Le sort des stocks lors de la rupture d’un contrat d’entreprise
Cass. com. 4 novembre 2014, pourvoi n° 13-22202
La société Accor faisait appel à un prestataire pour fabriquer les éléments de signalétique intérieure de ses établissements hôteliers. La société prestataire a mis fin aux relations contractuelles, et après une vaine mise en demeure assigné son donneur d’ordre, lui demandant de reprendre plus de 500.000 € de stocks fabriqués pour son compte. La Cour de cassation valide l’arrêt d’appel rejetant les demandes du prestataire aux motifs que : « en premier lieu, […] aucun accord écrit entre les parties ne stipule la constitution d’un stock de produits par la société Sausalito et un engagement de reprise de celui-ci par la société Accor ; […] enfin que la remise de tableaux prévisionnels portant sur l’ouverture d’hôtels ne constituait pas un engagement ferme, comme le reconnaissait d’ailleurs la société Sausalito, mais n’avait qu’une valeur indicative ; que de ces constatations et appréciations, la cour d’appel […] a pu déduire l’absence d’obligation de rachat du stock pesant sur la société Accor ; […] en second lieu, qu’ayant relevé que la société Sausalito a, entre 2004 et 2007, constitué un stock de produits représentant deux fois et demi le chiffre d’affaires réalisé avec la société Accor quand ce chiffre d’affaires chutait de plus de 50 % dans la même période, ce qui aurait dû la conduire à réduire d’autant son stock, la cour d’appel, qui a ainsi fait ressortir le manque de prudence de la société Sausalito, a légalement justifié sa décision ».
La jurisprudence considère que la reprise des stocks en fin de contrat n’est pas automatique dans les contrats de distribution elle « constitue une éventualité que l’acheteur a dû prévoir en signant le contrat qui ne comportait aucune garantie de ce chef » (Cf. T. com. Seine, 19 déc. 1963 : RTD com. 1964, p. 373, obs. J. Hémard. – CA Paris, 3 févr. 1967 : D. 1967, jurispr. p. 516, note M. Cabrillac. – Cass. com., 8 mars 1967 : JCP G 1968, II, 15346, note J. Hémard), en sorte que la reprise des stocks ne saurait être automatique en l’absence de clause, car elle constituerait « un avantage que les parties n’avaient pas prévu au contrat » (Cass. com., 21 oct. 1964 : Bull. civ. IV, p. 390).
Les juges du fonds déduisent des stipulations contractuelles l’obligation pour le fournisseur de reprendre le stock : par exemple, dans un contrat de concession, lorsque le contrat impose au distributeur de maintenir un stock minimum et que le fournisseur rompt le contrat avec un préavis ne permettant pas au distributeur d’écouler son stock (Cass. com, 17 mars 1970, n° 69-12.225). En l’espèce, les juges du fond qualifie le contrat de contrat d’entreprise et aucune stipulation ne venait encadrer le sort des stocks en fin de contrat. Les juges auraient pu considérer l’impossibilité pour le prestataire d’écouler son stock eu égard au caractère spécifique des produits réalisés pour le donneur d’ordre. A l’instar de la jurisprudence en matière de contrats de distribution les juges sont venus en premier lieu rechercher si une obligation de préconstituer un stock pouvait se déduire de l’intention des parties. Pour rejeter l’existence d’une telle obligation, les hauts magistrats relèvent qu’aucun engagement ferme ne ressortait de tableaux prévisionnels concernant l’ouverture d’hôtels. En outre la rupture des relations émanait du prestataire, sans faute du donneur d’ordre, ce qui excluait une indemnisation du prestataire liée aux stocks. Enfin, la Cour de cassation valide l’arrêt d’appel qui décide que le prestataire a manqué de prudence en constituant un stock représentant deux fois et demi le chiffre d’affaires alors même qu’il chutait de 50 %.
La clause excluant expressément la reprise est efficace et aurait pu gérer le risque contentieux lié aux stocks si les parties avaient pu en convenir (V. Cass. com., 8 juill. 2003, n° 00-20004). Dans le cas contraire, les parties auraient pu envisager les modalités de reprise des stocks en fin de contrat, stipulant une clause prévoyant :
– les conditions du déclenchement de l’obligation : par exemple excluant le cas de rupture du fait du prestataire ;
– les conditions de son dénouement : fixation prix de rachat avec éventuelle décote ; conditions concernant l’état des produits rachetés ; délai de reprise ; risques et frais liés au transport.
Karine BIANCONE