Arômes évanescents :
responsabilité du prestataire à l’origine de la création d’un logo
CA Rennes, 23 novembre 2021, n°19/01012 :
Une société lance une nouvelle activité de commercialisation de vins sous l’enseigne
« TERRES D’AROMES » à Saint-Herblain et confie à un prestataire la
création d’un logo.
Utilisant son
nouveau logo, cette dernière est mise en demeure par le conseil d’une autre
société située dans la région de Reims (51) de cesser « toute exploitation
de la dénomination TERRES D’AROMES accompagnée de la silhouette d’un verre à
vin dans lequel apparaît celle d’un coteau de vigne ». Il apparaissait
en effet que les logos utilisés par ces deux sociétés étaient quasiment
identiques.
Afin d’éviter
un contentieux, la première se voit contrainte de modifier son logo. Mécontente
du travail du prestataire et du préjudice généré par ces modifications, elle
engage sa responsabilité.
La Cour
d’appel, pour faire droit à ses demandes, retient que l’élément essentiel du
contrat de création de logo est la fourniture d’un logo que le client puisse utiliser
paisiblement, sans être accusé de contrefaçon, de parasitisme ou encore
de concurrence déloyale.
Le terme
« création » impliquant nécessairement que la prestation
consiste à « créer » et non à « recopier ».
Or, même si
cette ressemblance peut n’être que fortuite, tout designer ou graphiste doit
vérifier sur Google images par exemple, si un logo identique existait. Absence
de négligence qui caractérise, pour la Cour, une négligence
Par
conséquent, la faute contractuelle du prestataire est avérée et consiste en ne
pas avoir créé et délivré un logo original et qui aurait pu être utilisé
paisiblement. La Cour condamne cette société à indemniser son client des
conséquences de cette faute, à savoir 5.831,20€ à titre de dommages et intérêts
(ce qui inclut le coût des prestations d’un nouveau graphiste, de la carte de
visite et sticker, du remplacement de l’enseigne, des flyers et des stickers et
du préjudice moral), et 2.500€ au titre des dépens.
La Cour indique
néanmoins que la société ne peut être indemnisée des manquements contractuels
du prestataire qu’à la condition qu’elle lui ait payé ses factures. Elle opère
donc une compensation de leurs créances respectives, condamnant la société à
payer au prestataire la somme de 541,20€ au titre des soldes de factures.
Marque « Millesium » indisponible : absence de responsabilité du prestataire ayant proposé
cette dénomination :
CA Paris, 15 octobre 2021, n°19/16810 :
La Centrale
européenne de distribution C10, leader national de la distribution de boissons
auprès notamment du secteur des CHR, sollicite la société de communication HF
Conseils pour qu’elle réalise deux campagnes de communication. S’agissant de
son expertise des vins à destination des professionnels de la restauration,
elle lui demande de créer une « Image Vins » pour le réseau C10, qui
bénéficiera d’une identité propre et différenciée des autres produits.
La
prestataire propose notamment l’identification de l’ « Image
Vins » aux marques « Millesium », « Caveum »,
« Caves » et « Domaines ».
Afin de
s’assurer de la disponibilité de la marque Millesium, ce dernier fait
intervenir son avocat.
Celui-ci
précise à la société C10 que « les droits détenus par la société
MILLESIUM, soit la marque identique, le nom de domaine et la dénomination
sociale éponymes constituent des obstacles ».
Ce faisant,
il déconseille le dépôt et l’exploitation du terme « Millesium »,
sauf accord de ce titulaire.
En dépit de
ce risque, la société C10 décide de procéder au dépôt de cette marque.
Cette
dernière décide néanmoins de contester le solde de la facture du prestataire,
opposant l’indisponibilité de la marque « Millesium ». Autrement dit,
si le prestataire propose une dénomination indisponible au titre du droit des
marques, la prestation n’est pas conforme et sa rémunération n’est pas due.
Le
prestataire ne l’entend pas ainsi et saisit le tribunal compétent pour obtenir
paiement de sa facture.
En défense, la
société C10 considérait que la société HF Conseils avait manqué à son
obligation essentielle d’information concernant la disponibilité du signe
« Millesium », d’autant plus qu’elle ne lui avait pas proposé d’offre
d’une marque alternative.
Cet argument
est rejeté par la Cour qui relève au contraire que le prestataire a satisfait à
la précaution concernant la disponibilité des droits de propriété sur cette
marque en proposant la consultation d’un avocat spécialiste.
La société
C10 avançait également que la société de communication a tenté d’obtenir un
avantage sans contrepartie au regard de la valeur du service en lui facturant
des services non réalisés.
Argument tout
aussi inefficace, la Cour considérant qu’il procède d’une confusion entre la
volonté de C10 de rompre le contrat et l’appréciation du déséquilibre objectif
des obligations réciproques des parties.
La Cour
confirme alors le jugement en ce qu’il a condamné la société C10 au paiement.
Observations :
Ces deux décisions, relatives à la création d’un logo et à la proposition d’une
image de marque nouvelle, rappellent la nécessité pour les bénéficiaires de ces
prestations de bien identifier et traiter dans leurs relations avec les
prestataires intervenant sur ces sujets (agences de communication et de
conseil) les points essentiels suivants : attentes et besoins (cahier des
charges) ; valorisation et protection de ces créations au titre du droit
des marques ; cession des droits d’auteur afférents aux prestations
réalisées. Ce faisant, la conclusion d’un contrat avec le prestataire
sélectionné est indispensable.
« PETALE DE
ROSE » : contrefaçon et concurrence déloyale :
CA Lyon, 16
septembre 2021, n° 17/05280 :
Un exploitant
viticole en Provence revendique la titularité de plusieurs marques, dont « PETALE
DE ROSE ». Ce dernier découvre que la société Domaine de Rotisson,
producteur de vins d’appellations Bourgogne et Beaujolais, utilise la
dénomination « pétale de rose » pour désigner un vin rosé de
Bourgogne et saisit le tribunal compétent pour contrefaçon et concurrence
déloyale.
Concernant
les actes de contrefaçon, la société Domaine de Rotisson soutient en défense
que l’expression « pétale de rose » figurant sur les étiquettes
transpose simplement une caractéristique du produit, en référence à la couleur
rose du vin AOC de Bourgogne. De même, aucun risque de confusion n’est démontré
dès lors qu’il existe des différences de cépages, des noms de propriétés, des
appellations ainsi que des régions de production.
Ces arguments
sont rejetés par la Cour d’appel. Cette dernière retient en effet, d’une part,
qu’il y a bien identité de produits car les vins de la classe 33 sont désignés
de façon générale à l’enregistrement de la marque, laquelle comprend les vins
de Bourgogne.
La Cour
relève, d’autre part, que la désignation inscrite sur les étiquettes des
bouteilles, sur les plaquettes papier ou numériques à visée descriptive ou
publicitaire, sur les bons de commandes ou factures, est identique à la marque
antérieure déposée.
Or, pour
cette dernière, l’expression PETALE DE ROSE n’a pas vocation à renseigner sur
les caractéristiques du produit, en particulier sa couleur, dès lors qu’il
ressort de la plaquette de présentation qu’elle sert à nommer une cuvée d’un
vin de BOURGOGNE GRAND ORDINAIRE. Cette expression ne se réfère pas davantage à
la chromamétrie comme l’avançait la société Domaine de Rotisson.
Ainsi, « si
la couleur du vin rosé peut être un critère déterminant dans le choix du
consommateur, cela ne fait pas obstacle à la protection d’un qualificatif au
titre du droit des marques ».
En l’espèce,
l’expression était utilisée à titre de marque par la société Domaine de
Rotisson au titre de la liste des tarifs pratiqués, des factures et de la
plaquette commerciale. La contrefaçon de la marque « PETALE DE ROSE »
est alors avérée.
Et la Cour de
condamner le contrefacteur à régler les sommes de 10.000€ correspondant à
l’atteinte portée au caractère distinctif de la marque et de 5.000€ s’agissant
des bénéfices réalisés par le contrefacteur.
Au titre de
la concurrence déloyale, le titulaire de la marque considérait d’abord
que les étiquettes de la société Domaine de Rotisson n’ont aucune originalité
et sont déclinées sur un seul et même modèle, quel que soit le vin désigné. Ce
faisant, il s’agissait d’actes de parasitisme. est, selon elle, manifeste car
l’expression est positionnée, en italique, au centre de l’étiquette.
Ce dernier
soutenait ensuite que ce comportement caractérisait une pratique commerciale
trompeuse dès lors qu’il créait un risque de confusion avec sa marque
PETALE DE ROSE.
La Cour fait
droit à toutes ses demandes. Cette dernière relève à cet effet que :
l’expression litigieuse a été utilisée pour désigner du vin rosé alors même que
les autres cuvées portent le nom de ses parcelles ; cette expression a été
apposée au centre de l’étiquette, pouvant ainsi créer dans l’esprit du
consommateur normalement informé et raisonnablement attentif une confusion avec
le rosé de Provence ; le vin rosé litigieux a été commercialisé sur tout
le territoire français, sous une enseigne de grande distribution, au prix de
2,95€ la bouteille, alors qu’à la même période l’exploitante de Provence
vendait son vin rosé au prix de 13,40€ la bouteille.
Il s’agissait
donc d’une pratique commerciale trompeuse ayant permis à la société Domaine de
Rotisson de profiter des investissements et du travail de l’exploitante de
Provence, mais également d’un prix inférieur et d’un circuit de grande
distribution, ce qui constitue un acte de concurrence déloyale.
Et la Cour de
condamner la société Domaine de Rotisson à régler la somme de 10.000€ au titre
du préjudice tenant dans la dévalorisation de la réputation du vin produit et
commercialisé.·
Égrappoir et contrefaçon de
brevet
CA Paris, 1er octobre 2021, n°
19/0913 :
Une société
spécialisée dans le domaine des outils et machines destinés notamment au marché
viticole est titulaire d’un brevet européen concernant un
« égrappoir » (machine permettant de réaliser l’éraflage des raisins
après la vendange).
L’une de ses
concurrentes (et sa filiale) commercialisent également des machines à
vendanger, dont certaines intègrent une technologie d’égrappoir présentée comme
spécifique.
La première
société ainsi que ses distributeurs estiment que cette technologie contrefait son
brevet. Ils saisissent le Tribunal de grande instance de Paris pour obtenir
réparation du préjudice subi.
Devant la
Cour d’appel, les défendeurs soulevaient, tout d’abord, la nullité du brevet
pour insuffisance de description et défaut d’activité inventive.
La Cour ne
les suit pas. D’une part, elle retient que la description était suffisante car
l’homme du métier pouvait adapter les données pour parvenir au résultat. D’autre
part, elle constate que les antériorités dénoncées par les défendeurs ne
répondaient pas au même problème technique que le brevet concerné. La Cour
conclut ainsi à la validité du brevet.
Les
défendeurs soutenaient également la nullité des procès-verbaux de
saisie-contrefaçon. Pour ce faire, ils reprochaient à l’huissier
instrumentaire d’avoir omis de distinguer entre ses propres constatations et
celles des conseils en propriété industrielle présents lors des opérations de
saisie.
La Cour, se
fondant sur le vocabulaire employé (« Je procède à… », « Je
mesure… ») qui ne présentait pas une technicité particulière, rejette
cet argument.
De même, le
procès-verbal était contesté au motif que l’huissier retranscrivait les
réponses du responsable de leur bureau d’étude, présent lors des opérations,
sans jamais faire apparaître les sollicitations de l’huissier ou des
techniciens. La Cour relève toutefois que ses interventions avaient trait à la
description de la machine et apportaient des précisions techniques à l’huissier.
Là aussi, la
Cour considère que les sollicitations adressées par l’huissier et les
précisions apportées spontanément par lui lors de ses propres constatations
étaient bien distinguées.
La Cour
écarte ainsi la demande de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon.
Enfin, et
classiquement, les défendeurs faisaient valoir que leur dispositif reprenait la
solution d’un brevet américain, alors tombé dans le domaine public, et ne
constituait pas une contrefaçon. Sur ce terrain, ces dernières réussirent à
emporter la conviction des juges.
La Cour
constate en effet que le dispositif litigieux ne constituait pas une reproduction
littérale de l’une des caractéristiques présentées comme essentielle dans
le brevet car sa disposition était différente.
De même, il
ne s’agit pas d’une contrefaçon par équivalent dès lors que le moyen
critiqué dans le dispositif litigieux ne produit pas le même effet technique
que le moyen revendiqué dans le brevet. La contrefaçon par équivalent du brevet
n’est donc pas davantage caractérisée.
Et la Cour de
rejeter l’ensemble des demandes de la société qui se pensait victime de
contrefaçon, tout en la condamnant à 60.000€ au titre de l’article 700 !