Les arrêts sous commentaires nous permettent d'aborder des thèmes peu fréquents en matière d'agence commerciale : nullité du contrat pour manoeuvres dolosives de l'agent et confrontation exclusivité géographique/commissionnement. Dans la première affaire, un agent assigne son mandant considérant qu’il n’est pas réglé de ses commissions. Pour s'opposer à ces demandes le mandant argue de la nullité du contrat dès lors que l'agent lui aurait laissé croire qu'il était adhérent d’un réseau fédérant des professionnels du bâtiment partenaire d’EDF. N’était donc pas en cause, en l’espèce, une réticence dolosive de l’agent (pour illustration, CA Bordeaux, 2 avril 2015, n°13/04963, réticence dolosive sur la participation majoritaire au capital d’une société concurrence ; CA Bordeaux, 15 juin 2010, n°09/02768, dissimulation de la perte du permis de conduire nécessaire pour les déplacements) mais bien des manoeuvres positives ayant trompé le mandant. Alors qu'en première instance le mandant obtient satisfaction sur ce terrain, la Cour d'Appel va infirmer ce jugement. De façon assez classique, il est en effet reproché au mandant de ne pas apporter la preuve de ces manoeuvres au moment où le consentement a été donné ni en quoi ces dernières ont été déterminantes dans sa décision de lui confier la représentation de ses produits (exigence des art.1130 et 1137 nouveau du C.Civ). Seules les manoeuvres en cours d’exécution du contrat vis-à-vis des clients étaient en effet démontrées ce qui ne permettait donc pas d’annuler le contrat mais pouvait, selon la Cour « tout au plus (être) de nature à constituer la faute grave le privant de l'indemnité compensatrice à laquelle il pouvait prétendre mais ne pouvait en aucun cas le priver de ses commissions et du respect du préavis ». La présentation de l’agent sous une fausse qualité peut en effet être qualifiée de faute grave dès lors qu'elle viole l'obligation de loyauté qui incombe à l’agent (art. L134-4 C.Com) ; faute grave exclusive d’indemnité de rupture (pour une autre illustration, Cass. com. 8 novembre 2016, LD décembre 2016). L’on s’interroge néanmoins de savoir si cet argument avait été soulevé par le mandant à titre subsidiaire puisque la Cour d'Appel, tout en rappelant que cette faute exclut l’indemnité de fin de contrat, accorde réparation à l'agent non seulement au titre des commissions impayées mais aussi au titre de l'indemnité de préavis. Or, ce préavis est, comme on le sait, incompatible avec la gravité de la faute. Dans la seconde affaire, l’agent commercial s’était vu confier par contrat un territoire géographique de représentation étendu. Le mandant ayant résilié le contrat, l’agent commercial l’assigne en paiement de l’indemnité de fin de contrat et de l’intégralité des commissions sur les commandes prises dans son secteur. C’est cette question du commissionnement indirect qui sera ici analysée. L’on sait en effet que, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article L134-6 du Code de Commerce, l’agent chargé d’un secteur géographique (ou d’une catégorie de clientèle) bénéficie des commissions directes et indirectes provenant du secteur (ou de cette clientèle). L’agent se fondait donc en l’espèce sur ces dispositions pour obtenir satisfaction. De son côté, le mandant rappelait opportunément que ces dispositions ne sont pas d’ordre public (par combinaison des articles L134-6 et L134-16 du C.Com), et que la clause « rémunération » du contrat excluait ce type de commission : « l'agent commercial perçoit sur les ventes de sac à main de son secteur, uniquement des nouveaux clients prospectés ou gagnés par l'agent commercial, une commission égale à 15% du montant HT des factures». Ce faisant, l’agent ne devait être rémunéré que sur les affaires nouvelles directement apportées par lui. La Cour d’Appel de Toulouse, saisie du litige, tout en reprenant ces deux temps du raisonnement, précise que cette clause ne prévoit « que des modalités de calcul des commissions » et doit être interprétée au regard de la clause intitulée « Secteur » qui prévoyait une exclusivité au bénéfice de l’agent sur les départements du Sud de la France. Pour la Cour, « l’exclusivité dont bénéficiait l’agent impliquait, dès lors, un droit à commission sur toutes les opérations conclues sur le secteur, qu'elles aient été ou non réalisées avec son intervention » (CA Toulouse, 7 janvier 2015, n°12/03482). L’exclusivité primerait donc la commission. Cette solution est cassée par la Cour de Cassation au motif que la Cour d’ Appel a méconnu les « termes clairs et précis » de la clause relative à la rémunération dès lors que « devait percevoir une commission égale à 15 % du montant hors taxes des factures sur les seules ventes effectuées auprès des nouveaux clients prospectés ou gagnés par elle dans son secteur, et non sur celles réalisées directement par la société Caro auprès des clients existants ou prospectés dans ce secteur sans son intervention » (Cass. Com., 15 mars 2017, n°15-14699 ; dans le même sens CA Rennes, 18 mai 2010, n°09/03543). Pour la Cour de Cassation, il semblerait donc que ces stipulations relatives à la rémunération soient dérogatoires à l’exclusivité accordée. On s’étonne toutefois que la question de la portée et des effets de la clause d’exclusivité géographique n’ait pas été discutée. Rappelons en effet que l’exclusivité de l’agent commercial qui n’est pas définie, voire même évoquée, par les articles L134-1 et suivants du Code de Commerce, ne constitue pas un préalable nécessaire au commissionnement indirect (Cass. Com., 23 janvier 2007, n°05-10.264). L’exclusivité, lorsqu’elle est stipulée, assure par contre à l’agent un véritable monopole. Le mandant ne pourra plus ainsi intervenir sur ce secteur soit directement, doit indirectement par le biais d’un autre agent ou client, sauf à se mettre en faute et à justifier la rupture du contrat à ses torts (Cass.Com., 5 octobre 2004, n°02-17.231, LD nov.2004 ; Cass. Com., 30 mai 2007, n°05-12.030). En conséquence, on peut s’interroger sur l’utilité de la clause excluant le commissionnement indirect de l’agent bénéficiant, en parallèle, d’une exclusivité. En effet, si l’agent ne perçoit pas de commissions sur les ventes réalisées sans son intervention, lesdites sommes pourront, en tout état de cause lui être allouées sous la forme de dommages et intérêts, le mandant étant intervenu sur son territoire en violation de l’exclusivité consentie (voir Semaine Juridique Entreprise et Affaires n°50, 13 décembre 2007, 2540). En conclusion, espérons que la Cour d’Appel de renvoi de Toulouse apportera les précisions utiles nous permettant de cerner la portée de cette décision. Il semblerait en effet qu’en l’espèce aucune liste de « clients existants » n’ait été annexée et donc que la clause relative au secteur exclusif, très largement rédigée, ne soit en réalité limitée que par référence à une clause de rémunération dont on définit mal les contours. Cette décision rappelle surtout la nécessité pour les mandants de ne pas confondre commission directe et indirecte au bénéfice de l’agent et exclusivité contractuelle. Il est possible pour le mandant de « rassurer » commercialement l’agent en le faisant bénéficier d’un commissionnement large sans stipuler d’exclusivité. Si l’exclusivité devait par contre être contractualisée, les précautions contractuelles d’usage sont nécessaires sauf à mettre le mandant en porte-à-faux et potentiellement en faute : définition et périmètre ; exclusion de certains clients réservés au mandant notamment.
AL