Dans la droite ligne de l’arrêt publié au bulletin et commenté par la Lettre le mois dernier (Cass.Com 2/10/2015, LD octobre 2019 Cl.MOULY), la décision sous commentaire fait notamment application à un contrat de gérant-mandataire (article L146-1 du Code de commerce) du réseau GIFI des dispositions légales relatives à la rupture brutale des relations commerciales établies (art L 442-6-I 5e dans sa version antérieure à l’Ordonnance). La solution de la Chambre commerciale en référence est identique et casse l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris qui avait exclu ces dispositions au motif que les règles spécifiques à la fin du contrat de gérance-mandat concernaient l’indemnisation et non la durée du préavis. Ce type de contrat, déjà source d’insécurité car se situant aux confins du droit du travail voire du régime des agents commerciaux, se voit fragilisé. Fragilité néanmoins relative dès lors que le mouvement de « reflux » des décisions en matière de rupture brutale ne semble pas devoir s’estomper au regard de la nouvelle version du texte (limitation du préavis à 18 mois, Art. L442-1-II issu de l’Ordonnance du 24/04/2019). Outre l’absence de disposition spécifique à la durée du préavis ; le statut de gérant-mandataire est tout aussi silencieux s’agissant des conditions de validité de la clause de non-concurrence post-contractuelle, et ce contrairement au statut d’agent commercial (article L134-14 C.Com). En l’espèce, se posait la question de la validité de la clause de non-concurrence post-contractuelle ainsi rédigée : « le gérant mandataire et ses représentants s’interdisent d’exercer, directement ou indirectement à quelque titre que ce soit, dans un rayon de cinquante (50) kilomètres à vol d’oiseau du fonds de commerce objet du présent mandat et de tous fonds de commerce qui seraient exploités par le Mandant, une activité susceptible de concurrencer directement ou indirectement ce dernier, et ce, pendant une durée de deux ans à compter de la date d’expiration ». Rappelons tout d’abord que, même si ce point n’était pas discuté, aucune contrepartie financière n’est requise dès lors que le gérant-mandataire est un indépendant et non un salarié. Il en va de même pour les contrats d’agent commercial et plus généralement de distribution. Ce faisant, cette clause devait respecter les conditions classiques dégagées par la jurisprudence tenant à son caractère limité dans le temps et/ou l’espace et proportionnée aux intérêts légitimes du mandant. Conditions spatio-temporelles qui, après un temps de controverse, doivent être aujourd’hui justifiées cumulativement (Cass.Com 12/02/2013, n°12-13.726 ; Cass.Com 8/10/2013, n°12-25.984). GIFI soutenait ainsi pour justifier sa validité que l’interdiction de concurrence était limitée dans l’espace dès lors que « l’ensemble du territoire français n’étant pas visé par la clause, seule son activité étant évoquée. ». De même, la durée était limitée à deux ans ; durée qui fait écho à celle prévue légalement pour les agents commerciaux. Cette justification ne convainc ni la Cour d’Appel ni la Cour de Cassation qui considèrent que « du fait de la densité du réseau de la société GIFI sur l’ensemble du territoire français et de la diversité de son activité, à une impossibilité, de fait, de toute réinstallation ». C’est donc par uneappréciation in concreto –appréciation classique– que la Cour écarte cette limitation géographique apparente. L’implantation des points de vente du réseau Gifi sur le territoire français, dont chacun d’eux était le point de départ d’une zone d’interdiction, aboutissait en effet à une obligation disproportionnée écartant toute possibilité de réinstallation pour le mandataire. La Haute Cour avait déjà eu l’occasion de casser un arrêt d’appel validant une clause identique insérée au sein d’un contrat de franchise de restauration rapide dès lors que le caractère proportionné de la clause n’était pas établie (Cass.Com 23/09/2014 n°13-20.454). La durée fixée à deux ans est de même jugée disproportionnée au regard du but recherché « alors que le savoir-faire justifiant l’interdiction n’étant pas décrit et encore moins établi ». Est-ce à dire pour autant que si des conditions légales spatio-temporelles avaient été fixées, sur le modèle de l’agence commerciale, la clause d’espèce aurait été rachetée ? Rien n’est moins sûr. La jurisprudence annule en effet la clause de non-concurrence dont l’agent commercial est débiteur, alors même que les conditions légales sont en apparence respectées, dès lors que le contrôle de proportionnalité n’est pas couronné de succès (Cass Com 4/06/2002, Contrats Conc. Conso 2002, comm.140 ; Cass.Com 11/05/2017 n°2017-008870). Aymeric LOUVET