Cour de cassation, 7 septembre 2022, n° 21-17.914
Faits
Un franchisé avait conclu un contrat de franchise avec la société Foncia franchise pour une durée de 7 ans, renouvelable par tacite reconduction, en vue de l’exercice des activités de transaction et de location immobilière sous enseigne Foncia.
Le franchiseur décide de ne pas renouveler son contrat. Le franchisé assigne le franchiseur et sa société mère aux motifs qu’il aurait abusé de son droit de ne pas le renouveler le contat et qu’il aurait commis des fautes dans son exécution.
L’affaire s’inscrit dans un contexte où la société Foncia avait décidé de procéder à une réorganisation massive de son réseau en dénonçant les contrats de prés de 55 % des franchisés. Ces derniers considéraient que ces dénonciations de contrat leur faisait perdre le bénéfice des honoraires de relocation et des ventes des lots apportées en gestion au profit des agences intégrées.
Le Cour de cassation, statuant sur un arrêt de la Cour d’appel de Versailles (Versailles, 24 janv. 2017), avait déjà en 2018 débouté le franchisé de ses demandes malgré le caractère massif des dénonciations de contrat, estimant que le franchiseur avait respecté un préavis supèrieur à celui stipulé au contrat et que les juges du fond n’avaient pas relevé de preuves d’abus dans l’exercice du droit de ne pas renouveler le contrat. La cassation partielle avait été retenue au moyen de la dénaturation de certaines pièces par la Cour d’appel de Versailles (N. Eréséo, LD octobre 2018 ; N. Ferrier Concurrences 4-2018).
En l’espèce, la Cour est saisi sur l’arrêt de renvoi (Paris, 5 mai 2021, n° 19/00506), qui a débouté le franchisé de l’ensemble de ses demandes, (i) ne retenant pas la faute du franchiseur à l’occasion du non-renouvellement du contrat, ce dernier n’ayant pas laissé croire à son franchisé à son renouvellement ou exposé le franchisé ou ses associés à des investissements excessifs, (ii) considérant que le franchisé avait pris le risque du non-renouvellement stipulé au contrat, et (ii) que le fait que le franchiseur ait mis fin à un nombre simultané de contrats de franchise ne démontrait pas qu’il avait excédé ses prérogatives liées à l’organisation du réseau.
Problème
Dans quelles circonstances le refus de renouvellement du contrat de franchise peut-il être jugé abusif ?
Solution
La Cour rejette le pourvoi reprenant point par point les motifs de la Cour d’appel :
« [L’arrêt] relève qu'il appartient au franchisé d'établir la déloyauté contractuelle du franchiseur à l'occasion de l'exercice de son droit de non-renouvellement, à partir des circonstances propres au non-renouvellement. Il retient qu'il n'est pas établi que le franchiseur ait, par son attitude, laissé croire que le contrat serait renouvelé à son échéance et exposé la société franchisée ou ses associés à effectuer des investissements, à supporter des coûts ou à s'endetter dans des proportions excessives. Il retient encore qu'en souscrivant le contrat de franchise, qui est clair quant à l'existence de la faculté de chaque partie de faire obstacle au renouvellement du contrat par tacite reconduction, la société franchisée a pris le risque du non-renouvellement du contrat à son échéance, ce qui la prive, ainsi que ses associés fondateurs, de la possibilité de se plaindre des conséquences nécessaires du non-renouvellement, telles les prétendues atteintes à la réputation commerciale ou professionnelle ou la prétendue perte des fruits de la revente ou de la relocation des lots apportés en gestion. Il retient enfin que, dans les circonstances de l'espèce, en l'absence de manquement contractuel du franchiseur, rien ne permet de retenir que celui-ci, en mettant fin simultanément à un nombre important de contrats de franchise, ait excédé ses prérogatives liées à l'organisation du réseau, au préjudice de la société H3M Immo. Il en déduit que l'abus du droit de ne pas renouveler le contrat n'est pas établi ».
Analyse
Cette affaire s’inscrit parmi les huit procédures diligentées par d’anciens franchisés du réseau « Foncia », qui reprochaient à leur franchiseur un refus fautif du renouvellement de leur contrat de franchise, ayant pour seul objectif de récupérer à son profit le maillage territorial assuré par ses franchisés, et la clientèle et le chiffre d’affaires qui en résultent.
L’article 1212 du Code civil énonce le principe que lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée « nul ne peut exiger le renouvellement du contrat ».
Ce n’est que si l’exercice du droit au non-renouvellement est abusif, par exemple si le franchiseur a laissé croire au franchisé que son contrat serait renouvelé et/ou qu’il aurait exigé de lui des investissements dans l’activité avant de le denoncer (article 1240 du Code civil ou 1104 du Code civil), ou brutal, dans le cas où le franchiseur n’aurait pas respecté un préavis suffisant tenant compte de la durée et la teneur de la relation contractuelle (article L442-1 II du Code de commerce), que le non-renouvellement du contrat est susceptible d’être sanctionné. L’argument du franchisé tenant à la récupération du franchiseur de ses efforts de développement ne pouvait entacher le droit du franchiseur de ne pas renouveler le contrat, dans la mesure où aucune indemnité de clientèle n’est due à la fin du contrat de franchise.
Cet arrêt entérine en outre le principe selon lequel le promoteur du réseau est libre de sa réorganisation. En effet, les dénonciations massives et concomitantes des contrats par Foncia n’ont pas été retenues pour qualifier la faute dans le refus de renouvellement du contrat par le franchiseur, la Cour retenant le droit de ce dernier de réorganiser son réseau. Cette solution est déjà bien connue, notamment en matière de distribution sélective (CA Paris, 31, juillet 2019, Hyundai Motor France / Garage Richard Drevet, RG n° 16/20683, N. Eréséo LD sept 2019 ; CA Paris, 27 mars 2019, Oustric c/ Jaguar Land Rover France, RG n° 17/09056, N. Eréséo, LD Avril 2019), le promoteur du réseau pouvant librement modifier son maillage territorial (Cass. com. 7 janv. 2014, n° 12-17.154) mais également développer des réseaux parallèles voire concurrents (par ex. CA Paris, 1er juin 2016, n° 14/00997).
Cette liberté trouve toutefois ses limites dans l’obligation du promoteur du réseau s’assurer l’utilité du contrat pour son partenaire économique ce qui, dans la franchise, s’apparente à assurer la rentabilité économique du concept pendant la durée du contrat : « l’assujettissement au contrat n’oblige pas à maintenir celui-ci tant que dure son utilité pour le partenaire, mais oblige à maintenir l’utilité du contrat tant qu’il dure… » (N. Ferrier Concurrences 4-2018, chronique franchise).
L’affaire illustre que le fournisseur doit prendre des précautions minimales durant la période de préavis en se montrant très clair sur ses intentions et en évitant les déclarations ou comportements ambigus.