Une société spécialisée dans l'importation et la distribution de produits afférents au domaine de la chasse, du tir et de la pêche, bénéficie d'un contrat de distribution exclusive, sur la France, d'armes et accessoires fabriqués par une société américaine.
Constatant qu'un distributeur concurrent présentait à la vente, sur son site internet, les produits objets de l'exclusivité concédée, elle l'assigne à jour fixe devant le tribunal de commerce compétent en cessation des ventes litigieuses, sur le fondement de l'article L 442-6, I 6°) du code de commerce qui dispose : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :6° De participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence »
Le distributeur assigné, revendeur hors réseau, conteste l'interdiction de revente considérant que l'accord de distribution exclusive produit par la demanderesse, contient une clause d'interdiction territoriale absolue prohibée par l’article 4 du règlement (UE) n° 330 / 2010 du 4 avril 2010, et ne peut, de ce fait, bénéficier de l’exemption.
La Cour d’appel fait droit au revendeur hors réseau rappelant que :
Il appartient au distributeur se prévalant de l’exclusivité consentie de rapporter la preuve (i) que l’accord de distribution exclusive mis en place est exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence, et (ii) de la violation, par un distributeur lié par cet accord, de la clause d’exclusivité territoriale.
Sur le premier point, la Cour d’appel constate que, contrairement aux allégations du distributeur exclusif, le fait que l’accord de distribution soit concédé par une société américaine ne fait pas obstacle à l’application du droit communautaire de la concurrence. Qu’en effet, au titre des lignes directrices de la Commission européenne sur la notion d’affectation du commerce entre Etats membres, « la limitation du nombre de distributeurs inhérente à un système de distribution exclusive, affecte nécessairement les courants d’échanges entre la France et les autres Etats membres ».
De ce fait l’accord de distribution exclusive doit s’apprécier au regard du Règlement (UE) n° 330/2010 sur les restrictions verticales de concurrence. Or, la clause stipulant une interdiction au distributeur exclusif « de vendre et de distribuer en dehors de la France » s’analyse comme une exclusivité territoriale absolue prohibée au titre de l’article 4, § b du Règlement (UE) n°330/2010. En effet, l’interdiction des ventes passives (celles non sollicitées par le distributeur exclusif), dans un réseau de distribution exclusive, porte atteinte à la concurrence intra-marque au sein de l’Union est fait perdre le bénéfice de l’exemption au titre des règles applicables du droit de la concurrence. La Cour souligne qu’outre la présence de la clause interdite dans l’accord de distribution exclusive, le distributeur n’a pas démontré que cette clause n’était pas respectée dans le réseau, ce qu’il aurait pu faire en produisant des factures de vente de produits couverts par l’exclusivité, à des clients situés en dehors du territoire français.
En conséquence, la Cour n’a pas à étudier la preuve de la violation délibérée par le revendeur hors réseau du contrat de distribution exclusive.
En conséquence, la Cour déboute le distributeur exclusif et le condamne à indemniser le revendeur hors réseau des dommages-intérêts liés au préjudice subi par son dirigeant du fait de « consacrer du temps et de l’énergie au traitement d’une procédure contentieuse au détriment de ses autres tâches de gestion et de développement de l’activité de la société ». Cette indemnisation étant de principe pour la Cour d’appel.
Cet arrêt souligne l’importance de la sécurisation contractuelle des accords de distribution, y compris ceux conclus avec des fournisseurs situés hors Union Européenne, au regard des règles nationale et communautaire de concurrence, afin de pouvoir les opposer à d’éventuels revendeurs hors réseau.
Dans le cas contraire, l’accord est nul et de ce fait, en pratique, l’exclusivité concédée au distributeur est inopposable et les obligations concédées en contrepartie par ce dernier à son fournisseur (clause de non-concurrence, clause d’objectifs de vente, etc.) sont dépourvues de cause.