Cette rentrée nous permet de prendre connaissance des devoirs de vacances de la DGCCRF. Devoirs rendus sous forme de Lignes Directrices précisant tout d’abord – dans la perspective des négociations commerciales 2021 – les obligations contractuelles des opérateurs concernant les indicateurs permettant de déterminer les prix (1). Avant de tenter de rendre davantage compréhensible le droit de la concurrence appliqué au secteur agricole et d’éclairer les opérateurs sur les marges de manœuvre dont ils disposent (2).
1.NEGOCIATIONS COMMERCIALES 2021 : PRECISIONS CONCERNANT LES INDICATEURS
(Lignes directrices DGCCRF juillet 2020)
La contractualisation en cascade d’indicateurs relatifs notamment aux coûts de production et aux prix constatés sur les marchés a été présentée comme l’une des innovations de la loi EGALIM.
L’objectif affiché est d’assurer la transparence de l’amont à l’aval (du producteur au distributeur), pour permettre une meilleure répartition de valeur entre opérateurs.
Ces indicateurs ont dû ainsi être pris en compte lors des négociations commerciales 2020 et intégrés au sein des CGV.
Le texte obligeant en effet notamment les CGV à y faire référence - lorsqu’ils existent - et expliciter les conditions dans lesquelles il en est tenu compte pour déterminer le prix.
Nombre d’interrogations demeurent néanmoins quant au périmètre du texte et au contour des notions (floues) utilisées.
Raison pour laquelle la DGCCRF vient de publier, à l’approche des négociations 2021, des Lignes Directrices censées éclairer les opérateurs.
- Comment se caractérise l’existence de ces indicateurs et donc l’obligation de les prendre en compte ?
Pour l’administration, ces indicateurs existent lorsque « les opérateurs peuvent facilement y avoir accès », ce qui est le cas lorsque :
- ils ont été diffusés, notamment par une mise en ligne sur le site internet, par le biais de l’interprofession, de l’Observatoire de la formation des prix et des marges ou de tout autre organisme.
Il est précisé que la diffusion limitée aux seuls adhérents de l’interprofession ne peut être considérée comme une diffusion publique ;
- l’acheteur y a facilement accès du fait de son contrat avec le producteur dans lequel les indicateurs ont été intégrés.
Pour les vins, relevons tout d’abord qu’aucun indicateur n’est communiqué par l’Observatoire des prix (cf Rapport de l’Observatoire.18/06/2020 https://www.franceagrimer.fr/content/download/64646/document/Rapport_2020_OfPM.pdf).
Il appartient donc aux opérateurs de se rapprocher de chaque syndicat interprofessionnel concerné pour s’assurer de la diffusion de ces derniers et de vérifier si le contrat d’achat y fait référence (lorsqu’il s’agit d’une revente).
- Que recouvrent les termes « font référence et explicitent les conditions dans lesquelles il en est tenu compte pour la détermination du prix » ?
Concernant tout d’abord le « prix », l’administration précise que l’article vise les CGV ainsi que la convention unique.
Concernant ensuite la possibilité pour l’opérateur de ne pas tenir compte d’indicateurs, l’administration précise que des raisons légitimes peuvent justifier cette absence de référence. Bien entendu dès lors que les indicateurs sont utilisés dans le contrat d’achat, leur utilisation doit être explicitée.
- Qu’en est-il lorsque les produits alimentaires comportent plusieurs produits agricoles ?
La DGCCRF souhaite « retenir une optique pragmatique et opérationnelle conforme à l’esprit de la loi EGALIM ».
Ce faisant, « seuls les produits agricoles principaux doivent être référencés et pris en compte dans la détermination du prix ».
La solution pourrait donc être de retenir les indicateurs par ordre d’importance ou ne préciser que ceux réellement déterminants dans la construction du prix
- Ces dispositions ne permettent-elles pas au distributeur d’obtenir de son fournisseur la construction précise de ses coûts de production et donc ses marges ?
Cette crainte légitime exprimée par les producteurs et fabricants est écartée par l’administration : la loi ne visait pas en effet à une transparence excessive sur la détermination du prix mais simplement de fournir des indicateurs et d’expliciter comment il en est tenu compte.
- Qu’en est-il de l’application de ces dispositions dans un contexte de relations commerciales internationales ?
L’administration précise de façon prudente – et sous réserve de l’interprétation des tribunaux – que ces dispositions peuvent être considérées comme des lois de police. Celles-ci seraient donc applicables à toute situation présentant des éléments de rattachement au territoire français (lieu d’établissement de l’acteur économique en France, marché français concerné pour l’écoulement des marchandises, etc).
Ce faisant, en cas de manquement dans les relations avec un producteur ou un client étranger, des poursuites sur ce fondement pourront être initiées. L’administration indique néanmoins qu’il ne s’agit pas de freiner le commerce à l’export. La situation des entreprises françaises confrontées au refus de l’acheteur étranger de prendre en compte les indicateurs sera donc prise en compte.
2.PRECISIONS CONCERNANT LE DROIT DE LA CONCURRENCE APPLIQUE AU SECTEUR AGRICOLE
(Lignes Directrices DGCCRF juillet 2020)
Le droit de la concurrence (ententes / abus de position dominante) poursuit l’objectif d’assurer un cadre légal aux entreprises qui contribuent à la croissance, l’innovation et le pouvoir d’achat.
Au regard notamment de la volatilité des cours, de la concertation du secteur aval et du caractère périssable des produits, des aménagements ont été créés pour adapter le droit de la concurrence au secteur agricole.
Aménagements qui concernent notamment les Organisations de Producteurs (OP), les Associations d’Organisations de Producteurs (AOP) ainsi que les Organisations Interprofessionnelles (OI).
Certains comportements en principe prohibés en droit de la concurrence sont ainsi autorisés.
L’interprétation du droit de la concurrence adapté au secteur agricole et confronté à la PAC poste néanmoins difficultés.
L’administration a publié des Lignes Directrices – sous forme de fiches – destinées à fournir aux acteurs du secteur agricole un support pédagogique.
Lignes directrices qui constituent par ailleurs un outil d’accompagnement pour la mise en œuvre de la loi EGALIM.
Des marges de manœuvre sont ainsi octroyées aux OP et AOP (fiche 3).
Le regroupement de l’offre au sein de ces organisations est considérée par l’administration comme « une nécessité économique pour renforcer la position des producteurs sur les marchés ».
Les OP et AOP peuvent ainsi :
- Mettre sur le marché et négocier les contrats concernant l’offre de produits agricoles au nom des agriculteurs qui en sont membres.
- Planifier la production et optimiser les coûts de production
Cette dérogation ne concerne que les OP et AOP reconnues comme telles (cf annexe 6 des Lignes Directrices) et couvre uniquement les missions précitées.
Cette dérogation ne permet pas à l’OP ou à l’AOP d’abuser d’une éventuelle position dominante.
La dérogation ne couvre que la production commercialisée via l’OP ou l’AOP et non la production vendue par le producteur en dehors de l’OP.
- Permettre des échanges d’informations commercialement sensibles entre l’OP et ses membres au cours d’activités
La possibilité d’action pour les OI (fiche n°4)
Au sein d’une interprofession, le champ des actions possibles n’est pas le même que celui ouvert aux OP et aux AOP reconnues.
Les OI doivent en effet s’en tenir à la possibilité de fournir des outils de négociation à leurs membres.
Les pratiques possibles sont notamment : l’établissement de contrats type avec une demande d’extension à l’autorité administrative ; la rédaction de clauses type de révision des prix et de lissage des prix ou des clauses de renégociation du prix ; la rédaction d’un guide de bonnes pratiques en matière de contractualisation ; la rédaction de clauses type facultatives de répartition de la valeur ajoutée entre les producteurs et leurs premiers acheteurs.
Certaines pratiques restent strictement interdites telles notamment : la négociation et la fixation de prix de vente ou d’achat des produits ou de la marge ; les consignes ou recommandations de prix à la production ; rendre obligatoire l’application d’indicateurs de référence.
Les accords des OI peuvent être validés en droit de la concurrence a priori dès lors : qu’ils ont été notifiés préalablement par les OI à la Commission européenne et sont compatibles avec les règles communautaires.
Production d’informations économique générale
La publication d’indices et d’indicateurs pertinents est autorisée. Ces informations doivent en effet permettre aux producteurs de disposer d’outils afin de négocier leurs contrats avec les acheteurs dans des conditions équilibrées.
Indicateurs dont la loi EGALIM a instauré leur contractualisation en cascade.
Sous couvert de leur communication certaines pratiques restent néanmoins prohibées : échanges d’informations stratégiques entre les membres de l’interprofession ; caractère obligatoire des indicateurs s’assimilant à des recommandations de prix.
Les modalités de recueil des informations doivent en outre garantir l’anonymat des entreprises participant à l’échange d’informations et ne doivent pas permettre aux acteurs d’identifier les données individuelles de chacun.
Régulation des volumes dans le secteur du Vin
L’administration rappelle la possibilité pour les OI de procéder à la régulation des volumes afin d’améliorer et de stabiliser le fonctionnement du marché des vins. Ce dispositif doit néanmoins être économiquement justifié, non discriminatoire et proportionné à l’objectif poursuivi.
Il ne doit pas conduire pas à bloquer une partie excessive de la récolte. Sa description doit fournir les éléments quantitatifs permettant de mesurer l’ampleur de la régulation. Il doit respecter le droit de propriété. Il permet de garantir la traçabilité des volumes et la réalisation des contrôles par les administrations. Il est décliné au niveau de chaque opérateur de manière objective et non discriminatoire.