Une société spécialisée dans la fabrication et la vente d’engrais, de produits biocides et phytosanitaires répond à un appel d’offres de la centrale ARENA pour ses alliés Bricomarché. Cette dernière, après avoir obtenu validation des conditions financières de son intervention, informe dans un premier temps le fournisseur de son référencement pour les produits phytosanitaires avant de lui annoncer, quelques jours après, que l’ensemble des offres devaient être réanalysées pour ne sélectionner que des fournisseurs offrant l’ensemble des produits souhaités par les adhérents. Le fournisseur conteste ce revirement considérant que le contrat avait été conclu et saisit les tribunaux pour obtenir réparation du préjudice lié à cette rupture fautive. La première question soumise à la Cour était de savoir si la centrale s’était engagée à acheter les produits du fournisseur ou à les référencer. Le fournisseur soutenait à cet effet qu’il bénéficiait d’un engagement ferme d’achat ou, à tout le moins, d’une promesse de porte fort – engagement personnel et autonome de la centrale qui avait promis au fournisseur d’obtenir l’engagement de Bricomarché - art. 1204 C.Civ. L’orientation ainsi donnée par le fournisseur à la qualification du contrat prend tout son sens sur le terrain de la réparation du préjudice : l’engagement d’achat inexécuté nécessitant la réparation de la perte de gains sur les ventes ; le référencement inexécuté se traduisant par la seule réparation d’une perte de chance de vendre les produits. Examinant les pièces de l’appel d’offres ainsi que les échanges de courriels, la Cour relève que : ARENA sélectionne les fournisseurs et les services achats de ses membres achètent les produits ; un contrat sera signé avec elle et un autre contrat avec la société Bricomarché. Ce faisant, la centrale agissait en qualité de référenceur et non d’acheteur. Pour la Cour, la négociation des futures conditions du contrat de vente Bricomarché (négociation du triple net) participait de sa mission de centrale de référencement « et non d'un mandat pour conclure ledit contrat de vente ». Autrement dit, ce référenceur étant un intermédiaire transparent et non un mandataire voire un commissionnaire à l’achat. La qualification de contrat de référencement traitée – sans que la Cour s’intéresse à qualifier autrement ce contrat par exemple comme contrat de courtage au sens de la jurisprudence dominante – se posait ensuite la question de sa conclusion. Le fournisseur indiquait à cet effet, qu’après qu’il ait envoyé sa proposition définissant ses gammes de produits et ses prix, et validé la rémunération de la centrale, il avait reçu le courriel suivant : « j’ai le plaisir de vous confirmer en tant que fournisseur ARENA pour ses alliés France et Portugal, suite à l’appel d’offre sur les phytosanitaires ». Ce faisant, ce dernier soutenait que le contrat était conclu. En réponse, la centrale affirmait au contraire que les négociations étaient en cours en vue de la conclusion d’un contrat. Cette formalisation était rendue nécessaire par les dispositions de l’article L 441-7 du Code de commerce applicables à cette « prestation de services » consistant pour le référenceur à négocier des conditions de vente préférentielles pour le compte de ses affiliés. Or, dans sa version applicable au litige (Loi Hamon du 17/03/2014) la conclusion écrite de la convention annuelle avant le 1er mars devait indiquer les « obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue de fixer le prix à l’issue de la négociation commerciale ». L’on sait en effet que ces dispositions ne sont pas seulement applicables aux relations distributeur/fournisseur mais concernent aussi les prestataires de services. L’argument de la centrale visait donc à considérer son intervention comme celle d’un « prestataire de services » au sens de ce texte. Interprétation que la jurisprudence a déjà fait sienne. La Cour d’Appel considère au contraire que ces dispositions ne sont pas prévues ad validitatem et rappelle que « le contrat de référencement est un contrat soumis au principe du consensualisme selon lequel le seul échange des consentements entre les parties suffit à former le contrat sans qu'il soit nécessaire d'un écrit ». Solution classique (Cass.Com 17/03/2004 n°01/10.103) dès lors qu’il s’agit d’un contrat commercial dont la preuve peut être apportée par tous moyens (Paris 21/11/2012 n°10/08-275). Les textes relatifs à la formalisation de la convention annuelle et au droit des pratiques restrictives de concurrence, lorsqu’ils s’appliquent à ce contrat, n’affecteraient donc pas ce consensualisme. Il est vrai que la question pourrait néanmoins se poser à la lecture de décisions qui rejettent les demandes en paiement de centrales de référencement « en exécution de conventions qui contreviennent aux dispositions légales d’ordre public » dès lors que ces dernières ne respectent pas les mentions prévues par l’article précité (LD Oct. 2019, St Denis de la Réunion 5/07/2019 obs JM Vertut). Mais il semblerait qu’il s’agisse davantage d’un formalisme à portée probatoire plutôt qu’à portée solennelle. Sanctionnées par une amende administrative, depuis la loi Hamon, ces dispositions visent en effet à identifier et sanctionner les abus tels le déséquilibre significatif ou la disproportion entre rémunérations obtenues et obligations correspondantes, mais ne conditionnent pas la validité du contrat. L’absence de formalisme n’entraine donc pas automatiquement la nullité de la convention. Nullité des clauses ou des contrats qui peuvent néanmoins être demandée en justice par les victimes de ces abus (nullité pour défaut de cause au sens de l’ancien article 1131 du Code civil CA Paris 24/03/2011 n°10/02-616 ; nullité par référence aux dispositions de l’art. L 442-6-II-b applicables en 2014 ; ou à celles issues de l’Ordonnance du 24 avril 2019 : article L 442-4.I du Code de commerce). Mais rien de tout cela ici. La centrale ne saurait se placer sur le terrain de l’abus et encore moins se prétendre victime…. Autrement dit, le contrat de référencement est un contrat consensuel qui nait de la volonté des parties de consentir aux éléments essentiels identifiés ici par la Cour comme : « les produits référencés, les quantités et le budget alloué en rémunération des services de la centrale et de la durée du contrat ». Ce faisant, n’étaient pas déterminants du consentement des parties : la nature et l’étendue des services proposés par la centrale ; le détail des pourcentages de remises et ristournes appliqués sur les tarifs du contrat de vente dont la conclusion était prévue entre la société Bricomarché. Eléments pourtant essentiels au regard du formalisme prévu par l’article L 441-7 du Code de commerce. Il est vrai que prévoir l’inverse reviendrait à sanctionner le fournisseur alors même que ce texte a été adopté pour le protéger. Ce contrat à durée déterminée était donc valablement conclu par échanges de courriels. Le revirement de la centrale caractérisait en conséquence une rupture fautive entraînant un préjudice qui devait être réparé. Mais il s’agissait, comme indiqué précédemment, non d’une perte de gains sur des ventes certaines, mais de la perte de chance de conclure des contrats éventuels. Chance considérée par la Cour comme faible dès lors que Bricomarché souhaitait conclure des contrats avec un fournisseur disposant de toutes les références, ce qui n’était pas le cas de notre fournisseur de produits phytosanitaires et de biocides (taux de 23% retenu). Fournisseur qui a dû, depuis, adapter sa stratégie tarifaire dès lors que les textes nouveaux lui interdisent pour certains produits biocides « les remises, rabais, ristournes, la différenciation des conditions générales et particulières de vente…. la remise d'unités gratuites et toutes pratiques équivalentes» (art. L522-18 issu de l’art 76 loi 30/10/2018 et R 522-16 du Code Environnement issu du décret du 26/06/2019), sans autre précision concernant la coopération commerciale.
Aymeric LOUVET