Faits
La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) a été interrogée par un professionnel sur les obligations faites aux fournisseurs en matière de divulgation des tarifs, d’observation d’un délai de prévenance pour les changements tarifaires et de hausses éventuelles de prix pour une commande déjà reçue et confirmée par écrit.
Problème
Les question posées à la CEPC porte sur :
(i) quelles sont les les obligations d’un tel fournisseur quant à la divulgation de ses tarifs ? (ii) quels délais de prévenance seraient applicables à tout changement tarifaire dont ce fournisseur serait l’auteur ? (iii) est-il possible de modifier à la hausse les prix de commandes qu’il auraient déjà reçues et confirmées par écrit ?
Solution
La CEPC répond :
« Toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services, qui établit des conditions générales de vente (CGV), a une obligation de divulgation de ses tarifs, c’est-à-dire de son barème de prix, mais aussi de ses conditions de vente à l’égard d’un acheteur potentiel qui en fait la demande. Les CGV peuvent être différenciées selon les catégories d’acheteurs. Dans ce cas, l'obligation de communication porte sur celles applicables aux acheteurs relevant de la même catégorie que celui qui en fait la demande. Lorsqu’une négociation entre les parties ayant, le cas échéant, pour socle les CGV du fournisseur (article L. 441-1 du code de commerce) aboutit à un accord, une convention unique ou récapitulative doit être conclue (articles L. 441-3, L. 441-4 et L. 443-8 du code de commerce en fonction des produits concernés).
Toute modification unilatérale des tarifs, qu’elle soit initialement prévue dans les CGV du fournisseur acceptées par son partenaire ou au contrat conclu entre les parties, ou encore décidée ultérieurement par le fournisseur dans le cas où le cadre contractuel n’évoque pas cette question, doit être acceptée par le partenaire pour qu’elle s’applique à lui. Le principe de bonne foi contractuelle s’impose aux parties dans les négociations et commande le respect d’un préavis minimal. En cas de rupture de la relation commerciale, un préavis suffisant devra être respecté, sauf si le fournisseur, dans le cadre et les conditions de l’expérimentation prévue par la loi n° 2023-221 dite Descrozaille, décide de mettre fin à la relation commerciale avec le distributeur sans préavis.
Si la modification des tarifs résulte d’une clause d’indexation licite, d’une clause de renégociation ou d’une clause de révision de prix, l’application du nouveau prix en résultant peut intervenir soit automatiquement dans le cas de la clause de révision ou d’indexation, soit au terme d’une nouvelle négociation entre les parties selon les clauses de renégociation prévues au contrat.
Enfin, à moins d’être déjà prévue dans le contrat ou de donner lieu à un accord postérieur à celui-ci, il ne peut y avoir d’évolution des prix sur une commande déjà reçue et acceptée par le fournisseur. »
Analyse
Les questions posées à la CEPC sont contemporaines d’un contexte économique inflationniste, dans lequel le prix des matières premières et de l’énergie a subi de brutales augmentations impactant le prix de revient des produits et services. Cet avis a le mérite de rappeler le cadre juridique dans lequel s’inscrit la modification des tarifs initiée par le fournisseur. Le principe du consensualisme dans les contrats impose qu’après la rencontre de l’offre, formalisée par les conditions générales de vente (« CGV ») lorsqu’elles existent, et de l’acceptation, formalisée elle- même par la passation de la commande, ou, selon la rédaction de la clause, par sa validation par le fournisseur, le prix ne peut plus être modifié, sauf à ce que les parties concluent un accord postèrieur. La modification unilatérale des tarifs, élément constitutif des CGV, par le fournisseur, n’est donc pas possible, sans l’accord de l’acheteur. La CEPC rappelle sa solution rendue dans son avis n°16-11 considérant que « tant qu’elle n’ont pas été acceptées par le cocontractant, les CGV n‘ont pas de valeur contractuelle ». Les mécanismes de modification du prix consentis contractuellement par les parties permettent la modification des tarifs selon les modalités qu’ils définissent (i.e. clauses d’indexation, de révision de prix ou de renégociation). La CEPC n’évoque pas dans son avis la question de la possibilité pour les parties, de stipuler une clause de « tarifs en vigueur à la livraison ». En effet, cette clause est valable à la condition que le prix soit déterminable en fonction d’éléments qui ne relèvent pas de la seule volonté du vendeur. Cela est le cas lorsqu’il existe un cours résultant d’un marché organisé ou encore lorsque le prix est établi par un tiers (Cass. 1re civ., 2 déc. 1997, n° 95-16.720, n° 1857 P). En tout état de cause, la CEPC vient préciser que la modification tarifaire doit respecter un délai de prévenance qui repose sur le principe de la bonne foi dans l’exécution des contrats (1104 du Code civil), et dans les négociations commerciales. Sur ce dernier point, la loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, est venu instaurer, dans le cadre de la convention commerciale relative aux produits de grande consommation, une obligation de conduire les négociations de bonne foi (L441-4 IV du Code de commerce) sanctionnée par une nouvelle pratique restrictive dans le cas où le manquement aurait pour conséquence de ne pas aboutir à la conclusion d’une convention avant le 1ier mars (L 442-1 5°) du Code de commerce). Pour autant la CEPC précise qu’aucune disposition légale générale ne statue sur la durée du délai de prévenance pour modifier les tarifs. Mais la CEPC indique que « le principe de bonne foi commande d’informer l’autre partie préalablement à l’activation de ces clauses ». Il existe en outre un préavis spécifique pour la mise en œuvre d’une clause de révision automatique des prix pour les produits alimentaires, d’un mois après déclenchement de la clause (L443-8 du Code de commerce). En revanche, si l’acheteur refuse le nouveau prix, le fournisseur devra respecter, outre ses engagements contractuels, les dispositions de l’article L 442-1 II du Code de commerce sanctionnant la rupture brutale de relations commerciales, en accordant à son client professionnel un préavis écrit dont la durée est déterminée au regard de la durée des relations commerciales et des critères définis par la jurisprudence. La Cour de cassation est venue préciser que : « sauf circonstances particulières, l’octroi d’un préavis suppose le maintien de la relation aux conditions antèrieures » (Cass. Com. 10-2-2015, n° 13-26.414) . Mais les circonstances économiques ont conduit le législateur à tempérer ce principe et instaurer que pour la détermination du prix applicable pendant le préavis soit tenu compte « des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties ». De plus, l’article 9 II de la loi a introduit une disposition très favorable au fournisseur et applicable à toutes les conventions uniques dont la signature est soumise à l’échéance du 1ier mars, disposant que pour une durée expérimentale de 3 ans, en l’absence de convention conclue au plus tard le 1er mars (ou dans les 2 mois pour les produits soumis à un cycle de commercialisation particulier), le fournisseur aura le choix de mettre fin à la relation commerciale sans préavis en l'absence de convention nouvellement formée ou demander l’application d’un préavis dans les conditions susvisées de l’article L 442-1 II du Code de commerce. Les parties pourront également saisir le médiateur des relations commerciales agricoles ou le médiateur des entreprises pour conclure, sous son égide avant le 1er avril, un accord fixant les conditions d’un préavis, qui tient notamment compte des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties. En cas d’accord sur ce préavis, le prix convenu s’appliquera rétroactivement aux commandes passées à compter du 1er mars. En cas de désaccord, le fournisseur pourra mettre fin à la relation sans rupture brutale. Pour rappel, la CEPC (Avis n°10-15) estimait qu’en l’absence de convention conclue au 1ier mars, la relation commerciale devrait être considérée comme inexistante, de sorte qu’aucune commande ne devrait être passée, ni aucune livraison effectuée. Mais cette position pouvait se heurter à l’article L. 442-1 du Code de commerce qui proscrit la rupture brutale, même partielle, d’une relation commerciale établie. La loi n° 2023-221 instaure donc des conditions favorables pour le fournisseur qui souhaite modifier ses tarifs dans le cadre des négociations annuelles.