L’appartenance à un groupe n’implique pas un relèvement automatique de la sanction d’une pratique anticoncurrentielle
Cass. com. 21 octobre 2014, pourvoi n° 13-16 602 ; 13-16 696 ; 13-16 905
Dans le prolongement d’un arrêt innovant rendu le 18 février 2014 (LD mars 2014) dans l’affaire de la restauration des monuments historiques, la Cour de cassation vient, à nouveau, casser un arrêt de la Cour d’appel de Paris, ayant, dans le cadre d’une affaire traitant d’ententes lors d’appels d’offres concernant des marchés publics ou privés relatifs à des travaux d’électrification, pour avoir relevé automatiquement la sanction de deux entreprises impliquées en raison de leur seule appartenance à un groupe. Les sanctions des pratiques anticoncurrentielles poursuivent un impératif de dissuasion, si bien que le législateur en 2001, lors de l’adoption de la loi n° 2001-420 dite « NRE », a complété les critères d’individualisation de la sanction par celui « du groupe auquel l’entreprise appartient » afin de considérer son impact dans la gravité des pratiques (C. com., L 464-2).
L’autorité de la concurrence dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, est venue préciser qu’elle peut adapter à la hausse la sanction pour tenir compte du fait que : « le groupe auquel appartient l’entreprise concernée dispose lui-même d’une taille, d’une puissance économique ou de ressources globales importantes, cet élément étant pris en compte, en particulier dans le cas où l’infraction est également imputable à la société qui la contrôle au sein du groupe ». L’ADLC, confirmée par la Cour d’appel, avait en l’espèce fait application de ce principe de relèvement en dehors de toute imputabilité de la pratique à la société mère.
La Cour de Cassation casse, sur ce point, l’arrêt d’appel estimant que : « les sanctions pécuniaires prononcées sur le fondement de l’article L. 464-2 du Code de commerce sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; que cette exigence exclut, à l’égard d’une entreprise ayant agi de manière autonome, le relèvement automatique de la sanction en raison de sa seule appartenance un groupe ». Cette solution met en avant l’impératif pour l’ADLC et la Cour d’appel de motiver le relèvement de la sanction en raison de l’appartenance de l’entreprise, auteur de la pratique, au groupe et non plus d’appliquer un relèvement automatique, dès que l’entreprise appartient à un groupe. L’arrêt du 18 février 2014 explicitait la motivation par le fait que l’entreprise « [ait joué] un rôle dans la mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles ou était de nature à influer sur l’appréciation de la gravité de ces pratiques » mais cette justification crée un flou entre la notion d’imputabilité des pratiques et celle d’individualisation de la sanction.
Il est à prévoir qu’une telle jurisprudence de la Cour de cassation ait tendance à susciter un plus grand recours, par l’ADLC, à l’imputation de la pratique à la société mère en appliquant une jurisprudence usant et abusant de la présomption capitalistique établie par le droit communautaire de la concurrence (Cons. conc. n° 09-D-56 ; CJCE, 10 septembre 2009, Akzo e.a. c/ Commission, aff. C-97/08) ou à tout le moins constater et qualifier plus largement une influence déterminante de la mère sur la filiale.
Les entreprises devront organiser les délégations de pouvoirs nécessaires à répartir les responsabilités au sein du groupe afin de gérer le risque concurrentiel.
Karine BIANCONE