Un franchisé, qui exploite une activité de restauration et de vente à emporter de pizzas, est informé par le franchiseur que ce dernier cède son fonds de commerce. Le franchisé s’oppose expressément à cette vente. Le fonds du franchiseur tout de même cédé, le franchiseur cessionnaire prend attache avec le récalcitrant pour savoir s’il souhaite poursuivre la relation. Sans répondre, le franchisé poursuit l’exploitation de l’enseigne et se voit assigné par le nouveau franchiseur en contrefaçon de marque. En défense, le franchisé fait valoir que son contrat de franchise est en cours et qu’il s’est opposé à son transfert. En conséquence, puisqu’il avait la possibilité de refuser le transfert et de poursuivre le contrat, aucun acte de contrefaçon ne peut lui être reproché. Il est vrai que si l’intuitu personae du contrat de franchise, notamment côté franchiseur, a été un temps discuté, le franchisé cédé doit donner son consentement à la cession (Cass. Com. 03/06/2008, n°06-13761 et n°06-18.007) qu’il s’agisse de la cession du contrat (art. 1216 du Code Civil), du fonds de commerce, voire même des hypothèses de transmission universelle de patrimoine (Cass .Com. 07/01/2014 n°10-18.319). Le contrat de franchise est en effet par nature un contrat conclu intuitu personae (Cass. Com. 12/10/2010, n°09-70.116 ; Rapport de la Cour de Cassation 2014 « Et de sur le temps »). Le franchisé qui refuse cette cession peut donc en principe exiger la poursuite de la relation contractuelle avec le franchiseur cédant (Cass. Com. 28/06/2005 BRDA 2005 ; Cass. Com. 03/01/1996 n°94-12.314), et ce peu important que les autres franchisés aient accepté la cession. Contrat au cas particulier en cours qui légitimerait selon le franchisé l’exploitation de la marque et donc l’absence de contrefaçon. Cet argument est pour la Cour d’Appel inopérant dès lors que « par l'effet de la vente du fonds de commerce comprenant expressément, aux termes du contrat de vente, la marque litigieuse, le contrat de franchise ne pouvait plus être utilement poursuivi en l'absence de l'un de ses éléments essentiels. En conséquence, (le franchisé) ne peut opposer le contrat de franchise (au nouveau franchiseur) pour prétendre qu'il lui permettait d'exploiter la marque jusqu'au terme fixé par le contrat puisque cette exploitation était rendue impossible par le transfert de la marque ». La poursuite des relations avec le franchiseur initial impose en effet au franchiseur cédant d’exécuter « les obligations essentielles à l’égard du franchisé minoritaire », mais il n’est pas exigé « que le franchiseur assure l’animation et le développement d’un réseau identique à celui [qui existait] avant la cession » (Cass. Com. 28 juin 2005, n°04-10.038. prèc.). Or, si la marque, élément essentiel de la franchise, est cédée au nouveau franchiseur, le contrat de franchise ne pouvait plus être utilement poursuivi (Cass. Com. 31/01/2012 n°10-27.603). Le franchisé ne pouvait donc, pour justifier la poursuite de l’exploitation de la marque, opposer au nouveau franchiseur un contrat que le franchiseur ancien ne pouvait plus exécuter et pour lequel ce dernier ne disposait plus de droit sur la marque. Afin notamment de limiter les effets de la condamnation à venir pour contrefaçon, le franchisé demandait par ailleurs à la Cour, à titre reconventionnel, de condamner le franchiseur cessionnaire pour tierce complicité. Complice de la violation par le franchiseur cédant de ses obligations contractuelles, la responsabilité délictuelle de ce dernier devait être retenue. Là-aussi l’argument est écarté au motif que : « le simple fait d'acquérir ce fonds comprenant la marque ne peut constituer pour elle une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle, même si elle avait connaissance du différend ». La seule acquisition du fonds de commerce du franchiseur ne constitue donc pas une faute de nature à rendre le franchiseur acquéreur tiers complice de la rupture, même fautive, du contrat. Pour la Cour, il aurait fallu démontrer que le cessionnaire « a, de mauvaise foi, incité (le franchiseur) à vendre son fonds de commerce en vue de créer un préjudice au détriment du franchisé… étant observé au demeurant que la faute alléguée par celle-ci n'aurait pas été un obstacle à toute action en contrefaçon puisqu'elle était privée de tout droit à exploiter la marque franchisée par l'effet de sa cession à un tiers. ». Une solution identique est habituellement retenue pour la cession du fonds de commerce d’un franchisé à un tiers concurrent du franchiseur en violation de ses obligations contractuelles (Cass. Com. 15/05/2007, n°06-12.871 ; Cass. Com. 06/09/2011, n°10-20.776). Au cas d’espèce, il ne semble pas que le franchisé ait mis en exergue de tels actes déloyaux. Nous ne pouvons que le regretter, cela aurait peut-être permis de préciser les contours de ce fondement de responsabilité (Anouk Bories, Acquisition du fonds de commerce du franchisé par le concurrent dufranchiseur, Dalloz Actu. 2/12/204). Reste donc au franchisé lésé, condamné pour contrefaçon de marque, l’action en rupture abusive de son contrat en cours par le franchiseur initial pour obtenir réparation de son préjudice (cf Com 31/01/2012 précité). AL