1. PUBLICITÉ La loi Evin à l’Abbaye de Grimbergen : une bénédiction pour l’imagination des publicitaires ! (CA Paris, 13 décembre 2018, n°RG 17/03352, KRONENBOURG/ANPAA). La publicité pour l’alcool, et donc pour les vins, est strictement encadrée par la Loi Evin. Ces dispositions ont été, pendant très longtemps, interprétées par les juridictions de façon rigoriste ; interprétation qui excluait toute réelle «publicité» licite. Les décisions récentes, dont celle sous commentaire, marquent néanmoins un tournant favorable à l’imagination des publicitaires, et donc aux acteurs du secteur viticole qui connaissent les textes et savent les interpréter. Des films publicitaires et jeu sous format vidéo, accessibles sur le site internet de Kronenbourg et consacrés à la bière Grimberger, étaient ici critiqués. En première instance, les arguments de l’ANPAA sont reçus et chacune de ces publicités est jugée illicite. Devant la Cour d’Appel, l’Association de prévention en alcoologie maintenait donc que « la loi Evin encadre strictement la publicité, en autorisant une publicité neutre, strictement informative, excluant tout amalgame valorisant l’alcool, notamment par association à d’autres activités, le principe étant que tout ce qui n’est pas autorisé est interdit ». La Cour d’Appel de Paris s’écarte d’une telle interprétation et précise tout d’abord que la publicité ne saurait être en soi interdite « au seul motif qu’elle serait attractive ou qu’elle inciterait à l’achat ou à la consommation de boissons alcoolisées ». Ensuite, la Cour opère une distinction entre d’un côté les « les mentions purement objectives » à savoir « la couleur, les caractéristiques olfactives et gustatives du produit » qui ne permettraient donc aucune référence subjective, fruit de l’imagination des publicitaires. Et de l’autre «l’origine, la dénomination ou la composition du produit », indications qui laisseraient «la place à l’imagination des concepteurs des messages publicitaires ». Cette interprétation libérale de la Cour d’Appel, visant à laisser une marge de manœuvre aux publicitaires, s’inscrit dans un mouvement assez récent consacré aussi bien par la Chambre Criminelle (Publicité Whisky Jameson, part de fiction acceptable) que par la Chambre Civile de la Cour de Cassation (Aff. CIVB, impression de plaisir inhérente à toute publicité). En revanche, cette solution fondée sur la distinction qu’il conviendrait d’opérer entre « références purement objectives » et autres éléments de communication, nous semble nouvelle. Cette dernière pourrait s’expliquer par le texte lui-même qui qualifie les seules « couleur, caractéristiques olfactives et gustatives du produit » de « références objectives » (nous soulignons), là où les autres éléments de communication sont des « références », des « indications » sans autre précision (alinéas 1 et 2 de l’art. L3323-4 du CSP). Cette solution (et donc cette distinction) pourrait néanmoins être discutée dès lors que l’imagination du publicitaire doit pouvoir s’intéresser aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit, les limites tenant, outre les seules indications et références autorisées, à l’incitation à la consommation excessive d’alcool et, pour les publicités accessibles en ligne : leur ciblage d’un jeune public et leur caractère intrusif ou interstitiel, devrait être la préoccupation exclusive de l’analyse. En tout état de cause, forte de ce postulat, la Cour analyse chacune des publicités Grimbergen. Concernant tout d’abord le film «La légende du phoenix», l’ANPAA considérait que la référence au phœnix, à ses vertus supposées («régénération mythique, forces infinies, renaissance matérielle et spirituelle, renaître toujours plus fort, pouvait vaincre le temps, protégeait ainsi les hommes à chaque étape de leur vie »), dépassait les limites fixées par la loi. La Cour d’Appel rejette cet argument, considérant que les références précitées sont tronquées, et relève au contraire que le film fait un parallèle entre l’histoire de l’Abbaye Grimberger, détruite à plusieurs reprises notamment par un incendie puis reconstruite, et celle du phœnix qui est devenu son emblème. Ce faisant «Kronenbourg communique,… sur l’origine de ses produits, au travers de l’abbaye de Grimbergen dont la devise et l’emblème, le phœnix, sont des éléments distinctifs de sa marque figurant sur son produit». Les liens historiques et actuels entre l’Abbaye et la bière étaient en effet démontrés par Kronenbourg, cette dernière renvoyant par ailleurs à sa marque associant l’Abbaye et le phoenix. Le second film «Les territoires d’une légende» est lui aussi validé aux motifs que «l’arrière-plan et des éléments de décors non cités au sein du constat d’huissier (fenêtres, rayonnage de livres, plumes et instruments d’écriture), évoque la bibliothèque d’une abbaye….que l’abbaye représentée de manière stylisée dans ce film (sur la carte des territoires puis dans les derniers plans) est, sans contestation possible, celle de l’abbaye Grimbergen». La promotion de la bière Grimberger était enfin réalisée via un jeu sous format vidéo, «Le jeu des territoires», qui permettait à l’internaute, en naviguant dans des décors dénommés, «la cascade blanche ; la crête enneigée», et en cliquant notamment sur un verre de bière au milieu d’une cascade, d’accumuler des points «sans autre objectif que d’obtenir le meilleur score». Le jeu est lui aussi jugé licite au motif que «la forme de la communication en ligne n’est pas réglementée au-delà de certaines formes (publicité intrusive ou interstitielle) et dès lors, il ne peut être fait grief à la société Kronenbourg du caractère ludique de cette communication qui permet seulement au consommateur d’accumuler des points, sans d’autre objectif d’obtenir un ou le meilleur score». L’absence de gain participe en l’espèce de la licéité du jeu, et ce outre «l’absence de démonstration de référence subjective aux couleurs ou aux caractéristiques gustatives ou olfactives du produit». Ce faisant, pour la Cour, aucune incitation à une consommation excessive d’alcool n’était caractérisée. L’imagination des publicitaires peut donc opérer. Mais cette liberté créatrice doit être en lien direct avec le produit, ses origines, son histoire et ne pas inciter à une consommation excessive d’alcool. Tel n’est pas le cas des publicités qui associent un alcool à une compétition sportive en cours sans se limiter aux indications autorisées par la loi (TGI Paris 22/01/2019, RG 17/01190). 2.MARQUE 2.1 Contrefaçon (CA Aix en Provence, 21 mars 2019, 16/07491). La société Vignobles Alain Jaume titulaire de la marque « Les Valats » pour désigner des boissons alcoolisées assigne la société Les Vignerons de Vacqueyras qui a déposé la marque « Les Pierres du Vallat et La Pierre du Vallat », en contrefaçon et concurrence déloyale. Déboutée de ses demandes en première instance elle a donc interjeté appel. En défense, Les Vignerons de Vacqueyras contrattaquaient et opposaient la forclusion par tolérance. Autrement dit, les Vignobles Alain Jaume seraient irrecevables en leur demande pour avoir toléré pendant cinq ans l’usage de la marque contestée. La Cour d’appel rappelle que le délai court à partir de la date à laquelle le demandeur a eu connaissance, ou aurait dû avoir connaissance, de l’existence de la marque. Selon la Cour, même si le demandeur est un professionnel du négoce de vin exerçant son activité dans un secteur géographique proche de celui des détenteurs de la marque contestée, on ne peut présumer sa connaissance de toutes les marques utilisées par les sociétés concurrentes. De plus, rien ne prouve que les vins commercialisés sous le signe « Pierre du Vallat » jouissaient d’une notoriété ou d’une diffusion telles qu’ils devaient être nécessairement connus de l’appelante. L’argument de la forclusion est donc écarté. En ce qui concerne la contrefaçon, la Cour reconnait que les signes sont visuellement et phonétiquement proches. Cependant leur orthographe et calligraphie diffèrent grandement. De plus, le nom « Valat » désigne un nom propre, nom de lieu ou de domaine alors que le terme « Vallat » désigne un minéral. Il en résulte, pour les magistrats, une absence de risque de confusion entre les deux signes. Sur la concurrence déloyale, la Cour relève qu’il n’existe pas de risque de confusion dès lors que l’attention des consommateurs est attirée par les appellations d’origine figurant sur les étiquettes et que l’impression visuelle de ces dernières est totalement différente. De plus, les Vignobles Alain Jaume ne démontrent pas la renommée du vin « Les Valats ». Ce faisant, il n’est pas justifié que les Vignerons de Vacqueyras ont eu la volonté de se placer dans le sillage et de bénéficier des efforts publicitaires de l’appelante. Enfin, le titulaire de la marque « Les Valats » sollicitait la déchéance des droits sur la marque litigieuse considérant que les Vignerons de Vacqueyras n’avaient pas exploité de façon sérieuse leur marque pendant 5 ans. Pour ce faire, ce dernier démontrait que le défendeur utilisait la dénomination « Pierre du Valat » et non la marque complète « Les Pierres du Vallat et La Pierre du Vallat ». La Cour rejette cet argument. L’usage du signe PIERRE DU VALLAT, et non du signe complet, doit en effet être considéré comme un usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif. Le jugement de première instance est donc confirmé et la société Vignobles Alain Jaume déboutée de ses demandes.Ronan by Clinet / Château l’Eglise Clinet : aucune confusion, pas de déchéance, pas de concurrence déloyale et de parasitisme.(CA Paris, 29 mars 2019, 18/01560) Le groupement foncier agricole (GFA) de l’Eglise de Clinet titulaire de la marque « Château l’Eglise Clinet, Appelation Pomerol Contrôlée » et de la marque semi figurative « Château de l’Eglise Clinet » désignant notamment des «vins d’AOC Pomerol provenant de l’exploitation exactement dénommée Château l’Eglise Clinet » reproche au Groupe Clinet la commercialisation, entre autres, de vins d’AOC Bordeaux sous la marque « Ronan by Clinet ». Il est important de préciser que le Groupe Clinet commercialise aussi des vins d’AOC Pomerol, dont « Château Clinet ». Il l’assigne donc en nullité, déchéance de marques et en concurrence déloyale et parasitaire. Déboutée de ses demandes, il relève appel. Concernant tout d’abord la demande en nullité, le GFA soutient que la marque « Ronan by Clinet » est de nature à tromper le public sur la qualité et la provenance géographique du produit : la marque rappellerait en effet les vins de grande notoriété d’AOP Pomerol Château l’Eglise Clinet et Château Clinet. La Cour rejette cet argument dès lors que la notoriété des vins Château de l’Eglise Clinet et Château Clinet n’est pas avérée. Il en va de même de l’association de ces vins par le consommateur à l’AOP Pomerol. Rien ne démontre en effet cette dernière. De plus, le terme Clinet n’est pas évocateur d’une provenance géographique, et ce d’autant plus que la préposition « by » signifie « par » et sera comprise par le consommateur comme indiquant que le vin est produit par « Clinet » et non pas à Clinet. Il en résulte donc pour la Cour que ces demandes doivent être rejetées. Le GFA demandait aussi la déchéance de la marque litigieuse qui induirait le public en erreur notamment sur la qualité et la provenance géographique des produits dès lors que le Groupe Clinet entretiendrait volontairement une confusion dans ses parutions publicitaires. La Cour relève néanmoins que la communication du Groupe Client rappelle expressément que ce vin est un vin de Bordeaux et de négoce. De plus, le fait que le terme « Clinet » apparaisse en rouge ne fait pas de lui le terme dominant. Cette demande est donc là aussi rejetée.Enfin, concernant la concurrence déloyale, le GFA soutenait que le consommateur moyen préférera acheter du vin Ronan by Clinet pensant qu’il s’agit d’un AOC Pomerol à un prix inférieur. La Cour rejette cet argument : elle constate que les étiquettes mentionnent le terme « Bordeaux » de sorte qu’aucune confusion sur le fait qu’il s’agirait d’un vin AOP Pomerol n’est caractérisée. Le simple fait que le site Vivino présente deux bouteilles de vins « Ronan by Clinet », puis à la suite des bouteilles « Château Clinet » ne suffit en effet pas à caractériser la confusion du consommateur. La mention inexacte « le vin de Bordeaux fait par Château Clinet » figurant sur du vin « Ronan by Clinet » n’est quant à elle pas susceptible de caractériser un risque de confusions au motif qu’elle apparaissait en tout petit caractère et n’était pas de nature à caractériser à elle seule un risque de confusion.Enfin, aucun agissement parasitaire ne peut être caractérisé dès qu’il n’est pas démontré que la notoriété du terme Clinet auprès des experts œnologues est le fruit d’investissements effectué par le GFA et non pas par le Château Clinet. Le GFA est donc débouté de l’ensemble de ses demandes. 2.2 Opposition SUMMER LOVE / SUMMERTIME (OPP 18-4140, 26 mars 2019) Le titulaire de la marque SUMMERTIME enregistrée pour du vin s’oppose à l’enregistrement de la marque SUMMER LOVE pour des vins et vins mousseux. Pour le Directeur de l’INPI le signe contesté SUMMER LOVE peut être adopté.En effet, visuellement et phonétiquement, les signes en cause se distinguent par leur structure (deux éléments pour le signe contesté, un pour la marque antérieure) et par leurs termes finaux (respectivement LOVE et TIME). De plus, intellectuellement, les signes ne présentent pas la même évocation (amour d’été et la saison d’été en elle-même). Par ailleurs, le terme SUMMER ne peut pas être considéré comme étant l’élément dominant ou distinctif dans le signe SUMMER LOVE même s’il est en position d’attaque, le terme LOVE apparaissant tout aussi essentiel. Enfin, le fait que les deux marques soient en anglais n’aboutit pas nécessairement à favoriser un rapprochement entre celles-ci dès lors qu’elles sont composées de termes facilement traduisibles par le public français et à l’évocation distincte. Il n’existe donc pas de risque de confusion entre les deux marques.Un Bonaparte peut en cacher un autre (CA Aix en Provence, 4 avril 2019, 18/15533 et 18/15536) La société Château Prince Pierre Napoléon a déposé les marques « CHATEAU PRINCE PIERRE NAPOLEON BONAPARTE » et « PRINCE PIERRE NAPOLEON BONAPARTE ». La société CH. & A. Prieur a formé opposition invoquant l’existence de sa marque NAPOLEON. Le Directeur de l’INPI a reconnu cette opposition partiellement justifiée. La société Château Prince Pierre Napoléon a donc formé un recours contre cette décision. Elle ne conteste pas la similitude entre les produits (vins) mais conteste tout risque de confusion. Cette dernière rejette tout risque de confusion dès lors que les signes diffèrent visuellement, phonétiquement mais aussi conceptuellement, ne faisant pas référence aux mêmes personnages. Elle relève le caractère peu distinctif du nom Napoléon, ce dernier étant inclus dans plus d’une cinquantaine de marques désignant des produits en classe 33. Ces arguments sont retenus par la Cour aux motifs suivants. Phonétiquement et visuellement les signes sont différents : un signe est composé de cinq termes, l’autre d’un seul. Plus important, conceptuellement le signe « Napoléon » de la marque antérieure évoque pour le consommateur d'attention moyenne le personnage de l'empereur Napoléon 1er, ou plus subsidiairement celui de Napoléon III. Au contraire, « les termes 'prince Pierre' ne peuvent manifestement pas évoquer le personnage de l'empereur Napoléon 1er ou de l'empereur Napoléon III pour un consommateur d'attention moyenne, fut-il peu féru d'histoire de France ; ce consommateur ne peut en effet penser que ces personnages célèbres portaient par ailleurs le titre de prince ou se prénommaient Pierre et ce consommateur n'est pas amené à faire une confusion entre les termes ». ECHO D'ANGELUS / ECHO DE LYNCH BAGES OPP 18-4104, 28 mars 2019) Le titulaire de la marque ECHO DE LYNCH BAGES enregistrée pour des vins s’oppose à l’enregistrement de la marque « ECHO D’ANGELUS » pour des boissons alcoolisées (à l'exception des bières), cidres, digestifs (alcools et liqueurs); vins, spiritueux, extraits ou essences alcooliques. Les produits sont identiques. S’agissant de la comparaison des signes, ces derniers se distinguent par leur longueur (trois éléments et douze lettres pour le signe contesté / quatre éléments et seize lettres pour la marque antérieure), et leurs derniers éléments verbaux. Phonétiquement aussi, les signes se différencient nettement de par leurs sonorités finales.Par ailleurs, si les deux signes font pareillement référence à la notion de réflexion du son par la présence du terme ECHO, il n’en demeure pas moins que le terme ANGELUS confère au signe contesté une évocation religieuse, évocation absente de la marque antérieure. Certes, le terme ECHO apparait distinctif au regard des produits en cause mais les autres éléments verbaux ANGELUS et LYNCH BAGES sont tout aussi arbitraires. Il en résulte que terme ECHO n’est pas dominant, et ce d’autant plus qu’il est présenté dans la même calligraphie et sur une même ligne que les autres éléments verbaux. En conclusion, il n’existe pas de risque de confusion entre les deux marques.PIRATIX / PIRAT (OPP 18-3857, 10 janvier 2019) La marque antérieure « PYRAT » porte sur des boissons alcoolisées, à l’exception des bières et les vins (classe 33). La demande de marque contestée « PIRATIX » vise quant à elle, suite à un retrait partiel de la demande d’enregistrement, sur des bières (classe 32). La Directeur de l’INPI considère que ces produits sont similaires. Il rappelle que la classification internationale des produits et services n’a qu'une valeur administrative sans portée juridique et est sans incidence sur l'appréciation de la similarité des produits en cause. Les produits sont donc jugés similaires. S’agissant de la comparaison des signes, les dénominations sont de longueur comparable (sept lettres pour le signe contesté, cinq lettres pour la marque antérieure) et possèdent quatre lettres placées dans le même ordre et selon le même rang, à savoir P, R, A et T, qui forment ainsi une séquence d’attaque visuellement proche et phonétiquement identique PIRAT/PYRAT. Les deux signes restent dominés par la même séquence de lettres et de sonorités d’attaque. En conclusion, il en résulte un risque de confusion entre les deux marques pour le consommateur.3. FORMATION ET EXECUTION DES CONTRATS Contamination du vin : imputabilité des désordres (CA Dijon, 2 avril 2019, 17/00957). Un domaine viticole a fait appel à un prestataire pour qu’il procède à la filtration, au dégazage et à l’électrodialyse de l’ensemble de ses vins avant mise en bouteille. Ce dernier fait intervenir une société chargée de procéder au traitement de la machine réalisant l’électrodialyse à partir d’acide nitrique et de lessive de soude. Le lendemain du traitement, il est constaté que les vins présentaient un désordre de type « moisi goût de bouchon ». A l’occasion du contentieux auxquels étaient présents le client ainsi que chacun des intervenants, une expertise a conclu à la contamination des vins par des molécules provenant de l’acide nitrique et de la lessive de soude. En première instance, le tribunal retient la responsabilité du fabricant de l’acide nitrique et de la lessive de soude. En appel, la Cour vient d’abord confirmer que l’origine des désordres se trouve bien dans les lots d’acide nitrique et de soude livrés au prestataire principal. La responsabilité du fait des produits défectueux est toutefois écartée dès lors que la pollution des vins n’est pas de nature à nuire à la santé des consommateurs. Autrement dit, il s’agit d’un produit qui n’est pas anormalement dangereux. Le prestataire principal soutenait que le fabricant de la lessive de soude et de l’acide nitrique devait également voir sa responsabilité délictuelle engagée pour avoir livré un produit non conforme, ce manquement contractuel lui ayant causé un dommage. Argument écarté aux motifs que les produits livrés correspondaient à la commande ; celle-ci n’était pas accompagnée de spécification particulière quant à la qualité des produits et à leur destination. Il en va enfin de même de la responsabilité contractuelle du vendeur de l’acide engagée par le prestataire principal. La Cour considère en effet que ce dernier a livré des produits conformes à la commande (produits de qualité standard, sans cahier des charges ni sans aucune spécification particulière, notamment en matière d’impureté). Aucune différence du produit livré avec les caractéristiques convenues n’est donc avérée. Il est intéressant de relever que le manquement à l’obligation de conseil du vendeur n’a pas été soulevé, ce qui aurait permis, selon la Cour, d’obtenir une indemnisation au titre d’une perte de chance de ne pas contracter. La Cour infirme donc le jugement sauf en ce qu’il avait mis hors de cause le vendeur. Attaque de mildiou : responsabilité limitée du réparateur de machines agricoles pourtant soumis à une obligation de résultat.(CA Reims, 12 mars 2019, 18/00950) En 2016, la SCEV Billon a subi une importante perte de récolte sur ses vignes suite à une attaque de mildiou. Elle reproche au prestataire en charge de la réparation des machines agricoles d’avoir échoué à réparer correctement le pulvérisateur qu’elle avait utilisé pour traiter ses vignes et sollicite des dommages et intérêts en réparation de ses préjudices. Ses demandes sont rejetées en première instance. En appel, le producteur se fondait sur un PV de constat réalisé par un huissier de justice démontrant que les vignes avoisinant les siennes ont du raisin en quantité normale contrairement aux siennes. Cette preuve démontrait selon lui les défaillances du traitement sur ses vignes. Cependant, la Cour considère que ce rapport doit être lu à la lumière de deux rapports émis par des experts viticoles selon lesquels il est impossible d’établir un lien de causalité entre les problèmes de pression du pulvérisateur et le développement anormal du mildiou. En conséquence, alors même que pour la Cour d’appel tout réparateur de machine qui procède à une réparation assume une obligation de résultat qui emporte présomption de responsabilité des pannes survenues après son intervention, sa responsabilité, en l’absence de lieu de causalité démontré entre la faute et le préjudice, n’est pas retenue. La Cour rejette néanmoins les demandes en paiement du réparateur, ce dernier n’ayant pas respecté son obligation de résultat.Attaque de mildiou : obligation contractuelle de vigilance du viticulteur, absence de responsabilité du prestataire chargé des traitements.(CA Reims, 22 janvier 2019, 18/00221) Une viticultrice a conclu un contrat portant sur des travaux de traitement phytosanitaire des vignes. Cette dernière devait informer immédiatement la société prestataire de tout départ de maladie, et surveiller les traitements. Le contrat stipulait par ailleurs une clause limitative et exonératoire de responsabilité dès lors que le client renonçait à tout recours tant contre le prestataire que son assureur. Afin de contourner cette clause, la viticultrice se fondait sur une faute lourde du prestataire : ayant fait le nécessaire pour le prévenir lorsque le premier traitement devait être effectué, il ne pouvait ignorer qu’il aurait dû faire le « nécessaire pour éviter le pire par la suite ». Pour la Cour, la viticultrice échoue à démontrer l'existence de cette faute lourde. En effet, le fait qu’un premier traitement ait été appliqué ne dispense pas la viticultrice de son obligation d’information. Il lui appartenait donc d'être particulièrement vigilante pour avertir son prestataire de toute reprise de foyer de mildiou ou d'oïdium, et ce d'autant plus que l'année 2012 avait été signalée par les professionnels du vin comme étant une année à fort risque en raison des importants phénomènes pluvieux qui s'y étaient déroulés. Le prestataire était soumis à une obligation de moyen conditionnée à la vigilance de la viticultrice.La décision de première instance est donc confirmée en ce qu’elle avait débouté la viticultrice. 4. AGENT COMMERCIAL Non-respect de l’exclusivité de l’agent commercial : imputabilité de la rupture au mandant (CA Dijon, 28 mars 2019, 17/00562) La SCA Les vignerons d’Igé a conclu un contrat d’agent commercial portant sur la commercialisation des vins, vrac et BIB auprès des clients CHR situés un secteur géographique déterminé. Par la suite, cet agent reprend le contrat d’agent de son père qui lui a été cédé. Après six ans de relation, l’agent commercial notifie sa décision de résilier le contrat aux torts de son mandant et l’assigne en paiement de l’indemnité compensatrice et au titre de commissions impayées. Ces demandes sont rejetées en première instance, il relève donc appel. Il invoquait tout d’abord une modification unilatérale du contrat par la mandante, à savoir la suppression de gratuités ce qui lui aurait fait perdre des clients. Cependant, l’agent n’apportant pas la preuve d’une pratique commerciale l’autorisant à consentir ces gratuités aux clients au-delà du pourcentage prévu par le contrat, ce grief est donc écarté par la Cour. L’agent se fondait par ailleurs sur le non-respect par le producteur de la clause d’exclusivité. Ce dernier avait en effet procédé à des ventes directes auprès d’un café situé dans la zone d’exclusivité de l’agent commercial de 2009 à 2014 et à un prix inférieur à celui prévu et transmis aux agents commerciaux. La SCA objectait que le café était venu à la cave pendant une journée porte-ouvertes et que la vente s’était produite sans aucun démarchage de sa part. La Cour relève néanmoins que sur les 9 factures émises, une seule porte la mention « portes ouvertes 2008» et en conclut que la mandante pratiquait des ventes directes régulières et à des tarifs préférentiels à ceux pratiqués par les agents commerciaux. Ce qui constitue un manquement réitéré à son engagement contractuel d’exclusivité. Il sera rappelé que même si chacune des ventes avait été justifiée par ces journées portes ouvertes, l’exclusivité contractuelle conférant un monopole absolu à l’agent, sauf dispositions contraires prévues au contrat, la faute du mandant aurait été constituée. La rupture du contrat lui est donc imputable et le producteur est condamné en appel à lui verser une indemnité compensatrice de 37 602 euros et à procéder au paiement des commissions dues au titre des ventes conclues avec le bar. 5. RUPTURE BRUTALE DES RELATIONS COMMERCIALES Prestation de logistique et de stockage : 9 ans de relation, 6 mois de préavis.CA Paris, 21 mars 2019, 16/23583. Un prestataire de stockage et logistique a repris un contrat de prestation de service conclu avec une société spécialisée dans l’achat et la distribution de vins. Par la suite, le négociant informe le prestataire de son souhait, en raison de difficultés financières, de se doter d’un outil de stockage propre dans lequel serait intégré un prestataire logistique. Ce dernier se voit ainsi notifier de la délocalisation des stocks et de la fin de l’activité de stockage des produits finis et de l’activité de logistique afférente, et ce avec un préavis de 6 mois. Le prestataire assigne son client pour rupture brutale des relations commerciales. Le tribunal de commerce de Bordeaux a jugé la rupture brutale mais l’a débouté de ses demandes de dommages et intérêt, faute de pouvoir en définir le quantum. En appel, la Cour confirme tout d’abord qu’ayant repris et exécuté le contrat de prestations de logistique et de stockage de bouteilles de vins, le prestataire a poursuivi la relation commerciale initialement nouée. La relation était donc ancienne, d’une durée de 9 ans à la date de l’annonce de la rupture. Concernant la rupture des relations, la société de négoce soutenait que le contrat n’avait été résilié que pour la prestation de stockage et qu’en conséquence la rupture n’était pas caractérisée dès lors que la prestation de mise en bouteilles se poursuivait. Au contraire, la Cour relève que l’activité de mise en bouteille n’est pas prévue au contrat et n’a qu’un caractère résiduel. Elle en déduit que la notification de la fin de la prestation de stockage démontre sa volonté de rompre la relation établie dans sa totalité. Enfin, et contrairement à ce que soutenait l’appelant, cette rupture n’était pas imputable au prestataire. Un préavis d’une durée raisonnable devait donc être respecté. La Cour considère à cet effet pour déterminer cette durée : l'ancienneté des relations commerciales entre les parties (9 ans), le volume d'activité du prestataire réalisé avec la société (10 % de son chiffre d'affaires total), l'absence de situation de dépendance économique, la bonne implantation du prestataire dans ce secteur d’activité. Pour en conclure que le préavis de six mois dont il a bénéficié était suffisant pour lui permettre de se réorganiser et de trouver d'autres débouchés, peu important qu'il y soit, ou non, parvenu. Le jugement est donc infirmé, et le prestataire débouté de ses demandes. Absence de rupture brutale en cas de poursuites de négociations (CA Paris, 6 mars 2019, 17/16648). Le 5 novembre 2008, deux producteurs de vins ont confié à une société la commercialisation exclusive de leur production. Après moins de 6 ans de relation, cette dernière est informée par SMS de la volonté des producteurs d’interrompre leur collaboration pour le nouveau millésime. Malgré ce, des négociations se poursuivent. Le distributeur, constatant que ce nouveau millésime est en rayon sans son intervention alors que les discussions sont en cours, assigne alors les producteurs pour rupture abusive et brutale des relations commerciales établies.Compte tenu de la durée de leur relation et de l’exclusivité de distribution, celui-ci soutenait qu’il aurait dû bénéficier d’un préavis d’un an. Il est débouté de ses demandes en première instance et relève donc appel. En appel, le distributeur soutenait que la rupture avait été matérialisée par l’envoi du SMS. Cet argument est rejeté par la Cour d’appel, dès lors que des propositions concrètes pour le nouveau millésime ont été envoyées. Les parties ont en effet poursuivi des négociations pendant 3 mois. Ce d’autant que, selon la Cour, l’échec des négociations peut être imputé au distributeur dès lors qu’il n’a pas répondu à la dernière proposition de convention qui lui a été soumise par les producteurs. La rupture est donc survenue en cours de négociation et à l’initiative de ce dernier. Par ailleurs, le distributeur avançait que l’échec des négociations était imputable aux producteurs qui auraient maintenu des négociations artificielles afin de l’évincer et de collaborer directement avec la société Carrefour. Là aussi, la Cour écarte cet argument, considérant que la vente des vins dans les magasins Carrefour ne prouvait pas que les intimés aient conduit de mauvaise foi des négociations parallèles avec Carrefour. Le distributeur est donc débouté de ses demandes. 6. PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES DANS LE SECTEUR DU VIN Par communiqué du 10 avril 2019, l’Autorité de la Concurrence a indiqué que des opérations de visites et saisie inopinées ont été réalisées par ses services d’instruction auprès d’entreprises suspectées d’avoir mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des vins et spiritueux. L’identité des entreprises et des pratiques visées n’ont pas, à ce stade, été communiquées.7. RAPPORT D'ACTIVITES 2018 DE LA DGCCRF Le 25 mars 2019, la DGCCRF a publié son rapport d’activité 2018. Concernant le contrôle de la commercialisation du vin, elle précise que les contrôles portent principalement sur la recherche de francisation de vins importés. Quinze négociants ont fait l’objet de procès-verbaux concernant des faits de tromperie, de pratique commerciale trompeuse ou usurpation. Concernant la vente en grande distribution, la fraude a principalement concernée la présentation des vins.8. ARRETES Arrêté du 7 mars 2019 relatif à l'extension de l'avenant n° 6 à l'accord interprofessionnel triennal 2017-2018-2019 conclu dans le cadre du Comité national du pineau des Charentes et portant fixation des cotisations interprofessionnelles pour l'année 2019. (J.O. du 16-03-2019) Arrêté du 28 février 2019 relatif à la mise en œuvre du dispositif d'autorisations de plantation en matière de gestion du potentiel de production viticole - Campagne 2019. (J.O. du 01-03-2019) Arrêté du 5 février 2019 portant dispositions exceptionnelles pour le vin revendiqué en appellation d'origine contrôlée « Chiroubles ». (J.O. du 13-02-2019) Arrêté du 5 février 2019 portant dispositions exceptionnelles pour le vin revendiqué en appellation d'origine contrôlée « Crémant du Jura ». (J.O. du 13-02-2019) Arrêté du 5 février 2019 portant dispositions exceptionnelles pour le vin revendiqué en appellation d'origine contrôlée « Fleurie ». (J.O. du 13-02-2019) Arrêté du 5 février 2019 portant dispositions exceptionnelles pour le vin revendiqué en appellation d'origine contrôlée « Moulin-à-Vent ». (J.O. du 13-02-2019) Arrêté du 4 février 2019 portant dispositions exceptionnelles pour le vin revendiqué en appellation d'origine contrôlée « Monbazillac ». (J.O. du 12-02-2019) Arrêté du 4 février 2019 portant dispositions exceptionnelles pour le vin revendiqué en appellation d'origine contrôlée « Côtes de Provence ». (J.O. du 12-02-2019) Arrêté du 5 février 2019 portant dispositions exceptionnelles pour le vin revendiqué en appellation d'origine contrôlée « Pécharmant ». (J.O. du 12-02-2019) Arrêté du 5 février 2019 modifiant le décret n° 2010-1441 du 22 novembre 2010 relatif à l'appellation d'origine contrôlée « Champagne ». (J.O. du 10-02-2019) Arrêté du 5 février 2019 portant dispositions exceptionnelles pour le vin revendiqué en appellation d'origine contrôlée « Cérons ». (J.O. du 09-02-2019) Arrêté du 15 janvier 2019 relatif à l'acidification pour la récolte 2018 des raisins frais, du moût de raisins et du vin destinés à l'élaboration de certains vins de la zone viticole B. (J.O. du 29-01-2019) Arrêté du 3 décembre 2018 modifiant l'arrêté du 7 juillet 2015 établissant la liste des variétés classées de vigne à raisins de cuve. (J.O. du 08-12-2018) 9. REGLEMENTS Règlement délégué (UE) 2019/33 de la Commission du 17 octobre 2018 complétant le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les demandes de protection des appellations d'origine, des indications géographiques et des mentions traditionnelles dans le secteur vitivinicole, la procédure d'opposition, les restrictions d'utilisation, les modifications du cahier des charges, l'annulation de la protection, l'étiquetage et la présentation. (J.O.U.E. du 11-01-2019) Règlement d'exécution (UE) 2019/34 de la Commission du 17 octobre 2018 portant modalités d'application du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les demandes de protection des appellations d'origine, des indications géographiques et des mentions traditionnelles dans le secteur vitivinicole, la procédure d'opposition, les modifications du cahier des charges, le registre des dénominations protégées, l'annulation de la protection et l'utilisation des symboles, et du règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne un système de contrôle approprié. (J.O.U.E. du 11-01-2019).