Inopposabilité aux tiers de la marque du franchiseur : contrat de franchise tout de même causé
Cour de cassation Chambre commerciale, 4 novembre 2014, 13-21.933, Inédit
La licence de droits de propriété intellectuelle, dont la marque ou les « signes distinctifs » (Lignes Directrices restrictions verticales pt 189), constitue un élément essentiel du contrat de franchise. Assigné au titre de redevances impayées, un franchisé du réseau G-Star a soulevé la nullité du contrat pour défaut de cause au motif que le contrat de licence de marque n’avait pas été publié au registre des marques tenu par l'INPI. Les droits sur la marque G-Star avaient en effet étaient concédés en cascade par une première société de droit anglais à une société de droit néerlandais qui les avait elle-même sous-licenciés au franchiseur chargé de développé le réseau en France. Pour autant, aucune formalité n’avait été effectuée au registre des marques. Ce faisant, c’est l’absence d’opposabilité aux tiers de la marque en l’absence d’inscription (article L 714-7 du Code de la Propriété Intellectuelle) qui était reprochée au franchiseur et qui justifiait selon le franchisé la nullité du contrat. La Cour de Cassation, confirmant ainsi l’arrêt d’appel, écarte cette argumentation. Pour apprécier si le contrat de franchise est causé, il conviendrait de s’assurer simplement, en matière de marque, que le franchiseur détenait des droits qu’il pouvait concéder au franchisé. C’est ce que le franchiseur s’attachait à démontrer en l’espèce : communication du contrat de sous-licence de marque lui permettant de concéder les droits aux franchisés ; attestation de la société de droit néerlandais confirmant la licence exclusive principale. Pour la Haute juridiction, cette preuve suffisait à écarter l’absence de cause du contrat dès lors que « l'absence de publication du contrat de licence au registre national des marques ne remettait pas en cause les droits conférés à la société G-Star sur la marque, et que ce défaut de publication, qui n'était susceptible d'affecter que son opposabilité aux tiers, ne suffisait pas à priver de cause le contrat de franchise ». Cette solution interroge. Tout d’abord au regard de l’importance de la marque pour un réseau de franchise et aux obligations qui incombent au franchiseur à cet effet. Le franchiseur se doit, à ce titre, non seulement de sécuriser (enregistrement respectueux des conditions légales; renouvellement à l’échéance) et d’exploiter (éviter toute déchéance) cette dernière mais aussi de défendre ce monopole. Or, la conséquence première de l’absence d’inscription au registre est de rendre l’action en contrefaçon pour le moins fragile : la licence est en effet inopposable aux tiers pour les actes antérieurs à l’inscription ; la seule possibilité consistant, dans cette hypothèse, à notifier le contrat aux tiers et à agir pour les actes postérieurs à cette notification. Le monopole en est donc altéré aussi bien pour le franchiseur que pour le franchisé. Cette absence de formalité a donc potentiellement une incidence juridique, financière et commerciale forte. Ensuite à la lecture : a) d’autres décisions qui paraissent plus strictes (même si la question de l’existence des droits semblait aussi posée) : annulation d’un contrat de franchise au motif que le franchiseur ne démontrait pas avoir procédé aux formalités nécessaires pour rendre le transfert de la marque opposable aux tiers et avoir renouvelé la marque à l'échéance (Cour Cass. Ch. Com. 6/05/2003 n°01-00.515) ; b) des informations relatives à la marque qui doivent être communiquées par le franchiseur au titre du DIP : n° d’inscription à l’INPI et durée du contrat lorsque la marque a été acquise en licence. Outre les critiques ou justifications possibles de cette solution (sur le terrain de la sanction notamment), il convient de rappeler au franchiseur l’importance des formalités précitées, et au franchisé la nécessité de s’assurer de leur respect notamment par la contractualisation de cette obligation fondamentale à la charge du franchiseur. Pour le bien du réseau.