Les décisions en référence nous permettent de commencer cette nouvelle année, que nous souhaitons excellente aux lecteurs de la Lettre, par l’examen de quelques questions clefs en matière d’agence commerciale : qualification et indemnisation. L’application du statut est tout d'abord retenue pour un intermédiaire qui intervenait dans le secteur de la vente de porcelaine (1). Le fournisseur soutenait que son partenaire, qui ne bénéficiait d’aucun contrat écrit et d'aucune exclusivité, n’avait pas le pouvoir de négocier en son nom et pour son compte, sa mission consistant essentiellement à prospecter, à l'assister commercialement et à assurer un travail de contrôle et de suivi des expéditions. Ce faisant, ce dernier ne pourrait être qualifié que d'apporteur d'affaires ou de courtier. Cette présentation est rejetée par la Cour d'Appel de Paris qui, sans entrer dans le détail, adopte les « motifs très précis et circonstanciés » retenus par les premiers juges. La lecture du jugement (TCom. Paris 4/12/2014) nous apprend, en effet, que des attestations et des rapports d’activité confirmaient la mission de prospection, de présentation de collection et de fourniture d'échantillons de cet intermédiaire ; ce qui, au regard de la jurisprudence récente, est insuffisant à retenir l’application du statut dès lors que la condition de négociation est actuellement interprétée de façon restrictive. Ce sont donc les preuves relatives à la « discussion sur les prix » et aux «négociations commerciales qui ont emporté la conviction des juges. Il est intéressant de relever qu’à cette occasion le Tribunal a précisé que « l'article L 134–1 du Code de Commerce ne fait pas de la conclusion de contrats pour le compte du mandant une condition nécessaire pour le statut ». La seule condition de négociation suffirait à justifier l'application du statut légal spécifique. La Cour d'Appel de Paris semble valider en creux cette analyse en précisant que « les premiers juges ont estimé que les critères essentiels du statut … étaient remplis ». Si l’on comprend cette position au regard de la jurisprudence récente qui « a reconnu un rôle important à la notion de négociation ; l'existence d'un pouvoir de conclure le contrat n'étant pas décisif » (CCC n°2, Février 2015 N Mathey, Cass. com., 9 déc. 2014 ; CA Nîmes 4/05/2016 – n° 14/05956), cette possibilité laissée à l’agent de conclure des contrats au nom et pour le compte du mandant n’est-elle pas pour autant nécessaire ? Autrement dit, l’exclusion contractuelle de tout pouvoir de conclure les contrats écarterait-elle l’application du statut ? Même s’il semblerait que la tendance actuelle soit de répondre par la négative, la question mérite d’être posée (Droit de la distribution, D. Ferrier, CA Paris 27/09/2007) et surtout contractuellement appréhendée. Qualification d’agent commercial par contre écartée pour un intermédiaire qui accompagnait les entreprises dans leurs projets de levées de fonds (2). Pour obtenir l’indemnisation, l’intermédiaire se fondait sur le contrat que les parties avaient expressément qualifié d'agent commercial. La Cour écarte logiquement cet argument et s’attache, conformément à l'article 12 du Code de Procédure Civile, à la réalité de la relation et aux missions effectivement confiées et réalisées par le partenaire. Or, ce dernier ne pouvait agir au nom et pour le compte de l'entreprise, devait organiser sa mission en collaboration avec la direction et ne disposait nullement ni du « pouvoir de négocier, ni de conclure les contrats ». Pour la Cour, il s’agissait donc d’un prestataire de service, et non d’un agent commercial, dès lors qu'il ne disposait « ni de l'indépendance requise, ni du pouvoir de négocier voire de contracter pour le compte de l'entreprise ». Le montant de l’indemnisation fait, lui-aussi, régulièrement débat ; débat le plus souvent alimenté par les mandants qui tentent de s’opposer aux deux années de commissions à titre d'indemnité que certains tribunaux considèrent comme « un usage ». C'est dans cette veine que s'inscrit l'affaire n°3. S’agissant de l'indemnisation d'un négociateur immobilier, qualifié d'agent commercial, la Cour d'Appel de Paris vient limiter cette indemnité à une année de commissions (cf en ce sens : LD Juin 2016). La Cour précise tout d’abord à cet effet que le préjudice subi par l'agent « correspond d'une part au montant des commissions auquel il aurait pu continuer à prétendre si le contrat s'était normalement poursuivi et d'autre part à la valeur économique de son contrat si celui-ci est cessible». De ce postulat, les magistrats rappellent que « tous les usages confirment que le prix de cession d'un contrat d'agent est déterminé sur la base de deux années de commissions, quelle que peut être la durée de la relation contractuelle ». Pour autant, en référence au secteur de l'immobilier, à la spécificité du métier de négociateur, à l'absence de caractère récurrent de la clientèle, il est précisé que « la notion de clientèle doit être relativisée ». C'est cette spécificité qui justifierait la prise en compte de la durée des relations, au cas d'espèce limitée à deux ans, pour limiter le montant de l’'indemnité. Plus rares sont les cas où l'agent obtient satisfaction et se voit accorder une indemnité supérieure à deux années de commissions. Tel est pourtant le cas dans l'affaire de la porcelaine précitée (1). L’'indemnité est en effet fixée à trois années de commissions compte tenu de la « durée des relations de plus de 14 ans » mais aussi de « l'augmentation du chiffre d'affaires » réalisé grâce à l'activité de l'agent ainsi que la stabilité des relations avec les clients. Force est de constater que la Cour ne s’embarrasse guère en l’espèce d’une analyse des spécificités du secteur de la porcelaine qui justifieraient une valorisation économique particulière du contrat et donc la prise en compte de la durée des relations… Rappelons que cette incertitude quant à la détermination du quantum de l’indemnité est liée aux textes eux-mêmes et au choix fait par la France de réparer le préjudice subi du fait de la cessation des relations (sans autre précision). L'article 17-3, alinéa 2 de la directive communautaire dispose de son côté que le « préjudice découle notamment de l'intervention de la cessation dans des conditions : qui privent l'agent commercial des commissions dont l'exécution normale du contrat lui aurait permis de bénéficier, tout en procurant au commettant des avantages substantiels liés à l'activité de l'agent commercial ; et/ou qui n'ont pas permis à l'agent commercial d'amortir les frais et dépenses qu'il a engagés pour l'exécution du contrat sur la recommandation du commettant ». Notions et de solutions qui, de la pierre à la porcelaine, continueront à alimenter le débat en 2017...
AL