Devoirs de vacances pour tout mandant souhaitant user à bon escient de la faute grave de l’agent : activité délaissée, reproches formulés, rupture sans préavis…
La gravité de la faute de l’agent, exclusive de toute indemnité de fin de contrat (art. L 134-13-1° C. com.), est appréciée au cas par les tribunaux, peu important la qualification contractuelle retenue par les parties. Parmi les évènements habituellement discutés, les piètres performances de l’agent arrive en bonne place. Il est ainsi classiquement admis que la simple baisse des résultats ne saurait constituer à elle seule la faute grave exonératoire de toute indemnité (Contrats Conc. Conso., mars 2015, N. Mathey). Ce n’est que dans l’hypothèse où des défaillances de l’agent expliquent ces résultats que la faute grave sera reconnue. La première affaire sous étude s’inscrit dans ce courant et confirme la gravité du comportement aux motifs que l’agent « avait délaissé son activité d’une manière si conséquente qu’elle rendait impossible le maintien du mandat d’intérêt commun ». Dès lors que le mandant a pu démontrer que l’agent « n’avait plus visité certains clients habituels et ne s’était plus rendu aux salons professionnels », la diminution de 50 % de chiffre d’affaires sur son secteur et sur les neuf premiers mois de l’année lui incombe. Cette solution est à rapprocher de l’arrêt du 9 décembre 2014 de la Cour de Cassation au titre duquel « l’agent commercial qui a manifesté un désintérêt manifeste et généralisé dans l’exécution de son mandat… a manqué gravement à ses obligations contractuelles » (LD janvier 2015). Il est intéressant de relever que la Cour, outre les défaillances justifiées, a été sensible à l’avertissement donné préalablement à la rupture par le mandant à l’agent. Le mandant doit en effet formuler des reproches et mise en garde en temps utiles afin d’éviter que lui soit opposée la tolérance d’une telle situation (Cass. com., 7 avr. 2009, n° 08-12.832). Tolérer un tel comportement incompatible avec le maintien du lien contractuel pourrait en effet se retourner contre le mandant.
C’est ce que nous rappelle l’arrêt de la Cour d’appel de Metz, dans la seconde affaire relative à la rupture d’un contrat d’agent à durée déterminée pour faute grave. Le courrier de rupture listait en effet un inventaire à la Prévert des fautes reprochées : « clients mécontents ‘ commandes incomplètes ‘ travail non achevé’ remise tardive des acomptes des clients… erreurs graves et récurrentes lors de la prise de mesures sur les chantiers… ». Sans même s’attacher à vérifier la réalité des défaillances invoquées, la Cour rejette toute faute grave dès lors que le mandant avait accordé à l’agent un préavis de trois mois. Celui-ci avait ainsi « implicitement reconnu que les relations contractuelles pouvaient se prolonger jusqu’à ce terme de sorte qu’il ne peut en même temps soutenir que l’agent commercial avait commis une faute grave rendant intolérable le maintien du lien contractuel et supposant par conséquent la rupture immédiate du contrat ». La tolérance d’une telle situation n’est donc pas admissible, peu important que les fautes aient été officiellement révélées et la rupture du contrat annoncée ; l’atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun nécessitait en effet une rupture immédiate du lien contractuel. Pour autant, la faute grave exclue, l’indemnisation sollicitée par l’agent au titre de « l’indemnité de clientèle » (sic) est écartée, la demande ayant été formulée au-delà du délai de déchéance d’un an (art. L134-12 al.2). L’agent obtient toutefois gain de cause au titre de la réparation du préjudice résultant de la perte de commissions jusqu’au terme de la convention. Rappelons en effet que cette indemnisation, fondée sur la rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée non justifiée par une faute grave, a un objet distinct de l’indemnité fondée sur l’article L 134-12 C. com. (Cass. com., 23 avr. 2003, n° 2003-018769).
Aymeric LOUVET