L’usage, ou plutôt la « pratique prétorienne » (D. et N. Ferrier, Droit de la distribution : Lexisnexis, 2014, 7e éd., n° 233), consistant pour les tribunaux à fixer, sans autre explication, l’indemnité due aux agents commerciaux à deux années de commissions était dénoncé par un auteur il y a quelques années en ces termes : « certains juges du fond se laissent parfois aller à la facilité d'une évaluation quasi forfaitaire du préjudice extrêmement, voire excessivement, favorable à l'agent ». Et cet auteur d’en conclure : « Rares sont ceux qui se démarquent » (Nicolas MATHEY, Calcul de l'indemnité de fin de contrat de l'agent commercial - Contrats Concurrence Consommation n°11, Novembre 2012, comm. 253). Au regard des décisions les plus récentes, régulièrement rapportées par la Lettre, il semblerait qu’un mouvement de reflux soit en marche (LD juin 2017, CA Paris 30/03/2017 n° 15/15977; LD Oct. 2017 CA Paris 2/11/2017 n°16/13857). Mouvement qui se traduit par une analyse in concreto du préjudice subi par l’agent, les magistrats rappelant depuis longtemps que « ces décisions antérieures (deux ans de commissions) ne dispensent pas le Tribunal de respecter strictement les dispositions de l’Article 12 de la loi du 25 juin 1991 et donc d’analyser en détail les préjudices réellement subis » (Tribunal de Commerce de Paris 15 octobre 2001 – Lettre de la Distribution Décembre 2001 ; CA Paris 06/09/2012 ; CA Lyon 13/07/2012 - CCC n°11 nov. 2012 comm. 253). L’arrêt sous commentaire participe de ce mouvement. Après deux années de relations contractuelles, le mandant avait dénoncé sans motif le contrat en respectant un préavis de deux mois. L’agent prétendait obtenir une indemnité de deux années de commissions. Pour ce faire, ce dernier rappelait opportunément que selon « une jurisprudence constante, cette indemnité s'établit à deux années de commissions brutes, peu important la durée du contrat ». La Cour d’Appel ne l’entend pas ainsi et précise tout d’abord en réponse que « cette règle reste une règle d'usage qui ne lie pas lejuge ». Cet usage peut donc être écarté « pour permettre une meilleure adéquation de l'indemnité, entre le préjudice subi et le montant de cette indemnité ». L’usage écarté, la Cour fait sienne l’analyse du préjudice réalisée par le Tribunal de Commerce. Ainsi, est tout d’abord prise utilement en considération la durée des relations, ici limitée à deux années. La référence ensuite à « l’importance du travail de prospection » et « à l’évolution plus modeste du chiffre d’affaires » est plus discutable dès lors que la France a opté pour une indemnité de fin de contrat déconnectée de l’apport de clientèle (art. 17.2 versus 17.3 de la Directive). L’indemnité doit donc être limitée à une année de commissions. Il est par ailleurs intéressant de noter que le Tribunal avait pris soin de rappeler que « l'indemnité compensatrice n'est pas la contre-partie d'une prestation à titre onéreux et ne peut, par application de l'article 256 du code général des impôts, être soumise à la TVA ». L’Agent sollicitait en outre la réparation de son préjudice subi au titre du « caractère brutal ou abusif de la rupture ». Le caractère apparemment alternatif de cette demande laisse perplexe. S’il s’agit d’une rupture brutale, l’on sait en effet que seul l’article L442-6-I-5° du Code de Commerce doit en principe fonder cette demande. Or, ces dispositions sont inapplicables aux agents commerciaux dès lors que la loi spéciale aux agents fixe la durée du préavis à respecter (Cass. Com 03/04/2012 n°11-13.527 et n°11-15.518 ; CA Aix-en-Provence 16/01/2014, n°12/09468 ; CA Paris 05/02/2015 n°13/11944). S’il s’agit d’un abus dans la rupture et même si cette réparation distincte de l’indemnité de fin de contrat aurait pu être discutée, encore fallait-il démontrer les circonstances de la rupture qui caractérisent cet abus et justifient un préjudice économique distinct voire une atteinte à la réputation de l’agent et donc un chef de dommage moral autonome (CA Aix-en-Provence 26/02/2015 n°14/11003 sur renvoi de Cassation : Ch. Com. 04/02/2017 n°12-14466). Or, rien de tout cela en l’espèce. L’intensité de ce mouvement de reflux sera-t-elle équivalente à celle constatée en matière d’action fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies ? L’avenir nous le dira (« Flux et Reflux de la rupture brutale d’une relation commerciale établie », Colloque Université de Montpellier 24/11/2017 ; Actes du colloque, Lexis Nexis, Collection FNDE). AL