Un intermédiaire conclut un contrat de partenariat au titre duquel il avait pour mission de rechercher des acquéreurs souhaitant investir dans des résidences immobilières. Il devait être commissionné après signature des actes de vente authentiques devant notaire et réception des fonds. Une clause écartant toute indemnité de fin de contrat était prévue à l’acte. Considérant que les contrats de réservation transmis à son partenaire n’avaient pas été transformés en vente du fait de ce dernier (absence de garantie d’achèvement), il prend acte de la rupture du contrat et saisit le tribunal compétent. Afin d’écarter les clauses précitées, celui-ci se fonde sur le statut d’agent commercial. Les commissions lui étaient donc dues au sens de l’article L 134-10 du Code du Commerce dès lors que l’inexécution des contrats de vente était due à des circonstances imputables au mandant. Cette absence de règlement des commissions caractérise par ailleurs une rupture imputable au mandant nécessitant le règlement de l’indemnité, peu important que l’agent ait pris l’initiative de la rupture (combinaison des art. L 134-12 et L 134-13). C’est sur le terrain de l’application du statut d’agent commercial que le mandant va principalement se défendre en appel. L’agent faisant valoir tout d’abord qu’il était inscrit au registre spécifique des agents commerciaux. Argument dont on sait qu’il importe peu dans la qualification dès lors qu’il s’agit d’une simple mesure de police qui présente surtout l’intérêt d’établir une présomption de non-salariat (C. trav., art. L.8221-6). Classiquement la Cour l’écarte donc. Plus intéressante est l’articulation que proposait l’agent entre la loi Hoguet en matière d’agence immobilière (n°70-19 du 2/01/1970) et le statut spécifique relatif aux agents commerciaux. L’agent rappelait en effet que ces dispositions s’appliquent à toute personne « habilitée par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s'entremettre ou s'engager pour le compte de ce dernier » (combinaison des alinéas 1 et 2 de l’art. 4). Ce faisant, il lui suffisait de justifier de son entremise ou de sa négociation sans avoir besoin de démontrer un pouvoir de conclure un contrat au nom du mandant. Argumentation qui permettait donc à l’agent de s’extraire de la définition de l’agent, au sens de l’article L 134-1 du Code du Commerce, et des conditions relatives au pouvoir « de négocier et, éventuellement de conclure des contrats ». Autrement dit la conclusion du contrat n’était pas, au regard de la combinaison de ces textes, une condition d’application du statut. La Cour d’Appel ne l’entend pas ainsi et rejette l’ensemble des demandes de l’agent au motif qu’il ne bénéficiait « d'aucune délégation de signature lui permettant de représenter celle-ci, dont il n'était donc pas le mandataire, ni, par conséquent, l'agent commercial. ». Quant à l’articulation avec l’article 4 de la loi Hoguet, il est précisé que cette disposition « ne vise que l'entremise pour le compte d'autrui, le renvoi fait ensuite, spécialement pour les intermédiaires non-salariés, à l'article L.134-1 qui vise quant à lui l'entremise au nom et pour le compte d'autrui, implique que la qualité d'agent commercial immobilier suppose celle de mandataire ». Il est vrai, sur ce dernier point, que l’interprétation de l’articulation loi Hoguet/statut d’agent était discutable. L’alinéa 1, relatif aux missions de cet intermédiaire immobilier habilité par le titulaire d’une carte professionnelle, concerne en effet les compétences dont ce dernier doit justifier pour exercer son activité. L’alinéa 2 quant à lui renvoie aux dispositions spécifiques aux agents commerciaux ; dispositions qui doivent être appliquées dans leur intégralité aux négociateurs indépendants. D’où la question de l’interprétation à donner aux conditions d’application et au pouvoir « de négocier et, éventuellement conclure ». Sur ce point, la Cour d’Appel adopte une position restrictive du texte et s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel identifié. Certaines décisions considèrent en effet que le pouvoir de conclure conditionne la qualification d’agent commercial (CA Paris 20/03/2014 n°12/05796 ; CA Paris 4/06/2018 n°16/12507 – LD juillet/août 2018 – S. Brena ; CA Besançon 18/06/2019 n°18/00438). Condition qui peut être interprétée de façon souple (Concurrence – Distribution Recueil Dalloz 2019 page 783, N. Ferrier) notamment lorsque le mandant conserve une faculté de dédit lui permettant de remettre en cause le contrat conclu en son nom par l’agent (CA Paris 15/03/2018, LD – S. Brena). Notons que d’autres décisions, tout aussi récentes, semblent retenir une solution inverse en appliquant le statut dès lors que le pouvoir de négociation est justifié : « même sans conclure formellement les contrats » (CA Caen 4/11/2004 n°03/01863) ; dès lors que la conclusion du contrat « n’est pas une condition nécessaire de l’application du statut » (CA Paris 13/05/2009 n°07/10887) ; « peu important qu’il eut le pouvoir de conclure le contrat » (CA Lyon 8/04/2011 n°10/00951). Ce flou sur les conditions d’application du statut est notamment lié aux termes (maladroits) de la transposition de la Directive du 18/12/1986 en droit français. Le texte communautaire parait en effet beaucoup plus clair en ce qu’il prévoit qu’est agent celui qui est « chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises pour une autre personne, ci-après dénommée « commettant », soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant » (article 1-2° de la directive du 18/12/1986 n°86/653). L’agent doit ainsi « a) s'employer comme il se doit à la négociation et, le cas échéant, à la conclusion des opérations dont il est chargé ; (…) » (article 3). Au sens de la Directive, il fait donc peu de doute que le statut trouve à s’appliquer dès lors que la seule condition du pouvoir de négociation est justifiée. Cette vision communautaire de l’agent rejoint la pratique. En effet, la plupart des agents ne disposent pas du pouvoir d’engager contractuellement le mandant, les contrats excluant en effet ce pouvoir. L’interprétation restrictive d’une partie de la jurisprudence française reviendrait ainsi à réduire la catégorie des agents commerciaux « à peau de chagrin ». Alors que le Tribunal de Commerce de Paris a saisi récemment la CJUE d’une question préjudicielle concernant la définition du pouvoir de négociation (T.com. Paris 19/12/2018 n°2017015204 ; question transmise à la CJUE le 24/12/2018, affaire pendante C-828/18), la solution rapportée et les décisions précitées pourraient donc aboutir à une même issue concernant l’interprétation à donner à la condition liée au pouvoir de conclure les contrats. Et si le pouvoir de conclure les contrats n’est pas une condition d’application du statut (même dans son éventualité), comme le laisse à penser la Directive, l’agent commercial français n’est pas un mandataire au sens classique (celui qui réalise des actes juridiques au nom et pour le compte du mandant ; articles 1984 et 1100-1 du Code Civil) mais un mandataire qui négocie, s’entremet voire conclut des contrats comme le négociateur immobilier indépendant ... Gageons que la délimitation attendue du pouvoir de négociation pourrait nous permettre d’y voir plus clair… ou pas ! Aymeric LOUVET