d’abord l’exclusivité, les réponses apportées aussi bien par la Cour d’appel (CA Bourges, 11 oct. 2012, n° 11/01525) que par la Cour de cassation apparaissent floues. L’exclusivité est en effet écartée en appel au motif que : « C’est pertinemment que le premier juge a analysé la convention de fourniture de boissons dont le revendeur était libre à hauteur de 20 % de ses besoins globaux de s’approvisionner auprès des distributeurs de son choix, cette disposition contractuelle excluant le caractère exclusif du contrat ». Solution pour le moins discutable au regard du droit de la distribution et de la concurrence. De son côté, la Haute Juridiction rejette le moyen au motif qu’il ne tire « aucune conséquence de l’exclusivité revendiquée ». Est-ce à dire que l’exclusivité est ici implicitement reconnue par la Cour ? Que le bistrotier n’avait pas suffisamment appréhendé les conséquences de l’absence de cause sur le terrain de la nullité voire de la durée de l’exclusivité au regard des articles L 330-1 et L 330-2 du Code de commerce ? Concernant ensuite la cause de l’obligation d’approvisionnement, l’arrêt retient qu’« ayant relevé par motifs adoptés que le contrat contenait des obligations réciproques puisqu’en échange de son approvisionnement en boissons, le revendeur se voyait mettre à disposition du mobilier de terrasse et retenu que l’avantage procuré ne s’évaluait pas seulement au travers de considérations quantitatives mais également qualitatives, la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu déduire de ces constatations et appréciations souveraines que le contrat n’était pas dépourvu de cause ». Ce faisant, il est renvoyé à la solution d’appel qui aurait apprécié la réalité de la contrepartie tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif. Force est de constater que l’arrêt d’appel ne procède pas à une telle analyse mais renvoie aux arguments retenus (mais non précisément connus) par le Tribunal de commerce : « les autres moyens relatifs à la nullité pour défaut de cause ou pour dol ont été analysés exactement par le premier juge dont la décision doit être confirmée ». Difficile donc d’entrevoir les contours de ces considérations qualitatives au cas particulier et d’en tirer des enseignements plus généraux. Une telle solution semble toutefois s’éloigner des décisions majoritaires et récentes qui apprécient la teneur de l’avantage procuré au travers de considérations purement financières : nullité d’un contrat de bière dès lorsque l’engagement de caution du fournisseur ne représente que « 10 % des obligations de son client » et que « la valeur des biens procurés (matériels à l’occasion) est trop minime pour être prise en considération dans la comparaison des prestations réciproques des parties » (CA Colmar, 13 mars 2013, n°11/05506). Gageons que les plaideurs sauront utiliser cette définition élargie de la contrepartie à l’engagement d’approvisionnement, et ce quelle que soit la portée de cet arrêt non publié au bulletin. Boissons consommées en terrasse, à suivre…
Aymeric LOUVET