Le mandant, agent immobilier, met un terme au contrat d’agent commercial de son négociateur immobilier considérant que les objectifs fixés ne sont pas atteints. L’agent saisit les tribunaux et sollicite classiquement la condamnation du mandant au versement de l’indemnité de fin de contrat fixée à deux années de commissions conformément aux usages. En réponse, le mandant va contester le droit à indemnité. Tout d’abord, et l’argument est original, dans son principe. Le mandant entendait en effet démontrer que son agent avait retrouvé une activité de négociateur immobilier au lendemain de la rupture du contrat et qu’il n’avait donc souffert d’aucun préjudice. Ce faisant, l’agent ne pouvait apporter la démonstration du préjudice qu’il avait subi du fait de la cessation du contrat. En l’absence de cette preuve, sa demande devait purement et simplement être rejetée. La Cour d’Appel ne l’entend pas ainsi, considérant au contraire qu’ « il résulte du caractère d’ordre public des dispositions de l’article L 134–12 du Code de Commerce que l’indemnisation de l’agent commercial est due du seul fait de la cessation des relations imputable au mandant ». En conséquence, le principe du droit à « indemnité n’est pas subordonné à la preuve d’un préjudice ». Le fait que l’agent n’ait connu aucune période d’interruption entre la fin de son contrat d’agent commercial et la signature du nouveau contrat de même nature « est sans incidence sur le principe du droit à indemnité ». Cette solution doit être approuvée. Le droit à indemnité né, le mandant se fondait ensuite sur la diminution substantielle du chiffre d’affaires pendant la durée des relations et sur la découverte, postérieurement à la rupture du contrat, d’actes de détournement de clients par l’agent au profit du nouveau mandant concurrent. La question de la découverte de fautes graves postérieures à la rupture du contrat mais commises antérieurement à cette dernière alimente régulièrement la lettre (LD mars 2018 S. BRENA – LD septembre 2017 A. L.). Rappelons en effet que récemment, la Cour de Cassation, pour casser un arrêt de la Cour d’Appel de Paris qui avait écarté ces fautes, a précisé : « le manquement à l’obligation de loyauté ainsi reproché à (l’agent), qui était susceptible de constituer une faute grave privative d’indemnité, avait été commis antérieurement à la rupture du contrat, peu important que, découvert postérieurement par les mandantes, il n’ait pas été mentionné dans la lettre de résiliation » ( Com. 14/02/2018, n°16-26037). En l’espèce, la Cour d’Appel adopte une solution identique : « Le mandant peut toujours, même si elle s’est révélée postérieurement à la rupture du contrat, faire état de l’existence d’une faute commise antérieurement, à moins qu’il en avait eu connaissance et qu’il l’ait toléré en ne lui reprochant aucune faute grave pendant la rupture de contrat ». Et la Cour d’en conclure qu’il importe peu que ce grief ait été soutenu « près de trois ans après la rupture ». Il semblerait en l’espèce que la rupture pour non-atteinte des objectifs renvoie à une rupture pour faute grave et non à une simple rupture (intérêt de cette distinction - cf. LD mars 2018 précitée). Il importait donc peu que ces actes déloyaux soient prévus au sein du courrier pour étayer la faute grave. Si sur le principe ces fautes postérieures sont donc recevables, elles sont au cas particulier écartées dès lors que les attestations produites sont insuffisantes, imprécises et que les mandats soi-disant détournés étaient des mandats de vente simples (non-exclusifs) que les clients pouvaient confier à toute autre agence immobilière de leur choix. Le mandant devait donc réparer le préjudice subi par l’agent. Pour ce faire, la Cour rappelle tout d’abord « qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne doit déterminer les modalités de calcul de cette indemnité ». Ce faisant, « les dommages intérêts doivent être appréciés en fonction des rémunérations antérieurement perçues par l’agent, de la durée de ses fonctions, et du préjudice effectivement subi correspondant à la perte des commissions auxquelles l’agent aurait pu raisonnablement prétendre à la poursuite du mandat ». Nouvelle décision qui écarte donc, ici tacitement, « l’usage » des deux années de commissions. En l’espèce, la Cour retient : la durée limitée de relation de quatre ans et neuf mois, l’évolution baissière du marché immobilier les deux dernières années, ce qui avait entraîné une baisse constante du montant des commissions, et enfin le nouveau contrat conclu immédiatement par l’agent. Et fixe l’indemnité à une année de commissions. Ces paramètres sont donc pris en compte non pas pour discuter du principe de l’indemnité mais pour en déterminer le montant. Il sera enfin relevé que l’indemnisation de l’agent est compensée en partie par le préjudice subi par le mandant du fait de la violation par le premier de sa clause de non-concurrence. Clause dont la validité n’était apparemment pas discutée (limitée à une année et à 30 km à vol d’oiseau) et qui a été violée par l’agent du simple fait de la signature de son nouveau contrat. AL