Inapplicabilité de la loi Doubin à un contrat de bière : l’exclusivité ou la quasi-exclusivité d’activité s’appréciant globalement
CA Colmar, 22 janvier 2014, RG n° 12/01609
Au regard de l’article L 330-3 C. com., toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l’intérêt commun des deux parties, de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s’engager en connaissance de cause.
Quelle portée donner à l’exigence d’un engagement exclusif ou quasi-exclusif pour l’exercice de l’activité ? Cet engagement doit-il concerner la globalité de l’activité du distributeur ou doit-il être limité aux produits objets du contrat ?
La Cour d’appel de Colmar statuant sur cette question concernant un contrat de bière a décidé que « les dispositions de l’article L 330-3 du Code de commerce relatives à l’obligation d’information préalable incombant au distributeur exclusif et résultant de la loi Doubin du 31 décembre 1989 ne sont pas applicables en l’espèce, dans la mesure où M. L. comme son successeur étaient propriétaires d’un fonds de commerce de café restaurant et n’avaient pas comme seule activité la vente des bières mais pouvaient librement commercialiser d’autres produits que ceux faisant l’objet du contrat de fourniture de bière ».
Cette solution semble en contradiction avec la position de la Cour de Cassation qui a opté pour une conception restrictive de ce texte en décidant, dans un réseau de commerçants détaillants, que l’obligation d’exclusivité ou de quasi exclusivité ne concernait que les « produits couverts par la convention » (Cass. com., 19 janv. 2010, n° 09-10.980, F-P+B).
La Cour d’appel de Colmar fait-elle de la résistance ou est-ce les spécificités opérationnelles du contrat de bière qui justifieraient cette solution en opportunité ? En effet, la situation de dépendance économique du distributeur qui sous-tend l’obligation visée à l’article L 330-3 C. com. et le standard d’informations requis à l’article R 330-1 du même code n’est pas de la nature du contrat de bière puisque le débitant ne réalisera bien souvent qu’une partie mineure de son chiffre d’affaires avec les produits couverts par le contrat : quel intérêt pour le débitant d’avoir des informations sur l’état et les perspectives de développement du marché local, la liste des débitants avec lesquels il est lié par un contrat de même nature, le tout mis en perspective avec la lourdeur administrative de ces informations pour un brasseur disposant de milliers de débitants.
Cette solution, à contre-courant a priori, nous semble relever des spécificités du contrat de bière et ne pas être en contradiction avec la solution de principe édictée par la Cour de cassation dans les réseaux de distribution.