Un litige assez classique mettant en présence un fournisseur, un crédit bailleur et l'utilisateur locataire d'un copieur est l'occasion pour la Cour de Cassation de rappeler aux praticiens les incidences de la terminologie utilisée au sein des conditions générales et particulières de vente. Alors que le crédit bailleur avait réglé le prix de vente du copieur au fournisseur après avoir reçu l'avis de livraison, il se trouvait confronté au refus de paiement des loyers par le locataire qui, de son côté, contestait toute réception du matériel. Le crédit bailleur assigne en conséquence non seulement le locataire en paiement des sommes dues et à la restitution du matériel mais aussi le fournisseur en résolution du contrat de vente dans l'hypothèse où le matériel n'aurait pas été livré. Condamné en première instance au remboursement du prix de vente dès lors que le copieur n’avait pas été livré à la date convenue (29 novembre 2010), le fournisseur affirmait au soutien de son appel qu’il avait essayé de procéder à la délivrance en vain du copieur et que ses conditions générales de vente excluaient tout délai impératif : « les délais de livraison ou d’intervention ne sont donnés qu’à titre indicatif et les retards éventuels ne donnent pas le droit à l’acheteur d’annuler la vente, de refuser la marchandise ou la prestation de service, ou de réclamer des dommages et intérêts ». Pour rejeter ces arguments, la Cour d'Appel fonde son analyse tour à tour sur la volonté des parties puis sur le droit de la consommation. Cette dernière, après avoir pris en compte la clause des CGV précitée, relève tout d’abord que le contrat de location et le bon de livraison qualifiaient tous deux la date du 29 novembre 2010 comme « date limite de livraison ». De même, le bon de commande faisait référence à « l’urgence de la livraison souhaitée ». Pour autant, la Cour ne tire pas de conséquences définitives de ce premier constat et ajoute par ailleurs que « la mention présente dans les CGV est abusive dès lors que l’article L114-1 du Code de la Consommation impose la mention d’une date limite de livraison ». En conséquence, « il s’évince de tous ces éléments, que l’ensemble des parties s’étaient entendues pour une date limite de livraison au 29/11/2010 » (CA Aix-en-Provence 28/01/2016 n°13/19446). La résolution de la vente aux torts exclusifs du vendeur pour défaut de délivrance est donc prononcée. Même s’il semblerait que cette décision soit prononcée pour les deux motifs pris alternativement, un doute subsiste. Doute dans lequel s’engouffre le fournisseur qui forme un pourvoi considérant que les dispositions du Code de la Consommation précitées ne s'appliquent pas aux relations entre deux sociétés commerciales. Il est vrai que la notion de consommateur se limite aux seules personnes physiques qui agissent à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de leur activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole (article liminaire nouveau C.Conso). Le contrat litigieux conclu entre personnes morales semblait donc logiquement exclu de son champ d’application. La Cour de Cassation ne va pas se limiter à répondre aux moyens soulevés par le fournisseur mais parvient à sauver l'Arrêt d'Appel en se fondant sur le droit commun. Pour ce faire, la Haute Cour précise que « l'existence de conditions générales de vente prévoyant que les délais de livraison sont donnés à titre indicatif, et, en second lieu, que l'ensemble des parties s'étaient entendues pour une date limite de livraison au 29 novembre 2010, de sorte que les conditions générales du contrat sont en contradiction avec l'intention commune des parties ». C'est donc « par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués par le moyen, la décision déférée se trouve légalement justifiée ». Cette solution, outre la référence aux suggestions de « la défense » qui étonnent quelque peu, s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence constante et de la doctrine. L’article 1610 du Code Civil dispose en effet que la délivrance de la chose doit intervenir « dans le temps convenu entre les parties ». A défaut, les juges (Cass.Com., 12 novembre 2008, 12 novembre 2008, n°07-19.676), tout comme la Convention de Vienne en matière de vente internationale de marchandise (Conv. Vienne., 11 avril 1980, art 33), se réfèrent à la notion « de délai raisonnable ». En l’espèce, la mention de « date limite » semble caractériser un délai impératif à ne pas dépasser venant contredire les CGV, comme cela a été récemment jugé (CA Limoges, 23 février 2016 ; n°15/01165). Cette distinction est parfois plus difficile à appliquer. Quid en effet lorsque les conditions particulières font référence à un « délai de livraison de 4 à 5 semaines » et que le produit est livré sous six semaines ? Dans cette hypothèse, il a été jugé que les délais étaient approximatifs et que la responsabilité du vendeur ne pouvait être engagée (CA 21 juin 2017, n°15/00156). Outre la terminologie adoptée au sein des conditions particulières, l’efficacité de la clause stipulée au sein des CGV aurait pu être combattue en soutenant qu’elle caractérisait une clause limitative de responsabilité portant atteinte à une obligation essentielle (Cass. Com., 29 juin 2010, n°09-11841) ou qu’elle créait un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties (C.Com., L442-6 C.Com ; D. Mainguy, Clause relative à la vente commerciale ; Jurisclasseur Contrats-Distribution). Arguments qui se sont en effet déjà révélés pertinents pour faire échec à une clause identique (CA Bordeaux, 21 novembre 2011, n°10/02746). Ce faisant, lorsque le vendeur ne souhaite pas faire référence à des délais obligatoires, il semblerait donc qu’il ait intérêt à renvoyer au sein des CGV à des délais de livraison approximatifs mais quantifiés (4 à 5 semaines), tout en permettant à l’acquéreur de dénoncer le contrat si le délai écoulé est beaucoup plus long que celui approximativement prévu, et de s’assurer par la suite d’une terminologie cohérente au sein des conditions particulières.
A.L.