The Lyon Court of Appeal applies the contract to grant the sales agent a commission on an indirect order, and points out that the termination indemnity is due in the event of termination during the trial period, without having to demonstrate the contribution of new customers.
Faits. Une société spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de chaudières confie à un agent commercial le développement des ventes sur des départements de la région parisienne. Le contrat prévoit une période d'essai d'une durée d'un an. Pendant cette période, le mandant met fin au contrat. L’agent sollicite le règlement d’une commission post-contractuelle sur un ordre indirect ainsi que l’indemnité de fin de contrat. En l’absence d’activité de son agent, le mandant s’oppose à ces demandes.
Problème 1 – Concernant d’abord le rappel de commission, le mandant soutient tour à tour que : l’agent n’a transmis aucune commande pendant le contrat et ne peut donc obtenir paiement d’une commission relative à une vente facturée et réglée postérieurement à la rupture ; la vente litigieuse concerne une chaudière industrielle, donc un produit non couvert par le contrat relatif aux chaudières tertiaires.
Solution – Faisant application stricte du contrat, la Cour écarte ces arguments. Une clause stipule en effet le droit à commission pour l’agent aussi bien sur les ordres directs (commande transmise par l’agent) que pour les ordres indirects (commande provenant de clients et/ou du secteur attribués à l’agent, sans intervention de ce dernier), et ce pendant la durée des relations mais également un mois après la cessation de ces dernières. Quant aux produits contractuels, le contrat ne distingue pas « puisque seule la nature du produit (chaudière) et la catégorie générale de chaque marque concernée sont mentionnés, sans autre précision. La seule circonstance selon laquelle l'annexe 1 de la convention comporte la mention 'chiffre d'affaires réalisé […] en produits tertiaires' ne saurait suffire à établir que le mandat de [….] portait exclusivement sur ce type d'installation, en l'absence de toute indication sur ce point dans le corps même du contrat ». Autrement dit, pour la Cour, aucune distinction n’est opérée entre les différentes chaudières
Observations– Cette décision rappelle l’importance d’une rédaction précise des termes du contrat. Bien entendu, quant au périmètre des produits contractuels, des clients et du secteur confiés ; mais également lorsque le mandant saisit l’occasion d’aménager contractuellement les dispositions du statut qui ne sont pas d’ordre public (art. L134-6) dont celles relatives au commissionnement indirect voire au commissionnement post-contractuel. L’on peut par ailleurs s’interroger sur l’opportunité d’associer la clause de période d’essai – dont la décision de la CJUE (cf. ci-après rapportée) ne remet pas en cause la licéité – et le commissionnement indirect. Peut-être eût-il été préférable d’écarter cette dernière pendant la période de test et de l’activer par la suite. Objectif : s’assurer de la capacité de l’agent à prospecter activement le territoire et transmettre des commandes dans un premier temps ; puis dans un second temps, l’associer directement ou indirectement au développement du secteur voire le protéger.
Si une telle hypothèse avait été ici retenue, l’indemnité de fin de contrait aurait en effet été nulle…
Problème n°2 – Quant au paiement de l’indemnité, le mandant ne s’opposait pas au principe même de cette dernière mais considérait que l’agent devait démontrer avoir apporté de nouveaux clients ou développé sensiblement les opérations avec les clients existants. Preuve ici absente. En tout état de cause, en ne réalisant aucune diligence, l’agent avait commis une faute grave exonératoire de toute indemnité.
Solution– La Cour ne l’entend pas ainsi. Elle rappelle d’abord que la « rupture pendant cette période n'est pas en elle-même de nature à priver [l’agent] du bénéfice de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L.134-12 précité ». Pour en conclure que « le droit à indemnité n'est pas conditionné à la preuve d'un apport de clientèle par l’agent commercial… ». Quant à la faute grave, elle est écartée dès lors que « [s’] il n'est pas nécessaire que la faute grave soit mentionnée dans la lettre de rupture si celle-ci a été commise antérieurement mais n'a été découverte que postérieurement à cette rupture… En revanche, si le mandant a eu connaissance des fautes de l'agent et ne les a pas relevées ou s'il a simplement protesté, son attitude pourra être considérée comme une tolérance de ces faits … Or, ces manquements [en l’espèce], à les supposer avérés, étaient nécessairement connus de l'appelante avant la rupture du contrat… »
Observations – En d’autres temps, le mandant aurait pu contester le principe même du droit à indemnité pendant la période d’essai. Mais telle n’a pas été la stratégie retenue, malgré la stipulation d’une clause contractuelle excluant l’indemnité en cas de rupture pendant cette période. Et pour cause, entre la conclusion du contrat d’agent et le contentieux de sa rupture, la jurisprudence française a opéré un revirement (Cass. Com. 23/01/2019, n°15-14.212) sous l’influence de la CJUE (CJUE 18/04/2019, aff C-645/16); revirement dans lequel s’inscrit la Cour d’Appel de Lyon, comme d’autres avant elle (LD 06/2020, CA Orléans 30/04/2020, nos obs.)
Le mandant préférait ici critiquer l’absence d’apport de clients nouveaux, qui constituerait selon la CJUE une condition d’obtention de l’indemnité. Cet argument est logiquement écarté par la Cour. La CJUE s’intéresse en effet à cette condition au regard de l’indemnité de clientèle au sens de l’art 17 paragraphe 2 de La Directive (point 27 de la décision) ; indemnité de clientèle que la France n’a pas retenue préférant l’indemnité de fin de contrat (’art.17.3). Il n’en demeure pas moins que ce préjudice doit être réparé en tenant compte « des conditions qui privent cet agent des commissions dont l’exécution du contrat lui aurait permis de bénéficier tout en procurant au commettant des avantages substantiels liés à l’activité de cet agent ». Or, ici une privation pour l’agent limitée et des avantages pour le mandant quasi inexistants.
Quant à la faute grave, l’on appréciera – à la lumière d’un autre arrêt ici commenté (CA Poitiers 7/11/2023) et de l’évolution de la jurisprudence à ce sujet – la possibilité laissée par la Cour au mandant de se fonder sur une faute grave non mentionnée au sein du courrier de rupture commise antérieurement mais qui n'a été découverte que postérieurement à cette rupture. Faute grave ici écartée car défaillances tolérées.
Et la Cour de condamner le mandant à une année de commissions à titre d’indemnité donc au montant de la commission indirecte post-contractuelle… En somme, un essai infructueux aussi bien pour l’agent que pour le mandant…
Aymeric Louvet