Le cartel des produits laitiers frais sous MDD face à la grande distribution
ADLC, 11 mars 2015, décision n° 15-D-03
Les pratiques d’entente des grands industriels fournisseurs de la grande distribution sont à l’ordre du jour : après l’entente dans le secteur des produits d’entretien et d’hygiène corporelle (LD janvier 2015), c’est au tour des fabricants de produits laitiers frais vendus sous marque de distributeur (MDD) de se voir condamnés à une amende à hauteur de 192.7 millions d’Euros pour s’être entendu sur les prix et les volumes.
A l’instar de l’entente dans le secteur des produits d’entretien et d’hygiène corporelle, celle dans les produits laitiers frais vendus sous MDD a été déclenchée par une demande de clémence, faisant suite en l’espèce au rachat de Yoplait par l’américain General Mills. Suite à cette dénonciation, l’Autorité a procédé à des visites et saisies et une clémence de second rang a été demandée par la société Senagral (anciennement Senoble).
L’Autorité sanctionne deux pratiques, entre les mêmes acteurs, sur la même période, et sur le même marché distinguant les échanges d’informations anticoncurrentiels avec les accords de répartitions de marché : d’une part les producteurs ont entretenu une concertation permanente entre concurrents sur les prévisions de hausse tarifaire des produits, sur des données futures de fixation des prix et sur les compensations de volumes entre concurrents, et d’autre part ils ont conclus des accords portant sur la définition en commun des taux de hausses de prix futurs par familles de produits, sur la fixation des volumes détenus par les sociétés concurrentes et, enfin, sur la remise d’offres de couverture dans le cadre d’appels d’offres lancés par les distributeurs.
Pour ces deux griefs, l’Autorité faisant application de son communiqué sur les sanctions du 16 mai 2011 a défini un taux de valeur des ventes à hauteur de 16 %, tenant compte de la gravité des pratiques, appliqué à la durée de participation de chaque entreprise. De façon surprenante, et non visée dans son communiqué de sanctions, l’Autorité a considéré le degré de participation de chaque acteur à la seconde pratique – accord en bonne et due forme de répartition de marché – en réduisant ce montant de base à concurrence de 35 à 40 %.
Les entreprises qui se sont, malgré le cartel, engagées dans une « guerre des prix », et ayant, de ce fait adopté une attitude de franc-tireur ont obtenu une réduction supplémentaire de 30 %, liée à leur capacité contributive réduite. En outre, contrairement à l’entente dans le secteur des produits d’entretien et d’hygiène corporelle, l’Autorité a refusé le cumul du bénéfice de la clémence de second rang et celui de la transaction à la société Senoble en raison de l’absence d’apport procédural de la procédure de non-contestation des griefs, l’existence des pratiques étant suffisamment démontrée. La clémence de second rang est rémunérée à hauteur de 35 %, là où les entreprises entrées en transaction se sont vues octroyer 16 % de réduction de sanctions, avec l’engagement de mise en place d’un programme de « compliance ». Les bénéfices de la clémence de second rang comparés à ceux de la transaction sont-ils suffisants eu égard aux risques encourus par l’entreprise délivrant à l’Autorité les preuves des pratiques ?
Karine BIANCONE