C'est une décision « non spécialement motivée » par laquelle la Cour de Cassation rejette un pourvoi dès lors que les moyens de cassation « ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation » (article 1014 du Code de Procédure Civile) qui intéresse les contours de la publicité pour les alcools. Des canettes et packs de bière Carlsberg faisaient en effet apparaître quatre joueurs de football de la première ligue, des références à cette compétition et un jeu permettant de gagner des places pour des matchs. L'ANPAA, vigilante et passant au crible les actions de communication de grands brasseurs et alcooliers, a rapidement sollicité le retrait de ces produits considérant qu'il s'agissait de publicités illicites au regard de la loi Evin. Après une première victoire de l'Association en référé, Kronenbourg soutien en appel que le conditionnement n'est pas soumis aux références limitatives prévues par l'article L3323–4 du Code de la Santé Publique. Pour ce faire, le brasseur se fondait sur le texte lui-même qui prévoit, concernant les seules mentions et références autorisées sur les publicités, que « le conditionnement ne peut être reproduit que s’il est conforme aux dispositions précédentes ». Ce faisant, le conditionnement ne pourrait caractériser une publicité au sens de ce texte, seule sa reproduction comme publicité devrait respecter les mentions et références précitées. De son côté, l'Association affirmait que « le conditionnement d'une boisson alcoolique constitue une forte incitation à la consommation » notamment, en l’espèce, du fait de « l'association entre la compétition sportive et la bière Carlsberg ». La Cour d'Appel, pour confirmer l'ordonnance de référé, rappelle tout d'abord ce qui caractérise une publicité illicite : « tout acte en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article ayant pour effet, qu'elle qu'elle soit la finalité, de rappeler une boisson alcoolique sans satisfaire aux exigences de l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ». Concernant l'argument textuel exploité par Kronenbourg, la Cour adopte une position diamétralement opposée et considère au contraire que la reproduction n’est pas une condition d'application du texte mais « sous-entend que le conditionnement est utilisé par les distributeurs comme support de publicité ». Le conditionnement serait donc « un support de communication destiné à attirer le choix du consommateur par rapport au produit concurrent, situé à proximité immédiate sur le même rayon ». Ce faisant, « les mentions figurant sur les canettes et les packs litigieux comportent des références visuelles qui sont étrangères aux seules indications objectives et techniques du produit ». En conséquence, l'arrêt de la Cour de Cassation donne indirectement sa pleine mesure à l'arrêt d'Appel précité. Solution qui peut paraître évidente au regard de ce qui caractérise une publicité en général. Le packaging d'une bière, tout comme l'étiquette d'un vin, sont susceptibles en effet, dans certains cas, d'inciter le consommateur à l'achat et caractériser une publicité (visuels attrayant, messages incitatifs notamment). Il suffirait donc, à suivre l’arrêt d’Appel, que le packaging ou l'étiquette utilisé comme publicité respecte les mentions et références limitativement prévues par le texte, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, l’image des joueurs de football n’ayant que peu de rapport avec la couleur, les caractéristiques gustatives ou olfactives de la bière voire son mode d’élaboration… Restrictions qui, si elles sont respectées, n’excluraient pas, sous certaines conditions, l'impression de plaisir inhérente à toute démarche publicitaire (1ère Civ. C.Cass. 1er juillet 2015 - publicité du CIVB) voire une part de fiction (Ch. Crim. C.Cass. 15 mai 2012 - Johnny Walker). Pour autant, et même si ces conditions sont respectées, la publicité est-elle pour autant licite ? Rien n’est moins sûr. Rappelons en effet qu’outre les mentions et références strictement limitées, le législateur a entendu restreindre les supports publicitaires autorisés. Or, la liste limitative de l'article L3323–2 du Code de la Santé Publique (presse écrite, radio, affiche et enseigne voire Internet) ne prévoit pas le conditionnement comme support autorisé… C'est d'ailleurs ce que l'Association avait soulevé, sans que cela ne soit relevé et analysé par la Cour d'Appel. Est-ce à dire que toute publicité sur une bouteille de vin ou sur un pack de bières est interdite ? Il ne semble pas que telle ait été la volonté du législateur (Réponse ministérielle n°41 608, 30 décembre 1991) ou la voie empruntée par la jurisprudence. Est-ce à dire, au contraire, que le conditionnement pourrait être englobé dans l’un des supports autorisés ? Aucune réponse définitive ne semble pouvoir être apportée. Au regard des enjeux et des risques économiques (retrait des produits) et pénaux (75 000 € d’amende) pris au quotidien par l'ensemble des acteurs du secteur désireux de communiquer raisonnablement sur leurs produits et de l’insécurité juridique générée par ce texte, il est regrettable que la Haute Cour n'ait pas fait oeuvre pédagogique et ait préféré balayer aussi rapidement le pourvoi. A.L.