Commissions de courtage au titre de relations commerciales préexistantes : nullité assurée, et plus si affinités…
Cass. com. 24 juin 2014, pourvoi n°12-27908
Une société d’imprimerie réalise des prestations pour deux sociétés appartenant à un groupe pharmaceutique. Après quelques années de relation d’affaires, ce groupe crée une société qui se positionne comme courtier vis-à-vis des fournisseurs. L’imprimeur conclut donc à ce titre un contrat de courtage au titre duquel il s’engage à verser à cette société nouvelle une commission sur les affaires réalisées avec les filiales clientes. Suite à la cession de la société d’imprimerie, le repreneur conteste ces commissions tant dans leur principe que leur montant. La réponse ne se fait pas attendre : suspension des paiements dans un premier temps puis rupture des relations commerciales à l’initiative des filiales clientes dans un second temps. C’est dans ce contexte que le prestataire a assigné les sociétés concernées en nullité de la convention de courtage pour absence de cause et en réparation du préjudice subi résultant de la rupture des relations commerciales. La Cour d’appel (CA Nîmes 13/09/2012) considérant que les relations d’affaires étaient antérieures à l’intervention du courtier en conclut que le contrat de courtage est dépourvu de cause et ordonne la restitution des commissions versées. Au soutien de son pourvoi, les sociétés pharmaceutiques faisaient valoir que la préexistence de relations commerciales ne privait pas ipso facto de cause l’intervention d’un intermédiaire pour négocier les futurs tarifs, ce d’autant que le contrat ne faisait qu’officialiser l’intervention de la société de courtage créée plusieurs mois auparavant. Plus étonnant, et même si les décisions sous commentaires ne permettent pas de disposer de la rédaction précise des clauses du contrat et des pratiques tarifaires antérieures à l’apparition du courtier, les sociétés du groupe pharmaceutique faisaient valoir que les commissions versées étaient au final supportées par les filiales clientes du prestataire, et non pas par la société d’imprimerie, dès lors que « celle-ci augmentait ses prix de vente du montant de la commission pour aboutir à un prix brut payé par la filiale et rétrocédait ensuite cette commission… ». Pour la Haute Juridiction, ces arguments sont inopérants dès lors que la société de courtage « ne justifie d’aucune relation » et « ne peut se prévaloir de la mise en relation préexistante [du prestataire] … avec les sociétés filiales pour exiger une rémunération sur toutes les opérations passées par la suite directement entre elles ». L’affirmation selon laquelle la convention avait pour seul objectif « d’officialiser l’intervention de la société [de courtage] » démontre au contraire selon la Cour « que les relations commerciales… étaient antérieures à la signature de la convention de courtage et que celle-ci ne correspondait à aucun service effectif », rendant ainsi la convention nulle pour défaut de cause. La création d’une société de référencement de fournisseurs au sein d’un groupe de sociétés n’est pas sans poser quelques difficultés au regard notamment des relations antérieures entre ces derniers et les sociétés clientes appartenant au groupe. Ce d’autant, qu’outre la nullité pour absence de cause ci-dessus appliquée (lorsqu’aucun service ne peut être justifié pour l’avenir), ce type de comportement peut être appréhendé au regard des pratiques restrictives de concurrence, telles notamment : avantage ne correspondant à aucun service ou manifestement disproportionné (L442-6-I-1°) ; déséquilibre significatif (L442-6-I-2°) ; avantage comme condition préalable à la commande (L442-6-I-3°) ; conditions manifestement abusives sous menace d’une rupture des relations (L442-6-I 4°). Le volet pénal ne doit pas enfin être occulté notamment lorsqu’il peut être démontré que, grâce à la théorie des vases communiquant, des remises sur factures ou RFA bénéficiant aux filiales clientes ont été « transférées » à la société de courtage via les commissions… Dans une situation voisine (remises/coopérations commerciales), le délit de faux et usage de faux voire de complicité de faux a en effet déjà été condamné (Ch. Crim. Cass. 25/06/2008, LD 12/2008)…