Une association spécialisée dans l’éducation, l’apprentissage et le soutien aux personnes handicapées a notamment pour activité la fabrication et la commercialisation de fournitures de bureau. Afin d’assurer le développement des ventes, cette dernière conclut avec une société spécialisée un contrat d’agent commercial. C’est la rupture pour faute grave de ce contrat qui intéresse le présent commentaire. Considérant en effet que, malgré de multiples rappels, les salariés et représentants de l’agence commerciale tenaient un discours misérabiliste et agressif et usaient de manoeuvres mensongères afin d’obtenir des commandes, l’association met fin au contrat sans indemnité. En réponse, l’agence commerciale en liquidation judiciaire conteste l’ensemble des griefs et sollicite le règlement de l’indemnité de préavis et de fin de contrat. Pour ce faire, cette dernière conteste les griefs invoqués au sein du courrier de rupture et ceux apparemment découverts postérieurement à la rupture. Concernant les premiers, le mandataire indique en substance qu’il ne saurait être responsable des agissements d’un seul de ses salariés qui, de surcroît, avait quitté la société au jour de la rupture. Argument logiquement écarté par la Cour d’Appel dès lors que l’employeur agent commercial est responsable des agissements fautifs de chacun de ses subordonnés, peu important que ces derniers ne soient plus en fonction à la date de la rupture. L’agence prétend par ailleurs que le grief de méthodes de vente agressives et culpabilisantes traduirait une remarque d’ordre général incompatible avec des faits fautifs précis. La Cour, retenant au contraire que le courrier de rupture faisait expressément référence à la plainte d’un client qualifiant ces méthodes « de contraires à l’éthique de l’association », n’est pas davantage convaincue. La position de l’agence concernant les griefs « postérieurs à la rupture » est plus intéressante. Cette dernière soutenait en effet que seuls les faits antérieurs à la lettre de rupture pouvaient fonder la faute grave. L’exégèse des textes (L 134–13 C.Com; article 18-a Directive du 18/12/1986) semble en effet établir un lien de causalité entre faute grave et résiliation, suggérant ainsi que les faits fautifs doivent être antérieurs à la rupture (N. Mathey, faute grave de l’agent commercial CCC 2, Février 2016, comm.35). La décision Volvo de la CJUE semblait aller en ce sens, même si elle concernait des faits fautifs révélés postérieurement à la rupture mais pendant la durée du préavis (CJUE 28/10/15, C-203/09, Volvo). La jurisprudence antérieure de la Cour de Cassation (Cass., com.15/05/2010 n°0612.282 ; Cass., com. 01/06/2010 n°0914.115), mais aussi postérieure à la décision Volvo, adopte une position autre (contraire ?) : « (l’agent) avait commis une faute grave privative de l'indemnité de cessation de contrat, peu important que la société Fashion (le mandant), qui n'avait découvert ces manquements que postérieurement à la rupture des relations contractuelles, n'en ait pas fait état dans sa lettre de résiliation, dès lors que cette faute avait été commise antérieurement à la rupture » (Cass., com. 24/11/2015, 14-17.747). Solution reprise depuis par d’autres juridictions du second degré (CA Nîmes 03/11/2016 n°15/0331). En l’espèce, la Cour d’Appel de Rouen renvoie expressément à l’arrêt de la Cour de Cassation précité et s’inscrit dans la continuité des décisions françaises. La révélation postérieure d’actes fautifs antérieurs analysée par la Cour est toutefois à nuancer dès lors qu’il est fait référence : à un courriel d’un client confirmant une discussion téléphonique du « même jour et non postérieurement à la rupture » ; à un appel téléphonique postérieur mais dont les éléments « ont été dénoncés antérieurement à la rupture de sorte qu’il ne peut s’agir d’un grief postérieur ». Autrement dit : une révélation qui ne serait pas tout à fait postérieure à la rupture…Cette position française parait en tout état de cause fondée en équité et semble cantonner la décision communautaire à une hypothèse particulière : «au-delà de l'exégèse, il n'en demeure pas moins (en effet) que la faute grave est bien antérieure à la rupture et que la loi admet que l'agent gravement fautif peut être, doit être, privé de son droit à indemnité » (D. Mainguy, JL Respaud, S. Destours - JCPE n°6-07, 9 Février 2017, 1079). En tout état de cause, les mandants n’oublieront pas, dans l’hypothèse où ces griefs révélés postérieurement ne seraient pas retenus au titre de la faute grave, qu’ils pourraient toutefois être utiles pour minimiser l’indemnité. Le comportement dudit agent doit en effet pouvoir être pris en compte dans le cadre de l’analyse visant à déterminer le caractère équitable de son indemnité (CJUE Volvo décision précitée point 44). A.L.