Pratiques (anticoncurrentielles) de recommandations tarifaires par un organisme professionnel viticole : transactions en Languedoc Roussillon
DGCCRF, Communiqué sur les pratiques relevées dans le secteur de la commercialisation des vins du Languedoc (www.economie.gouv.fr)
Face à l’ouverture des marchés agricoles, à la globalisation des échanges, à la volatilité des prix, à l’investissement à long terme pour les producteurs désireux d’obtenir une activité rentable, à la puissance d’achat de la grande distribution (« Etude thématique : agriculture et concurrence » http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/etude_thema_2012.pdf ; Avis Adlc n°11-A-14), la tentation est grande d’organiser par le biais d’un syndicat professionnel viticole (représentant une appellation ou indication d’origine) une réponse collective en termes notamment de quantités de vin à écouler ou de prix minimum de vente. Ce d’autant que le droit de la concurrence tant communautaire qu’interne semble vouloir concilier la nature économique de ces activités agricoles, et donc leur appréhension par le droit commun de la concurrence, avec les objectifs poursuivis par la politique agricole commune, le particularisme de ces marchés mais aussi le rôle spécifique dévolu aux interprofessions agricoles. Ainsi, parmi les exemptions individuelles en droit interne figurent les pratiques qui ont pour effet d’assurer un progrès économique et qui consistent « à organiser, pour les produits agricoles ou d’origine agricole, sous une même marque ou enseigne, les volumes et la qualité de production ainsi que la politique commerciale, y compris en convenant d’un prix de cession commun » que dans la mesure où ces pratiques sont indispensables pour atteindre cet objectif de progrès (art. L. 420-4-I-2 C. com.). Toute pratique concertée au sein d’une interprofession ne saurait toutefois être validée. La communication et la recommandation de prix minimum de vente du vin en vrac par un syndicat de vignerons, voire la communication d’une grille analytique des coûts de production et de commercialisation des vins a, selon l’administration, « pour objet et pour effet d’entraver la liberté des producteurs de vins pour fixer leurs prix de vente ».
Telle est la position adoptée par la DGCCFR pour enjoindre au Comité et au Syndicat des Vins de Savoie de cesser de telles pratiques (Communiqué Décembre 2013) ; position récemment rappelée à certains organismes interprofessionnels et professionnels viticoles du Languedoc-Roussillon et affichée de façon plus générale pour l’ensemble des acteurs du secteur sur son site internet (http://www.economie.gouv.fr/dgccrf/vins-et-spiritueux-respect-des-regles-concurrence). Le communiqué informant des injonctions et transactions acceptées par ces acteurs viticoles renvoie dans les deux cas à l’Avis n°07-D-16 de l’Adlc relatif aux pratiques relevées sur les marchés de la collecte et de la commercialisation des céréales. Il aurait été intéressant de connaître sur ces pratiques l’analyse de l’Autorité voire de la Cour d’appel de Paris. Rappelons en effet que le 15 mai 2014, dans une affaire qui concernait des pratiques relevées sur le marché des endives, la Cour a réformé la décision de l’Adlc sanctionnant des pratiques similaires aux motifs : « qu’aucun élément du dossier ne permet de contredire les explications des requérantes sur la mise en place des pratiques incriminées dans un contexte caractérisé, sinon par une « crise grave et durable… mais à tout le moins de sérieuses et persistantes difficultés procédant de prix à la production dont le bas niveau n’était pas de nature à assurer au profit des producteurs d’endives un « revenu équitable… qu’il résulte de tout ce qui précède que des pratiques de fixation collective de prix minimum dénoncées… ne sont pas indiscutablement établies». Et la Cour d’en conclure : « qu’en l’état des textes et de la jurisprudence communautaire applicables pendant la période visée par la notification des griefs, il n’est pas ainsi indiscutablement démontré que les organisations mises en cause sont sorties des limites des missions légales qui, dans le cadre général de la politique agricole commune, leur sont attribuées par la réglementation OCM ainsi que par les dispositions du droit interne afin d’opérer une gestion adéquate de l’offre des légumes en cause, au moyen, tant d’une régularisation des prix dont, à ce jour, les limites au regard des règles du droit de la concurrence n’apparaissent pas fixées de manières incontestable ».
Aymeric LOUVET