L’affaire sous commentaire participe des décisions récentes relatives à la question de la licéité et des incidences de la période d’essai dans les contrats d’agents commerciaux.
Contexte – Un mandant spécialisé dans la commercialisation et la construction de maisons individuelles conclu un premier contrat d’agent commercial avec une EURL. Deux ans et demi après, l’agence met fin au contrat ; son représentant légal est rapidement embauché par le mandant en qualité de responsable salarié d’agence, pour une durée indéterminée. Relation de travail qui cesse au bout de quelques mois et à laquelle succède un nouveau contrat d’agence à durée indéterminée, avec une période d’essai de huit mois. Pendant cette période d’essai le mandant rompt le contrat.
Problème n°1 – Considérant que le contrat d’agent commercial n’avait pas pris effet, le mandant soutenait que l’indemnité de fin de contrat n’était pas due. Thèse fondée sur la priorité donnée par la Cour de cassation à la volonté des parties et aux effets de la période d’essai (Cass.Com 17/07/2001, n°97-17.539) – malgré la résistance des juridictions du second degré (CA Paris 06/09/2012 n°10/16975). Cette thèse est rejetée par la Cour d’appel d’Orléans au motif que les dispositions relatives à l’indemnité des agents commerciaux sont d’ordre public (CA Orléans 17/04/2014, n°13/01829). Malgré ce, la Cour de cassation maintient fermement sa position, casse cet arrêt et donne raison au mandant (Cass.Com 23/06/2015, n°2015-015344). La Cour d’appel de renvoi d’Orléans, autrement composée, est donc saisie. Point important : dans l’intervalle, un revirement de jurisprudence de la Haute Cour a été opérée (Cass. Com. 23/01/2019, n°15-14.212) sous l’influence de la CJUE (CJUE 18/04/2019, aff C-645/16). Solution – Se référant explicitement à ce revirement jurisprudentiel, la Cour rappelle que « la relation contractuelle agent commercial-mandant existe, même lorsque la cession de cette relation intervient au cours de la période d’essai que ce contrat stipule et que le droit à indemnité de l’agent ne peut lui être refusé au seul motif que la cessation du contrat a eu lieu au cours de la période d’essai ». La Cour en conclut donc que le contrat d’agent commercial existe dès sa conclusion « indépendamment de l’existence d’une période d’essai ». Analyse – Cette solution est conforme au revirement opéré par les décisions précitées. Le statut s’appliquant dès la signature du contrat, les effets de cette période d’essai ne doivent donc pas être un obstacle aux dispositions d’ordre public favorables à l’agent. Tel sera donc le cas de la clause qui ne fait pas référence à l’indemnité de fin de contrat ou plus précisément qui n’exclut pas expressément cette dernière. Quid en revanche du préavis ? Rappelons en effet que la durée du préavis contractuel ne saurait être plus courte que la durée légale. Il s’agit d’une disposition est d’ordre public (combinaison des art. L 134-11-3ème alinéa et L134-16 C.com). Considérant qu’une période d’essai ne saurait avoir une durée supérieure à un an (sa durée doit en effet être raisonnable : souvent limitée à 6/8 mois), le préavis devra donc être d’au moins un mois. Les modalités de rupture en principe afférentes à cette période (absence d’indemnité ; préavis très bref notamment) sont donc particulièrement affectées par ces décisions.
Problème n°2 – Cette période d’essai est-elle pour autant en soi illicite. C’est ce que soutenait l’agent. Celui-ci considérait en effet tout d’abord que cette stipulation caractérisait un déséquilibre significatif au sens de l’article L 442-6-I-2° (ancienne version). Il sollicitait ensuite sa nullité pour absence de cause dès lors que les parties avaient déjà collaboré ensemble avant la conclusion de ce second contrat de sorte que les parties se connaissaient déjà. Solution – Pour rejeter ces demandes, la Cour relève que le statut applicable aux agents commerciaux n’interdit pas « aux parties de convenir d’une période d’essai, d’un commun accord ». Ce sont donc les effets de cette clause qui doivent être appréciés. Or, au cas particulier « le contrat ne stipule pas expressément que l’agent commercial est privé de son droit à indemnité en cas de rupture du contrat pendant la période d’essai ». Raison pour laquelle le déséquilibre significatif est écarté. Quant à l’absence de cause, elle est rejetée dès lors que les parties peuvent se « se ménager une période d’essai de quelques mois, avant de pérenniser leurs relations ». Et d’en conclure, ce faisant, que cette clause n’est pas dépourvue de cause. Analyse – La période d’essai en matière d’agence, comme en matière de droit du travail (Art. L1221-20 C.trav.), permet au mandant d’évaluer les compétences de l’agent, notamment au regard de son expérience, et à l’agent d’apprécier et de tester si cette activité lui convient et lui sera profitable. Clause qui n’est pas en soi interdite par ladite directive (CJUE préc.pt 17). Il doit néanmoins s’agir d’une véritable période d’essai justifiée en principe par la nouveauté des relations contractuelles entre agent et mandant (CA Paris 30/04/2003 n°2003-213161), c’est du moins ce que soutenait l’agent. Pour autant, et comme le relève la Cour, des relation antérieures ne sauraient automatiquement exclure la licéité de cette période dans un nouveau contrat. Il en va en effet de la liberté des parties de vouloir prendre en considération notamment l’évolution du marché, des produits, des clients afin de s’assurer de leur intérêt commun à reprendre ou poursuivre une collaboration. Quant au déséquilibre significatif, il avait déjà été écarté pour d’autres contrats de distribution prévoyant cette période d’essai (contrat de courtage : multiplication de périodes d’essai qui si elles mettent le courtier « dans une situation inconfortable, ne caractérise pas pour autant l’existence d’un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties », CA Paris 12/09/2013 n°11/22934 ; contrat de franchise : période probatoire de deux années durant laquelle chacune des deux parties pouvait mettre un terme à cette relation contractuelle en respectant un préavis de 3 mois sans motif ni indemnité d'aucune sorte, Cass.com 21/06/2017, n°16-15.365). Cette clause est donc en soi licite. Mais a-t-elle néanmoins toujours un intérêt alors que les modalités de la rupture sont anesthésiées ? Une réponse négative semble a priori évidente. Néanmoins, d’un point de vue pratique, rien n’est moins sûr. Une telle stipulation, rédigée à la lumière de ces décisions (absence de référence à l’indemnité ; préavis minimum légal), peut conserver un intérêt psychologique (affirmer cette période de test réciproque et l’organiser) voire juridique (par exemple : permettre pendant cette période de dénoncer un contrat à durée déterminée de façon anticipée). La précarité qui caractérise ce temps contractuel dans l’esprit des parties, pourrait en outre être utile lors de la discussion devant le juge du montant de l’indemnité ; indemnité qui doit réparer le seul préjudice subi par l’agent au regard de la durée des relations et du comportement des parties.
Problème n°3– Question de l’indemnisation pour laquelle le mandant soutenait que la durée des relations était limitée aux sept mois de la période d’essai ; période très courte qui devait cantonner le montant de l’indemnité au minimum et exclure « l’usage » des deux années de commissions. Solution – Cet argument ne convainc pas la Cour qui prend en compte la durée du premier contrat d’agent commercial, même interrompu par la relation de travail, dès lors qu’au titre de cette relation subordonnée l’ancien agent continuait à commercialiser les produits du mandant. La durée des relations est ainsi fixée à trois ans et demi et l’indemnité à douze mois de commissions