Adapter, sans tarder, sa politique tarifaire ainsi que ses documents contractuels !
Le constat à l’origine de la proposition de loi Besson-Moreau était le suivant : la juste rémunération des agriculteurs est un enjeu social majeur, mais aussi un enjeu de souveraineté alimentaire.
Fruit d’un compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat, cette loi du 18 octobre (promulguée le 19 octobre au Journal Officiel) vise à compléter la loi dite Egalim en tenant compte notamment des préconisations du rapport de S. Papin (contractualisation obligatoire) et des constats renouvelés du « fort déséquilibre » entre fournisseurs et grande distribution.
Les vraies et fausses innovations apportées par ce texte (renforcement de la transparence, non-négociabilité de la partie « matière première du prix », rôle central des indicateurs, interdiction de la discrimination tarifaire, encadrement des pénalités logistiques) doivent être rapidement maîtrisées par les opérateurs dès lors que ces dernières s’appliquent aux négociations en cours.
Adaptation et actualisation de la politique tarifaire et contractuelle des fournisseurs sont donc d’actualité.
1. Contractualisation écrite obligatoire des ventes de produits agricoles La contractualisation écrite obligatoire pour toute vente de produits agricoles livrés sur le territoire français participe des outils de protection de la rémunération des agriculteurs, raison pour laquelle l’article 1er de la loi la rend obligatoire.
Cette extension du formalisme à toutes les ventes concerne donc le contrat entre producteurs agricoles et premiers acheteurs - jusqu’à présent exonérés - constitue l’une des nouveautés de la loi.
Le contenu de ce contrat est aussi précisé.
Parmi les mentions obligatoires, celle relative à la durée qui devra en effet être d’un minimum de 3 ans ; durée qui peut être portée à 5 ans par accord interprofessionnel.
→ Attention néanmoins, ces dispositions relatives à la durée minimale ne sont applicables ni aux produits soumis à accises, ni aux raisins, moûts et vins.
Autre mention obligatoire, celle relative « aux modalités de révision automatique, à la hausse ou à la baisse, de ce prix, selon une formule librement déterminée par les parties ».
Le texte prévoit néanmoins des exceptions dont notamment celles dont bénéficieraient les producteurs ou acheteurs dont le chiffre d'affaires est inférieur aux seuils qui seront fixés par décret. Seuils qui pourront être adaptés par produit ou par catégorie de produits.
Outre le renforcement de la contractualisation, le rôle des indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production, prévu par la loi EGAlim, est quant à lui confirmé.
Ces indicateurs doivent en effet être pris en compte au titre des critères et modalités de révision ou de détermination du prix au stade de la proposition de contrat et au stade de la conclusion du contrat.
Enfin, pour pallier l’absence d’indicateurs dans certains secteurs, la loi oblige les organisations interprofessionnelles à élaborer et publier 19 février 2022. En l’absence de publication, les instituts techniques agricoles devront les élaborer et les publier dans les deux mois suivant la réception d'une telle demande formulée par un membre de l'organisation interprofessionnelle.
→ Attention ces dispositions sont applicables aux accords-cadres et contrats conclus à compter d’une date fixée par décret, pour chaque filière, et au plus tard au 1er janvier 2023
2. Sanctuarisation du prix des matières premières Autre nouveauté : le principe de non-négociabilité de la part du tarif correspondant au coût des matières premières.
Autrement dit, le législateur exclut de la négociation les matières premières agricoles afin d’éviter la répercussion sur le fournisseur, des baisses consenties par l’industriel au distributeur.
Le fournisseur doit ainsi faire le choix, au sein des Conditions Générales de Vente (CGV), de l’option de transparence retenue parmi les trois qui lui sont possibles :
Pour cette option, l'acheteur peut, à ses frais, demander au fournisseur de mandater un tiers indépendant pour attester l'exactitude des éléments figurant dans les CGV.
Pour cette option, l'acheteur peut, à ses frais, demander au fournisseur de mandater un tiers indépendant pour attester l'exactitude des éléments figurant dans les CGV.
Pour cette option, le tiers indépendant intervient aux frais du fournisseur, et remet sa certification au plus tard dans le mois qui suit la conclusion du contrat
Le fournisseur doit donc arrêter sa stratégie tarifaire, et retenir l’option adéquate, en utilisant au mieux ce principe de non-négociabilité de la part des matières premières tout en évitant les effets pervers d’une trop grande transparence (informations connues des concurrents ; analyse de la construction des prix par la grande distribution.
→ Attention ces dispositions sont applicables aux CGV communiquées à compter du 1er novembre 2021 donc aux négociations en cours
Cette obligation de transparence n'est toutefois applicable ni aux grossistes pour leurs actes d'achat et de revente, ni à certains produits dont la liste sera définie par décret.
3.
Convention annuelle Le contenu de la convention annuelle récapitulant les obligations réciproques des parties, et donc le résultat des négociations, est adapté pour tenir compte des évolutions apportées par la loi.
Ainsi, si le fournisseur a retenu, au sein de ses CGV, l’option n°1 ou l’option n°2 précitée relative à la part des matières premières, la convention doit mentionner, aux fins de concourir à la détermination du prix convenu, la part du prix unitaire ou agrégé des matières premières agricoles et des produits transformés tel qu'il figure dans les conditions générales de vente.
La convention doit de même comporter une clause de révision automatique des prix du contrat en fonction de la variation du coût de la matière première agricole, à la hausse ou à la baisse, entrant dans la composition du produit alimentaire ou du produit destiné à l'alimentation des animaux de compagnie.
→ Attention à compter du 1er janvier 2022 les conventions sont conclues sur la base des CGV intégrant la non-négociabilité des matières premières et respectent le formalisme précité. Pour les conventions en cours : mise en conformité au plus tard le 1er mars 2023
4. Interdiction des conditions discriminatoires : retour du « ligne à ligne » Autre nouveauté – qui n’en est pas véritablement une et qui n’est pas sans rappeler un texte et une pratique ancienne – l’interdiction de la discrimination entre acheteurs, notamment tarifaire, pour tous les produits alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie.
Autrement dit, obligation est faite aux fournisseurs d’accorder un même tarif à chaque acheteur, sauf à pouvoir justifier les différences de prix de façon objective par un retour des négociations « ligne à ligne » (service en contrepartie de chaque remise).
→ Attention ces dispositions sont applicables aux CGV communiquées à compter du 1er novembre 2021 et aux conventions annuelles y afférentes donc au titre des négociations en cours
5. Encadrement des pénalités logistiques renforcé La pratique des pénalités logistiques a fortement dérivé pour devenir, dans certains cas, un complément de marges pour la grande distribution alimentaire.
Afin d’encadrer strictement cette pratique et pouvoir, le cas échéant, la sanctionner plus facilement, le législateur prévoit les conditions et limites d’application de ces pénalités.
Le non-respect de ces conditions et limites caractérisant une pratique restrictive de concurrence.
Ces pénalités doivent ainsi :
-
laisser une marge d'erreur suffisante au fournisseur au regard du volume de livraisons prévues par le contrat ainsi qu’un délai suffisant devant être respecté pour informer l'autre partie en cas d'aléa ;
-
être limitées à un montant maximum correspondant à un pourcentage du prix d'achat des produits concernés ;
-
rester proportionnées au préjudice subi au regard de l'inexécution d'engagements contractuels ;
-
être justifiées par la preuve par le distributeur du manquement du fournisseur ; le fournisseur disposant d'un délai raisonnable pour vérifier et, le cas échéant, contester la réalité du grief correspondant ;
-
tenir compte des circonstances indépendantes de la volonté des parties. En cas de force majeure, aucune pénalité logistique ne pourra être infligée ;
-
être appliquées aux seules situations ayant entraîné des ruptures de stocks. Pour les autres cas, le distributeur doit démontrer et documenter par écrit l’existence d’un préjudice.
Ainsi, sont interdites les pratiques consistant à :
-
procéder au refus ou au retour de marchandises, sauf en cas de non-conformité de celles-ci ou de non-respect de la date de livraison ;
-
déduire d'office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d'un engagement contractuel ;
-
exiger du fournisseur un délai de paiement des pénalités inférieur au délai de paiement qu'il applique à compter de la réception des marchandises.
6. Expérimentations La loi nouvelle envisage les expérimentations suivantes :
-
Tunnel de prix dans les contrats entre producteurs et premiers acheteurs : expérimentation pour 5 ans Il est prévu, pour les contrats entre producteurs et premiers acheteurs, des bornes minimales et maximales à l’intérieur desquelles pourra varier le prix convenu.
-
Relèvement du Seuil de Revente à Perte (SRP) Les modalités de calcul du relèvement du SRP sont modifiées pour les alcools.
Il est prévu par ailleurs la possibilité d’exclure du relèvement du SRP (par arrêté ministériel) certains fruits et légumes.
-
« Rémunéra-score » Il est prévu une expérimentation, pour une durée maximale de 5 ans, d’un affichage (dont les modalités seront, elles aussi, évaluées : marquage, étiquetage, voie électronique) informant le consommateur de l’impact sur la rémunération de l’agriculteur du prix du produit.
Sont concernés la filière viande bovine et les produits laitiers, certaines productions agricoles issues de l'agriculture biologique ainsi que certaines autres productions agricoles, définies par décret.
7.
Contrats portant sur les produits alimentaires vendus sous marque de distributeur (MDD) Les contrats relatifs à la conception et la production de produits alimentaires vendus sous MDD entre un fournisseur et un distributeur devront prévoir :
§
une clause de révision automatique des prix en fonction de la variation du coût de la matière première agricole ou des produits transformés ;
§
une clause relative au volume prévisionnel que le distributeur s'engage à faire produire sur une période donnée ainsi qu'un délai raisonnable de prévenance permettant au fabricant d'anticiper des éventuelles variations de volume ;
§
la durée minimale du préavis contractuel à respecter en cas de rupture de la relation contractuelle ainsi que les modalités d'écoulement des emballages et des produits finis en cas de cessation de contrat ;
§
une clause de répartition entre le distributeur et le fournisseur des différents coûts additionnels survenant au cours de l'exécution du contrat.
De même, en cas d’appel d’offres portant sur ce type de contrat, l’engagement du distributeur relatif au volume prévisionnel qu'il souhaite faire produire, devra être précisé.
→ Attention ces dispositions sont applicables à compter du 1er janvier 2022