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La Société EZ Metrology (ci-après le « fournisseur »), spécialisée dans la métrologie dimensionnelle pour le secteur de l’industrie automobile s’est vue assigner par son ancien distributeur exclusif au titre de différents griefs encadrant la rupture du contrat de distribution.
Deux points seront traités : l’utilisation des données clients du distributeur par le fournisseur, et la perte de chance de ce dernier de contracter avec les clients du distributeur après la fin du contrat.
En premier lieu, la commercialisation des produits étant assortie d’un savoir-faire technique de haut niveau, les interventions du fournisseur au titre de formations auprès des clients du distributeur s’étaient développées, ce dernier n’ayant pas les compétences techniques pour les assurer. Le fournisseur devenant ainsi un interlocuteur privilégié de certains clients du distributeur.
Ce faisant, la Cour d’appel estime que le fournisseur a utilisé de façon « non fautive ni abusive » les données clients du distributeur.
La question de l’utilisation du fichier client du distributeur évincé est cruciale dans les contrats de distribution. En effet, en l’absence de clause, si le distributeur est le producteur du fichier client, le fournisseur n’a aucun droit d’utilisation de ce fichier sauf à engager sa responsabilité civile délictuelle mais aussi sa responsabilité pénale (article 323-1 alinea 1 du Code pénal). En présence d’une clause prévoyant un droit d’accès et d’exploitation du fichier client pour le fournisseur, il conviendra de vérifier que la collecte des données personnelles auprès des clients s’est effectuée en conformité avec le règlement européen n° 2016/679 du 27 avril 2016 (dit « RGPD »), et la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés du 6 janvier 1978. En effet, plusieurs conditions devront être respectées dont notamment une utilisation par le fournisseur conforme à la finalité et la base légale du traitement (consentement, exécution de mesures contractuelles ou précontractuelles, intérêt légitime).
En second lieu, avant la rupture du contrat, le distributeur avait commandé un volume de produits dont la livraison prévue après la date de rupture, ne pouvait générer d’intervention du distributeur chez les clients pour assurer les prestations de formation et d’installation. Le distributeur n’ayant pas respecté ces obligations contractuelles, et ayant procédé à « des présentations malhonnêtes de plan de formation, à des manquements au sujet des ventes de formation, à une fausse communication concernant les dates de livraison, à une installation non professionnelle des [produits] et une non-information des clients du fait de l’arrêt du contrat », s’est vu notifier l’annulation des commandes et la rétention des acomptes versés à ce titre par le distributeur.
La Cour d’appel constate ces inexécutions et en tire les conséquences en termes de remboursement des acomptes au distributeur d’une part, et d’indemnisation du fournisseur pour les formations effectuées par ses soins auprès des clients en lieu et place du distributeur, d’autre part.
Le fournisseur forme une demande reconventionnelle en indemnisation au titre d’une perte de chance de s’implanter chez les clients constructeurs automobiles, auprès desquels son image avait été altérée par le comportement de son ancien distributeur. La Cour d’appel juge que « dans le cadre du contrat de distribution, les clients du [distributeur] n’étaient pas ceux [du fournisseur], si bien que celle-ci n’avait pas de droit acquis sur ces clients après résiliation du contrat et que [le distributeur] était en droit de proposer les produits d’un autre fournisseur. La société [fournisseur] ne peut donc valablement soutenir que la perte des clients […] lui a causé un préjudice, en termes de perte de chance de réaliser une marque sur le chiffre d’affaires […]. En revanche, il est établi que l’attitude [du distributeur], à l’occasion de la mise e œuvre des modalités de la rupture, a été déloyale et a porté atteinte à l’image de la société [fournisseur] auprès des constructeurs […] ce qui compte tenu des relations entre les membres du groupe du [constructeur] s’est nécessairement étendu à d’autres marques de ce groupe. Ce préjudice d’image peut être évalué par la Cour à 40 000 euros, somme que le distributeur sera condamné à payer à la société [fournisseur], au titre de la responsabilité contractuelle ».
Cette décision rappelle le principe selon lequel le distributeur a une clientèle propre, dont l’éviction du fournisseur en fin de contrat ne saurait donner lieu à indemnisation. En effet, l’indemnisation de la perte d’une chance requière un préjudice direct et certain, que la Cour d’appel a refusé de qualifier s’agissant de clients du distributeur. En revanche, elle prononce l’indemnisation d’un préjudice d’image, forfaitisé à 40 000 Euros, ce qui lui permet d’indemniser indirectement la perte de chance de contracter avec les anciens clients déçus du distributeur.