Un exploitant de débit de boissons était lié avec un brasseur par un contrat d’approvisionnement exclusif et de fourniture exclusive en contrepartie du cautionnement solidaire d’un prêt stipulé pour une durée de 5 ans, et de quotas d’achats. Il était également lié avec l’entrepositaire du brasseur par un contrat stipulant une obligation d’approvisionnement exclusif « pendant la durée du financement d’un prêt », dont le remboursement était également prévu sur une période de 5 ans. Ces prêts étaient destinés à financer des travaux dans le fonds de commerce de l’exploitant.
L’exploitant rembourse de façon anticipée le prêt accordé par l’entrepositaire puis cède son fonds de commerce.
Le cessionnaire ne respectant pas ses engagements d’approvisionnement exclusif, le brasseur et l’entrepositaire l’assignent en rupture anticipée et fautive des contrats d’approvisionnement exclusifs et réclament des pénalités à ce titre.
En défense, le nouvel exploitant invoque, sur le fondement de l’article 1131 du Code civil, la nullité de ces conventions pour absence de cause : le prêt, cause de l’engagement d’approvisionnement exclusif conclu avec l’entrepositaire, ayant été remboursé de façon anticipée, son montant représentant une contrepartie dérisoire et l’entrepositaire ayant pris des cautionnements en garantie de ce prêt ; concernant le contrat conclu avec le brasseur, la contrepartie de l’exclusivité consentie était elle-même dépourvue de cause en raison du caractère disproportionné des quotas à réaliser.
La Cour d’appel répond à juste titre que « la cause, qui constitue une condition de la formation du contrat, d’une obligation doit s’apprécier à la date où elle est souscrite, de telle sorte que le remboursement anticipé du prêt est sans influence sur son existence ». Elle rejette par ailleurs l’argument tenant au caractère dérisoire du montant des prêts au moment de la conclusion des contrats.
A la lumière du nouveau droit des obligations, il nous semble que la nullité du contrat tenant au non-respect de ses conditions de validité n’aurait pas plus de chance de prospérer.
Le remboursement anticipé du prêt, postérieur à la formation du contrat, ne saurait permettre d’apprécier une des conditions de validité du contenu du contrat au moment de sa formation.
La notion de caducité visée à l’article 1186 du Code civil, venant sanctionner la disparation d’un élément essentiel du contrat, est également inappropriée, car la disparition de cet élément essentiel ne doit pas tenir à la volonté d’une des parties, ce qui est le cas du remboursement anticipé d’un prêt.
Si le caractère dérisoire des contreparties pourrait répondre à la notion de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, sur le fondement de l’article 1171 du Code civil, il est requis que le contrat soit qualifiable de contrat d’adhésion et que la clause ait été « non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties » et « ne porte pas sur l’objet principal du contrat ». Au regard de ces conditions, l’argument semble fragile.
C’est bien sur l’appréciation des effets du contrat, au regard de ses stipulations, que les arguments tenant au remboursement anticipé du prêt et de l’effet de la clause d’approvisionnement exclusif pouvaient prospérer.
Ainsi, la Cour a rejeté les demandes de l’entrepositaire considérant que la clause d’approvisionnement exclusif stipulée pour la « durée du financement » dénotait l’intention des parties de lier, dans la durée, remboursement et financement.
S’agissant du contrat de fourniture exclusive conclu avec le brasseur, ne comportant pas de stipulation similaire, la Cour a estimé que ce dernier n’apportait aucune preuve des inexécutions tenant à l’approvisionnement exclusif de l’exploitant depuis la cession du fonds, et rejette à ce titre ses demandes.