Buffalo Grill, franchiseur, conclut un contrat de franchise avec une société franchisée représentée par son Directeur Général, pour l’exploitation d’un restaurant. Ce dernier, qui n’est pas partie en tant que personne physique au contrat, est par la suite devenu gérant et actionnaire majoritaire de deux sociétés (une holding et sa filiale), constituées durant l’exécution du contrat de franchise, dont l’une (la filiale) exploite un restaurant. Considérant cette ouverture et les ressemblances visuelles (forme et couleur du toit), le franchiseur a notifié au franchisé la résiliation anticipée du contrat pour faute grave. Le franchisé a alors assigné Buffalo Grill afin de faire constater cette rupture fautive et de voir son préjudice réparé ; en réponse le franchiseur a assigné en intervention forcée le dirigeant personne physique ainsi que la filiale. Sa responsabilité dans la rupture du contrat ayant été reconnue en première instance, Buffalo Grill a interjeté appel. Le franchiseur invoque en premier lieu la violation par le franchisé de l’obligation de confidentialité liée au savoir-faire repris au sein du restaurant concurrent ; violation qui se déduirait du fait que le franchisé et le destinataire de l’information sont deux sociétés dirigées par la même personne. La Cour d’appel écarte cet argument, sans autre précision. Il semblerait, comme le soutenait le franchisé, que la preuve du transfert et de la communication de la bible, charte ou savoir-faire, n’ait pas été apportée. Surtout, le franchiseur estime que la faute grave serait justifiée au regard de l’exploitation par le représentant légal du franchisé au travers de la filiale d’un restaurant concurrent. De son côté, le franchisé considère qu’aucune faute ne pouvait lui être reprochée, dès lors que le contrat de franchise ne prévoyait pas d’exclusivité d’activité à sa charge et/ou à celle de son dirigeant. Afin de recevoir les demandes du franchiseur, la Cour d’appel et la Cour de cassation vont se fonder, non pas sur une clause expresse de non-concurrence ou d’exclusivité d’activité inexistantes en l’espèce (sur les similitudes et différences de ces notions cf N. Eréséo, L’exclusivité contractuelle, Litec p 52 et 53), mais sur la commune intention des parties. La Cour d’appel de Paris, suivie en cela par la Cour de cassation, relève ainsi tout d’abord que le contrat est « conclu intuitu personae, en considération de la personne de M. W, dirigeant de la société franchisée, expressément qualifiée de « partenaire » ». Il est difficile d’interpréter plus avant ce premier indice dès lors que les clauses et les prétentions des parties sur ce point sur ne sont pas reprises in extenso par les décisions. La Cour d’appel et la Cour de cassation vont par ailleurs s’attarder sur la clause interdisant au franchisé, sauf accord préalable exprès du franchiseur, la cession du contrat à toute personne exploitant un réseau concurrent. Cette volonté de se protéger contre l’entrée d’un concurrent est selon la Cour confortée par la possibilité contractuelle laissée au franchisé de continuer une activité de restauration à la fin du contrat, activité qui serait donc impossible durant l’exécution du contrat. Et la Cour de cassation d’en conclure, comme la Cour d’appel, qu’« en l’état de ces motifs, déduits de son appréciation souveraine de la commune intention des parties, exclusive de dénaturation, la cour d’appel, qui a fait ressortir l’existence d’une situation incompatible avec l’exécution loyale du contrat par la société franchisée, a pu, sans porter atteinte à la substance ou à l’étendue des droits et obligations des parties, retenir que la résiliation du contrat pour faute grave était justifiée ». L’intuitu personae du contrat de franchise, ici étendu après analyse du contrat au dirigeant physique, ainsi que les principes de bonne foi et d’exécution loyale des conventions permettent donc à la Haute Juridiction de reconnaître l’existence d’une clause de non-concurrence tacite à la charge du franchisé. Cette solution libérale fondée sur les articles 1104 et 1188 du Code Civil (anciennement 1134 et 1156), visant à se dégager des exigences des seules stipulations expresses, s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel bien identifié par la doctrine (N. Eréséo, précité p. 150 et suivants ; Cass. Com, 15 décembre 1992, n°90-15552, Bull. civ, IV, n°409 ; Cass. Com, 4 avril 1995, n°93-18025). Solution libérale qui trouve ses détracteurs (G. Decocq, La loyauté de la concurrence au regard du droit de la distribution, Revue Lamy de la concurrence, n°66, 1er novembre 2017). Il est vrai que la frontière entre obligation implicite, préservant dans leur substance et leur étendue les droits des parties (Cass. 3ème civ. 9 décembre 2009, n°04-19.923 ; Cass. Com, 10 juillet 2007, D.2007, p. 2843, obs. Ph. Stoffel-Munck), et obligation nouvelle, susceptible de dénaturer les termes d’un contrat (art. 1188 du Code civil), semble ténue, générant des solutions en apparence aléatoire. A titre d’exemple, dans un arrêt récent de la Cour d’appel de Caen a refusé de reconnaître une obligation de non-concurrence tacite à la charge du franchisé, considérant qu’« en l’absence de clause de non concurrence expresse, l’obligation de loyauté n’interdit pas l’ouverture d’un réseau concurrent » (CA Caen, 11 octobre 2018, n°16/03875). La Chambre commerciale de la Cour de cassation a, quant à elle, récemment jugé que l’obligation d’exécution loyale et de bonne foi ne permet pas de mettre à la charge du franchiseur une obligation d’information, laquelle créerait une obligation nouvelle (Cass. Com, 30 mai 2018, n°17-14.303 ; Cass. Com, 4 septembre 2018, n°17-17.891, n°17-16.535, n°17-18.132, n°17-16.538, n°17-16.537, n°17-16.534, n°17-16.532, n°17-16.536). Sur le terrain de la réparation du préjudice du franchiseur, l’on retiendra tout d’abord que la clause pénale sanctionnant la partie aux torts de laquelle la résiliation est intervenue ne pouvait être réduite d’office par la Cour d’Appel « au regard d’une disproportion qui n’était pas évoquée par le franchisé, et sans voir invité les parties à présenter leurs observations sur ce point ». Ensuite, l’arrêt d’appel, qui avait exclu toute faute détachable du dirigeant personne physique alors qu’avait été retenue la responsabilité de la filiale exploitant le restaurant pour des actes de concurrence déloyale (reprise des caractéristiques distinctives de la toiture notamment, 40.000 euros de dommages et intérêts), est cassé. La Cour d’Appel aurait dû en effet «rechercher si les actes reprochés (au dirigeant) ne caractérisaient pas une faute intentionnelle d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions sociales ». AL