CA Reims 9/11/2021 n°20/015196, EFDE Mécaniques/ SEM (1)
CA Rennes 16/11/2021 n°18/08151, Mondo Déco / M. X (2),
Contexte – Les deux décisions sous commentaire s’intéressent tant au principe qu’aux modalités de la rupture du contrat d’agence commerciale fondée sur des fautes graves antérieures à la rupture mais découvertes postérieurement par le mandant. Dans la première affaire, le mandant listait au sein du courrier de rupture certains griefs tout en reconnaissant devoir l’indemnité ; indemnité dont il minorait le montant conformément à une clause prévue à cet effet au contrat. L’agent peu satisfait de ce montant saisit les tribunaux. Devant la Cour d’Appel de Reims, le mandant s’opposait au paiement de toute indemnité au motif que l’agent n’avait pas respecté son obligation de non-concurrence pendant la durée des relations (art. L134-3 C.com), ce qu’il avait appris après. Dans la seconde affaire, le contrat avait été rompu pour négligence de l’agent entraînant une baisse significative du chiffre d’affaires. Devant la Cour d’appel de Rennes, le mandant soutenait par ailleurs que son représentant avait exercé une activité concurrente, ce qu’il avait découvert après la rupture. Problème – Ces fautes découvertes postérieurement à la rupture mais contemporaines de la relation peuvent-elles être prise en compte par les juges pour exclure l’indemnité ? Solutions – En des termes distincts les deux arrêts valident ce principe. La Cour d’Appel de Reims précise ainsi que « la société EFDE Mécaniques (le mandant) invoque dans le cadre de la présente instance un manquement de la SEM (l’agent) à ses obligations en matière de concurrence, dont il n'est pas établi qu'elle connaissait pleinement les conséquences lorsqu'elle a mis fin au contrat d'agent commercial… La SEM ne peut donc opposer les termes de la lettre de rupture, antérieure à ces échanges, pour voir exclure la qualification de faute grave concernant ce grief ». Quant à la Cour d’Appel de Rennes « contrairement aux règles applicables à la rupture d'un contrat de travail, le mandant n'est pas tenu par les seuls griefs énoncés dans la lettre de résiliation, dès lors seulement que ces griefs reposent sur des faits antérieurs à la rupture qui n'ont été découverts, révélés ou confirmés que postérieurement à celle-ci ». Observations – La prise en compte par les juridictions françaises de ces fautes n’est pas nouvelle (LD 03/2018, Cass. Com 14/02/2018 ; LD 11/2019, CA Paris 05/10/2019). Cette solution est donc ici réaffirmée. Pour autant, est-il nécessaire, pour que ces fautes puissent être retenues, qu’un courrier de rupture ait été fondé sur d’autres griefs afin de s’assurer qu’une faute grave a bien provoqué la rupture au sens des articles L 134-13-7° du code de commerce et 18-a) de la Directive 86/653 ? Une réponse positive semble être apportée par la seconde décision. La Cour d’Appel de Rennes renvoie en effet expressément aux griefs énoncés au sein de la lettre de rupture du mandant. Ces griefs provoquant la rupture, s’ils n’enferment pas le mandant quant aux fautes qu’il pourra finalement opposer à l’agent pour lui dénier son droit à indemnité – contrairement au droit du travail, paraissent caractériser un préalable nécessaire. Autrement dit, sans rupture du contrat par un courrier listant la (les) faute(s) grave(s) reprochée(s), impossibilité de se prévaloir d’une faute découverte a posteriori ? Rien n’est moins sûr à la lecture de la seconde décision. Le mandant, tout en reprochant des inexécutions contractuelles de son agent, avait appliqué et accordé l’indemnité compensatrice. Et la Cour d’en conclure que « l'offre faite dans la lettre de rupture de verser une indemnité, que l'existence d'une faute grave devrait faire exclure, comme la SEM le soutient, conduit à conclure que la société EFDE Mécaniques ne considéraient toujours pas que les faits en cause étaient constitutifs d'une faute grave à la date de la lettre de résiliation du contrat ». Ce faisant, la Cour considère que le mandant, en accordant l’indemnité, avait acté cette absence de gravité au sein du courrier. A suivre ce raisonnement, la rupture n’était pas provoquée par une faute grave. Pour autant, la Cour d’appel de Reims analyse les fautes découvertes postérieurement dont se prévaut le mandant et les écarte uniquement pour défaut de preuve suffisante de leur gravité. Si cette preuve avait été apportée, ces dernières auraient donc pu être retenues. D’autres décisions ont ainsi reconnu cette efficacité même en l’absence de courrier fondé sur une faute grave (LD janvier 2021, CA Metz 10/12/2020 n°17/03248). En pratique, même si le droit de l’agence est plus souple que le droit du travail, les mandants devront être attentifs au contenu du courrier de rupture. Les fautes à y faire figurer (notamment recenser celles connues ou qui auraient dû l’être ; celles restant à confirmer) et le sujet de l’indemnité seront ainsi traités avec précaution afin d’anticiper les pièges précités.