Le secteur de l’achat-revente des biens d’occasion se caractérise par la coexistence de plusieurs réseaux, notamment de franchise, qui nourrissent l’actualité jurisprudentielle. L’arrêt sous commentaire relatif au réseau Cash Converters participe de cet apport en s’intéressant notamment aux conséquences liées à l’absence de communication de document d’information précontractuel (DIP) voire à l’inexécution des obligations du franchiseur. Suite aux difficultés financières rencontrées et signalées à plusieurs reprises au franchiseur, deux sociétés franchisées représentées par le même gérant ont résilié les contrats de franchise et ont été assignées par le franchiseur en paiement d’arriérés de redevances et en dommages et intérêts pour rupture anticipée des contrats. Après avoir été condamnées en première instance, ces dernières soutiennent, devant la Cour d’Appel de Paris, qu'aucun DIP ne leur aurait été transmis préalablement à la signature des contrats de franchise, ce qui justifierait leur annulation. La Cour, après avoir rappelé que le défaut d’information n’entraine la nullité du contrat que si un vice du consentement est démontré (cf. arrêt de principe, Cass. com., 10 févr. 1998, n° 95-21.906), précise qu’en l’espèce une telle preuve n’est pas rapportée. S’agissant du premier contrat, le franchiseur parvient en effet à démontrer qu’un DIP a en réalité bien été transmis ; information et donc intégrité du consentement du franchisé qui devaient être appréhendés en tenant compte de l’expérience du franchisé qui exploitait depuis 3 ans « à la même adresse un magasin à l'enseigne Euro Cash, intervenant dans le même secteur de l'achat et de la revente aux particuliers ». Solution qui n’est pas sans rappeler celle qui, à propos de la même enseigne, avait au contraire retenu l’altération du consentement du franchisé dès lors qu’il était « novice dans ce secteur d’activité» (CA Paris, 27 juin 2012, RG n°09/06563). Surtout, cette décision s’inscrit dans la droite ligne des arrêts récents de la Cour de Cassation qui ont écarté de telles demandes eu égard à « l'expérience acquise par ce dernier dans le domaine » ou à sa «bonne connaissance du marché local » (Cass. com. 5 janvier 2016, n°14-15701, 14-15702, 14-15705 et 14-15710, LD, février 2016, ACM). Bien qu’aucun DIP n’ait été communiqué au franchisé, la Cour relève s’agissant du second contrat, que le magasin était lui-aussi situé à Cholet, de sorte que les informations communiquées au sein du DIP du premier contrat « demeuraient valides en raison de la proximité de leurs conclusions respectives ». Cette décision semble heurter la lettre du texte qui oblige à la communication de ces informations « préalablement à la signature de tout contrat conclu ». Quant à l’esprit du texte, si une telle issue semble pouvoir se justifier s’agissant des informations qui tiennent à la présentation du franchiseur (article R330-1 C.Com, points 1° à 4°) voire aux contrats proposés (point 6°), l’absence d’une nouvelle présentation du réseau (point 5) ou des perspectives de développement du marché (point 4) pourrait poser difficultés. En l’espèce, les deux contrats avaient été conclus à plus de six mois d’intervalle. L’on peut légitimement s’interroger sur les conséquences de l’écoulement de cette durée sur, notamment, l’évolution des perspectives de développement du marché ; le nombre de franchisés susceptibles d’avoir quitté le réseau ; et donc sur l’information due au franchisé désireux d’ouvrir un nouveau magasin... Cet arrêt, sévère à l’égard du franchisé, semble néanmoins emprunter le chemin tracé par la jurisprudence actuelle interprétant ce dispositif d’ordre public de façon restrictive (« pauvre loi Doubin », N.Dissaux, JCPE n° 16-17, 21/04/ 2016). Reste à savoir si les dispositions issues du nouvel article 1112‐1 du Code Civil, qui consacrent une obligation précontractuelle d’information en droit commun, influeront sur cette tendance. La Cour écarte par ailleurs, sans surprise, les arguments relatifs au caractère prétendument erroné des chiffres d’affaires prévisionnels au motif que « le seul fait de ne pas avoir atteint le chiffre d'affaire annuel moyen présenté par le franchiseur sur son site Internet, au cours des premières années d'exploitation, ne saurait en soi démontrer le caractère irréaliste des chiffres annoncés » et à l’absence « d'étude du marché local » dès lors que seule « une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services » est exigée par le texte (dans le même sens CA paris, 16 décembre 2015, n°13/20186). Enfin, le franchisé, qui ne peut apporter la preuve du non-respect par le franchiseur de ses obligations d’assistance et de formation, échoue à titre subsidiaire dans sa demande de résiliation des contrats aux torts du franchiseur (pour des demandes reçues sur ce fondement cf CA Limoges, 5 novembre 2015, 13/01241). Il est par contre porté au crédit du franchiseur d’avoir baissé les redevances pour que le franchisé puisse faire face aux difficultés rencontrées.
AL