Vente dans des clubs du 3ème âge : fautes de l’agent, indemnité et responsabilité (bien ?) traitées !
Ch. Com Cour Cassation 7/10/2014 n°13-17500
Un agent prospecte des clubs du troisième âge et négocie l’organisation de journées d’animation (sorties, restaurants notamment) à l’occasion desquelles le mandant vend à ces retraités, déjà bien détendus, des produits de bien-être. La relation contractuelle rompue à l’initiative du mandant, celui-ci, pour s’opposer aux demandes indemnitaires de l’agent, conteste tout d’abord l’application du statut pour absence de pouvoir de négociation. La Cour de Cassation, tout comme la Cour d’Appel de Lyon, se refusent à analyser la mission et les pouvoirs de l’agent uniquement au regard de la vente des produits de bien-être, comme le proposait habilement le mandant (l’agent ne présentait et ne négociait apparemment pas la gamme des produits, les tarifs, etc.). Les magistrats s’attachent en effet à qualifier l’action amont de l’agent qui concourrait « à la vente de ces produits, pour en être le préalable nécessaire, même si (l’agent) n’assure pas (lui)-même les ventes » (Cour d’Appel) et concluait, à cet effet, « des contrats de prestations de services comme mandataire...» (Cour de Cass.). C’est donc la négociation de contrats de prestations de services (réservation des restaurants et voyages) par l’agent, nécessaires à la vente de produits par le seul mandant, qui justifie l’application du statut. Le mandant n’a pas plus de succès concernant les fautes susceptibles de faire échec à l’indemnité, l’insuffisance de prospection et les actes de concurrence déloyale reprochés n’étant pas démontrés. Faisant feu de tout bois, le mandant sollicite à titre reconventionnel la réparation du préjudice subi du fait de « la rupture anticipée des relations contractuelles…. des dépenses exposées… du manque à gagner sur une centaine de réunions non effectuées ». La Cour d’Appel rejette cette demande au motif que le mandant ne saurait obtenir réparation de ce préjudice dès lors que la rupture n’est pas imputable à l’agent. Au visa des articles 1147, 1149 (responsabilité contractuelle de droit commun) et 1992 du C. Civ. (responsabilité contractuelle des mandataires), la Cour de Cassation casse l’arrêt : « indépendamment de la perte de son droit à une indemnité de rupture lorsqu’il a commis une faute grave, l’agent commercial est tenu de répondre des fautes qu’il aurait pu commettre envers son mandant ». Même si quelques doutes subsistent quant à l’interprétation à donner à cet arrêt non publié (au regard des demandes du mandant notamment), cette décision rappelle la déconnexion juridique nécessaire entre fautes de l’agent au regard du droit à indemnité et traitement de ces fautes sous l’angle de sa responsabilité contractuelle. Précision utile tout d’abord concernant la faute grave. Ce type de faute prive en effet généralement l’agent de toute indemnité (L134-13 C. Com). Dans cette hypothèse, le mandant peut par ailleurs engager la responsabilité contractuelle de l’agent et obtenir réparation du préjudice subi (déjà en ce sens, au visa des articles 1992 C.civ., L. 134-12 et L. 134-13 C. Com., Cass. Com 15/05/2007 n°05-19447). L’on sait toutefois, depuis le 28 octobre 2010 (CJUE aff. 203/09), qu’il est des hypothèses où la faute grave ne peut être retenue pour faire obstacle à l’indemnité : faute commise par l’agent entre la notification de la rupture et la fin du préavis; voire faute antérieure à la notification mais dont le mandant aurait pris connaissance postérieurement à la rupture (question toutefois discutée). Malgré ces fautes avérées, l’agent perçoit donc l’indemnité. Dans cette hypothèse, le mandant doit toutefois pouvoir engager la responsabilité contractuelle de l’agent, et ce faisant obtenir réparation du préjudice subi (et donc tempérer l’impact économique de l’indemnité). Quid par ailleurs des fautes simples (ou non-graves) qui ne font pas échec à l’indemnité ? Les plaideurs ont-ils enfin intérêt à privilégier la voie de la responsabilité contractuelle de l’agent plutôt que d’essayer de minorer l’indemnité légale en faisant état de ses inexécutions (LD mars 2001, Trente ans de droit de la distribution), comme semblait nous y inviter la CJUE dans la décision précitée (il est vrai pour l’indemnité de clientèle de l’art. 17 paragraphe 2) ? A suivre…